Las Malas, de Camila Sosa Villada, TusQuets Editores, Colección Andanzas, 2021 (première édition 2020), 229 pages.
L’histoire
La Tante Encarna porte tout son poids sur ses talons aiguilles au cours des nuits de la zone rouge du parc Sarmiento, à Córdoba, en Argentine. La Tante – gourou, mère protectrice avec des seins gonflés d’huile de moteur d’avion – partage sa vie avec d’autres membres de la communauté trans, sa sororité d’orphelines, résistant aux bottes des flics et des clients, entre échanges sur les derniers feuilletons télé brésiliens, les rêves inavouables, amour, humour et aussi des souvenirs qui rentrent tous dans un petit sac à main en plastique bon marché. Une nuit, entre branches sèches et roseaux épineux, elles trouvent un bébé abandonné qu’elles adoptent clandestinement. Elles l’appelleront Éclat des Yeux.
Premier roman fulgurant, sans misérabilisme, sans auto-compassion, Les Vilaines raconte la fureur et la fête d’être trans. Avec un langage qui est mémoire, invention, tendresse et sang, ce livre est un conte de fées et de terreur, un portrait de groupe, une relecture de la littérature fantastique, un manifeste explosif qui nous fait ressentir la douleur et la force de survie d’un groupe de femmes qui auraient voulu devenir reines mais ont souvent fini dans un fossé. Un texte qu’on souhaite faire lire au monde entier qui nous rappelle que « ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête ».
Mon humble avis
Suite à la lecture de la newsletter Women Who Do Stuff qui consistait en un entretien avec Camila Sosa Villada à propos, entre autres, de son livre, j’ai non seulement eu envie de le lire mais surtout il m’a semblé que ce serait l’occasion parfaite de le lire en espagnol. Cela fait un moment que j’essaie de trouver des livres écrits en espagnol à l’origine qui me font envie et qui ne seraient pas trop complexes (je suis bien moins à l’aise en espagnol qu’en anglais). Et je suis ravie d’avoir tenté l’expérience.
Les Vilaines raconte le quotidien d’un groupe de femmes trans à Córdoba, qui se prostituent dans le parc Sarmiento et qui découvrent un jour un bébé abandonné là. Le livre est raconté par une de ces femmes, qui va être la narratrice de ces tranches de vie et rapporter les différents événements du livre. C’est elle qui nous dévoile le passé des différents personnages, le fonctionnement de ce groupe de femmes qui s’en remettent à l’une d’entre elles, la Tante Encarna, comme une guide voire une figure maternelle qui prend les autres sous son aile.
Le plus marquant dans ce roman est le mélange entre le réalisme présenté notamment par la précarité du travail du sexe et la transphobie omniprésente dans la société dépeinte dans Les Vilaines, et les éléments fantastiques ou fantaisistes qui surviennent – qu’il s’agisse d’une transformation en oiseau, en chienne ou des apparitions étranges. Bien entendu, il est facile de faire le rapprochement entre ces transformations en animaux non-humains et le Sida, qui rend le corps de plus en plus faible et différent de ce qu’il était, jusqu’à ce que les personnes malades soient complètement déshumanisées par la société. Mais, même si ces problématiques sont présentes dans le roman, j’ai l’impression que ce n’est pas forcément de cela qu’il s’agit et que l’autrice cherche surtout – avec succès – à inclure une dimension poétique et surprenante dans son livre.
No. En realidad somos nocturnas, para qué negarlo. No salimos de día. Los rayos del sol nos debilitan, revelan las indiscreciones de nuestra piel, la sombra de la barba, los rasgos indomables del varón que no somos. No nos gusta salir de día porque las masas se sublevan ante esas revelaciones, nos corren con sus insultos, nos quieren maniatar y colgarnos en las plazas. El desprecio manifiesto la desfachatez de mirarnos y no avergonzarse por ello.
No nos gusta salir de día porque las señoras de la buena sociedad, las señoras de peinado de peluquería y cárdigan de hilo fino, nos denuncian por escándalo. Nos señalan con sus dedos de arpías y nos convierten en estatuas de sal, prontas al desmoronamiento, a la avalancha de nuestras células desperdigadas como perlas de un collar arrancado de golpe.
