Indésirable, Erwan Larher, Quidam éditeur, 2021, 335 pages
« Il faudrait ne pouvoir vivre que des premières fois. »
Encore un ! Encore un roman d’Erwan Larher ! Bien sûr, je ne pouvais que sauter dessus. Et bien sûr, je ne suis pas déçue !
Cette fois, sa passion pour les vieilles pierres transpire de tous les pores de ses mots, de ses phrases. A commencer par le titre du premier chapitre, L’érotisme des vieilles pierres. Sam entretient avec sa maison une relation charnelle et lorsqu’on connait un peu l’auteur, on sait qu’il ne nous dit pas de sottises quand il s’attaque au sujet de la rénovation d’un vieux logis.
Mais revenons à la source. Sam jette son dévolu sur une maison, non, plutôt une belle bâtisse ancienne à rénover dans les règles de l’art. Elle se trouve dans le village de Saint-Airy, un bourg français comme un autre, pas pire, pas mieux, peuplé de gens qui se méfient des étrangers surtout s’ils ne ressemblent ni à une femme, ni à un homme. Ce Sam Zabriski est un être énigmatique, qui surprend, fait frémir ou sourire, voire inquiète. Comme un pavé dans la mare, il va modifier la vie de cet endroit, et l’auteur va en profiter pour écorner ce qui lui déplait, non sans humour.
Sur un petit air de thriller (des morts, un vol de lingots, des mafieux très dangereux), quelques notes politiques (une élection municipale avec une liste participative), une petite ballade chez des habitants, dignes représentants de la diversité du genre humain, quelques clins d’œil à Francis Rissin ou à son roman précédent Pourquoi les hommes fuient ? et le tour est joué. On enchaîne les courts chapitres les uns derrière les autres, on ne se ménage pas beaucoup de pauses, on en reprendra bien quelques pages, allez un petit chapitre supplémentaire, et voilà, on avale ce roman, l’air de rien, comme si l’on sirotait une bonne bière. Parce que c’est bon, c’est gouleyant, c’est surprenant, c’est vivant !
Je suis toujours amoureuse de cette langue, c’est un des rares auteurs qui m’oblige à ouvrir un dictionnaire, il joue avec les mots, s’amuse à transformer des adjectifs en verbes, il est inventif, il manie l’art du dialogue à la perfection et sublime trait de génie : il crée une langue pour transcrire le neutre, ni féminin, ni masculin ou les deux à la fois, à l’heure de l’écriture inclusive, c’est plutôt jubilatoire.
Encore un bon cru, mais existe-t-il des mauvais crus dans la cave Larher ?