Pascal, professeur de littérature et fou de lecture (« Marié, je n’aurais jamais pu lire autant ! ») s’est retiré dans un gîte isolé pour les deux mois de vacances d’été, il est accompagné de Margaux, une adolescente passionnée d’écriture, mal dans sa peau depuis le décès tragique de sa mère et la dépression de son père. Quand ils vont faire connaissance avec leur seul voisin, Florin, solitaire et discret, un monde d’histoires extraordinaires va les sortir de leurs vies banales…
Beaucoup de romans sont bons pour de nombreuses raisons mais il y en a peu qui me comblent de bonheur comme celui-ci. Facile à lire, souriant (mais pas que), d’une inventivité folle, tout en étant plein de trucs instructifs.
Florin est un personnage plus qu’étrange, suite à un accident il a perdu tout ressenti d’émotions et la mémoire, alors il a trouvé un moyen original pour retrouver ses souvenirs, il conserve dans des bocaux rangés par années, des cailloux qui correspondent chacun à un souvenir et toucher ces pierres les fait revivre.
Le soir, après un repas autour de plusieurs bonnes bouteilles de vin, les deux hommes allument leur pipe et Florin raconte des épisodes de sa vie. Des épisodes savoureux de drôlerie ou d’émotion, d’une originalité pas banale et tout cela s’enchaine avec une logique déroutante, comme dans ces très vieux contes où un narrateur enfile des récits disparates avant de retomber sur ses pieds à la fin. Le lecteur émerveillé et toujours surpris suit Florin faire ses parties de cartes (la variante chilienne) avec l’Avocat (trop marrant !), le Colonel et l’Erudit ; ou bien il apprend qu’il s’en passe de belles avec le personnel des cimetières et crématoriums ; à moins qu’il ne s’agisse d’un potier qui recherche la voix de Clovis dans un vase (!) etc. Il faudrait tout citer.
Le bouquin est bourré de références littéraires (livres et écrivains) et même Jorge Luis Borges s’invite comme personnage dans un souvenir de Florin. On apprend aussi beaucoup de trucs dans tous les genres (Ken Uston, par exemple, et je vous laisse chercher qui c’est).
Un roman désopilant le plus souvent, avec de beaux moments d’émotion et une très belle fin. Excellent, lecture indispensable !
« Quand Borges entra chez Théodora, Carmen mit les clients dehors et ferma la porte. Elle voulait jouir de son bonheur en privé. Elle installa le vieil homme dans un moelleux fauteuil en cuir élimé, lui servit un vin chilien soyeux, lui offrit un cigare Romeo y Julieta et commença à lui parler littérature en espagnol. Borges, à présent rassuré, répondit avec grâce aux questions et but le verre à petites gorgées. Puis Carmen appela les filles qui descendirent. A cette époque, il ne voyait plus grand-chose. Quand Dolores, une superbe Mexicaine brune, s’assit sur ces genoux, il eut un léger mouvement de recul, mais déjà sa main était retombée sur la cuisse de la fille et appréciait le velouté de sa jeune peau. »