Le fleuve des rois de Taylor Brown

Le fleuve des rois de Taylor Brown

Le fleuve des rois, Taylor Brown, Traduit de l’américain par Laurent Boscq, Albin Michel, collection Terres d’Amérique, 2021, 452 pages

« On dit qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, et Hunter sait que cet adage signifie qu’on ne peut jamais toucher deux fois la même eau vive. Qu’à peine effleurée, elle est déjà ailleurs, dans la mer, ou dans les nuages, ou dans le sang des bêtes et des hommes. »

Un an après le décès de leur père, Lawton et Hunter descendent l’Altamaha River en kayak pour disperser ses cendres dans l’océan. Mais Lawton n’a pas ce seul but en tête, il cherche aussi à comprendre de quelle manière son père est mort, il ne croit pas à la version officielle (« un impact d’esturgeon apparemment ») et profite de cette descente du fleuve pour creuser plus avant le sujet. On ne peut dire ce qu’il découvrira mais sa déception sera à la hauteur de son attente…

Les chapitres alternent entre ce périple qui permettra aux deux jeunes hommes d’apprendre à se connaître, l’expédition à laquelle participe le dessinateur et cartographe Jacques Le Moyne en 1564, et le passé de ce fameux père, Hiram. Trois récits, trois époques. Le point commun étant le fleuve et ses démons.

Car ce fleuve est un personnage à part entière. Il renferme bien des mystères, à commencer par celui évoquant la présence d’un monstre en son sein. Légende qui a traversé les siècles et qui s’avère encore bien vivace.

C’est un roman ambitieux et follement intéressant. Difficile à lâcher. J’avais souvent hâte de retrouver les premiers colons français sur les terres indiennes du Nouveau Monde, leur expédition parfaitement relatée, leur manière de traiter les indiens, leur soif d’or, leur peur de la cruauté des colons espagnols, cet épisode historique a comblé mon désir d’en savoir toujours plus sur cette période de l’histoire. Tout ce qui est lié à la découverte de l’Amérique, à la colonisation de ses terres me passionne.

Et Taylor Brown montre bien que la chose la mieux partagée du seizième au vingt-et-unième siècle, c’est la cupidité, l’appât du gain, la soif de posséder toujours plus au détriment de toute humanité, au mépris du respect de la nature, avec un égoïsme qui surpasse la bêtise.

Les récits, dans une puissante construction, se retrouveront liés à la toute fin du roman, liés par ce fleuve, ce fleuve-roi, ce fleuve qui garde précieusement ses mystères en lui.

Ode à la nature, diatribe contre la pollution, dénonciation de la voracité des hommes pour l’argent, ce roman est dense, puissant, captivant. J’ai été emportée dans ses flots.

« J’ai pas mal bourlingué à la surface du monde, mon ami. Et manquer à sa parole est la seule chose universellement condamnée. »

Merci aux éditions Albin Michel pour l’envoi de ce roman.