No nos gusta salir de día porque no estamos acostumbradas, porque es imposible acostumbrarse al corsé de sus estatutos. Mejor quedarnos durmiendo, encerradas en nuestros cuartos, mirando telenovelas o haciendo nada. No hacer nada durante el día, borrarse del mapa de la producción, eso es lo que hacemos.
pp. 122-123
Comme mentionné plus haut, la transphobie est bien sûr présentée pour la violence qu’elle est : rejet des parents, précarité économique, violences physiques et sexuelles, meurtres… Tout ceci et plus encore arrive aux personnages, sans oublier la putophobie qu’elles vivent quotidiennement. Mais les personnes trans ne sont pas les seules à subir des violences, qu’il s’agisse d’une femme cisgenre ou d’hommes cis racisés, d’autres personnages font face aux injustices de la société et se rassemblent pour lutter ensemble et faire preuve de solidarité quand c’est possible.
La policía va a hacer rugir sus sirenas, va a usar sus armas contra las travestis, van a gritar los noticieros, van a prenderse fuego las redacciones, va a clamar la sociedad, siempre dispuesta al linchamiento. La infancia y las travestis son incompatibles. La imagen de una travesti con un niño en brazos es pecado para esa gentuza. Los idiotas dirán que es mejor ocultarlas de sus hijos, que no vean hasta qué punto puede degenerarse un ser humano. A pesar de saber todo eso, las travestis están ahí acompañando el dilirio de La Tía Encarna.
Eso que sucede en esa casa es complicidad de huérfanas.
p. 24
J’ai été particulièrement touchée par un passage où la narratrice compare la façon dont son père maltraite les animaux (pour les élever et les manger) et la maltraite elle, dans son enfance. Tandis qu’elle s’attache aux animaux et trouve du réconfort avec eux malgré la peur que son père lui inspire par sa violence, ce dernier oblige sa mère et elle à participer à l’abattage des animaux et à leur préparation pour en vendre la viande.
La ira de esos animales trampeados era la misma que se leía en los ojos de los lechones, cabritos y demás animales que mi papá mataba para vender la carne luego. Mi papá nos obligaba a participar a mi mamá y a mí en esas mantazas, nos hacía cómplices de su faena. Mi mamá sabía dar vuelta la cara mientras él le gritaba lo inútil que era, y le ordanaba que agarrara más fuerte de las patas, que sirviera para algo. Y cuando no era ella, era yo el inútil, el niño maricón que lloraba de impotencia.
Era tal la crueldad de esa vida que yo pensaba que a mi papá iba a pasarle algo realmente malo, que alguna vez iba a ser comido por alguno de esos animales, que iba a terminar igual de despanzurrado que ellos, debajo de un montón de pelo, plumas, escamas, entrañas sanguinolentas de todos los animales que había matado, de todo el daño que había causado, de todo el odio que irradiaban esos pobres animales que morían dejando su último resuello en el esfuerzo por escapar, a veces de las manos de mi mamá y a veces de las mías, provocándome unas pesadillas insoportables por las noches, con sus chillidos y su desesperación y su agónico, interminable reclamo.
p. 103
Malgré la violence de ce qui arrive aux personnages, l’autrice délivre un récit poétique et touchant. Et encore je pense être passée à côté de beaucoup de choses d’un point de vue de la langue parce que ma compréhension de l’espagnol est loin d’être parfaite ! C’est en tous cas un roman très surprenant pour moi parce que je n’ai pas l’habitude de lire ce genre de récit et je suis vraiment ravie de l’avoir découvert.
Nunca sabré del todo quién dejó a quién: si fuimos nosotras, al disgregarnos, al permitir que invadieran nuestro territorio, las que entristecimos aquel Parque con nuestra ausencia, o fue al revés. El comercio empezó a menguar, cada vez había menos clientes, tanto ellos como nosotras temíamos que la policía nos agarrara con las manos en la masa. Los diarios y la televisión decían que, con la nueva iluminación del Parque, se iban a acabar la delincuencia y la prostitución. A mí siempre me pareció que nos veían como cucarachas: les bastó encender la luz para que todas saliéramos corriendo.
p. 199