L’appel d’Am-Heh
Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 317
Résumé : En 1934, Kristen, archéologue à Arkham, tente de faire reconnaître ses compétences dans un monde où les femmes restent méprisées. Tout change le jour où elle reçoit un paquet envoyé d’Égypte, contenant une moitié de tablette aux inscriptions semblant dater de l’époque archéenne. Accompagnée de Milton, un aventurier obéissant à un conclave occulte au sein de la Miskatonic, et de Howard, ancien espion britannique, elle s’engage dans une odyssée qui l’amènera jusqu’en Europe ...
Un grand merci à Guy-Roger Duvert pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -- Mon avis sur le livre -« Vous savez, pendant la Guerre, une mission m'a envoyé en France, dans les tranchées, pour y interroger l'un de nos soldats. Ce jour-là, j'ai vécu une situation ubuesque, où cet homme me parlait, souriant bien que fatigué, me racontant moult anecdotes et en mangeant un sandwich, alors que deux mètres plus loin, pourrissait la dépouille d'un compagnon d'armes qui avait été son binôme pendant les six mois précédents. En quoi des créatures poilues avec plein de pattes seraient-elles plus terrifiantes que ce qu'on s'est infligé nous-mêmes ? En ce qui me concerne, le pire des monstres, le plus effrayant, a deux jambes et deux bras. À partir du moment où vous pouvez gérer celui-là, le reste ne devrait pas poser de problèmes. »
Volte-face totale pour Guy-Roger Duvert : après avoir embarqué ses lecteurs dans divers futurs avec ses cinq magistraux ouvrages de science-fiction (que ce soit du planet-opera, du cyberpunk ou de l’anticipation), il nous conduit cette fois-ci dans le passé tumultueux de l’entre-deux guerres avec ce roman d’aventure fantastique flirtant entre Indiana Jones et Lovecraft ! Et même si c’est un genre que je connais et apprécie généralement beaucoup moins (je l’avoue, je n’ai jamais regardé un film d’Indiana Jones en entier, et j’ai encore moins lu de Lovecraft), je n’ai pas hésité une seule seconde avant de faire ma demande à l’auteur : je lui fais pleinement et aveuglément confiance ! Et je peux d’ores et déjà le dire : je ne regrette absolument pas de m’être écartée de ma zone de confort et d’avoir suivi Guy-Roger dans cette nouvelle aventure littéraire ! Les conditions de lecture étaient pourtant très loin d’être optimales, vu que cela fait une bonne dizaine de jours que la déprime est revenue en force et que rien ne parvient à m’arracher à la grisaille qui obscurcit mes pensées … mais j’ai tout de même énormément apprécié ma lecture, la preuve que c’est vraiment un excellent récit !
Novembre 1933, en Egypte. Après une épopée des plus éprouvantes, marquée par de nombreuses embûches, Nick Nighy arrive enfin sur le site archéologique qu’il espérait trouver … et ses découvertes dépassent toutes ses espérances. Bien obligé d’admettre que les intuitions de Kristen, sa collègue et compagne, étaient fondées, il découvre les traces d’une civilisation aussi antique que mythique, dont la plupart des archéologues eux-mêmes refusaient de croire en l’existence réelle … Quelques semaines plus tard, Kristen reçoit un mystérieux paquet de la part de son collègue et compagnon Nick, contenant une toute aussi mystérieuse tablette de pierre, ou plutôt une moitié de tablette, la lettre accompagnant le colis intimant que les deux moitiés ne doivent jamais, ô grand jamais être réunies. Captivée et fascinée par sa moitié de tablette, Kristen n’hésite toutefois pas une seule seconde lorsque ses supérieurs lui demandent d’accompagner Milton, détective privé spécialisé dans la recherche d’objets occultes, chercher la deuxième moitié : ils pensent en effet qu’il s’agit d’un artefact potentiellement très dangereux qui ne doit en aucun cas tomber entre de mauvaises mains. La première mission sur le terrain de la jeune archéologue désireuse de prouver sa valeur risque d’être bien plus mouvementée qu’elle ne l’imaginait …
Les civilisations anciennes et leurs constructions titanesques fascinent … et à juste titre : comment ne pas être intrigué par les si fameuses Pyramides de Gizet ou par la si mémorable cité inca Machu Picchu, dont on se demande parfois comment elles ont bien pu être construites avec les moyens et connaissances de l’époque ? Pour ma part, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été captivée par ces monuments majestueux dans leur mystère, et par la même occasion par les peuples qui en sont les créateurs … Combien d’exposés n’ai-je pas préparé sur les égyptiens, les incas, mais aussi les mayas ou les aztèques ?! Autant vous dire que je partage donc entièrement la curiosité de notre héroïne Kristen, archéologue persuadée que derrière toutes ces constructions aux dimensions incroyables et derrière toutes les croyances qui y sont associées se cache en réalité une civilisation plus antique encore que toutes celles que nous connaissons … Et voici que cette drôle de demi-tablette, découverte en Egypte par son collègue et amant sur un site indiscutablement pré-mésopotamien, est livrée sur son bureau, accompagnée d’aboiements de chiens et de visions pour le moins perturbantes. Et surtout, d’une sensation paradoxale : Kristen est convaincue que réunir les deux moitiés de la stèle aurait des conséquences catastrophiques – faire (re)venir sur terre une divinité sanguinaire – mais elle ne peut s’empêcher de vouloir à tout prix retrouver l’autre moitié …
Et c’est ainsi qu’accompagnée de Milton, un détective privé qui travaille régulièrement avec un petit groupe d’universitaires bien décidés à préserver l’humanité du danger que peuvent représenter ces « Grands Anciens », et d’un vieil ami de ce dernier, Howard, Kristen réalise enfin son rêve d’aller sur le terrain … Alors bien sûr, elle n’est pas encore à la tête d’une véritable expédition archéologique, comme elle pourrait le faire si elle n’était pas une femme d’origine asiatique au milieu d’un monde d’hommes caucasiens, mais elle en est convaincue : si elle parvient à récupérer le reste de la stèle, ses supérieurs seront bien obligés de reconnaitre sa valeur et d’arrêter de l’écarter systématiquement des expéditions. Je ne suis pas particulièrement féministe, mais ça fait toujours un bien fou de voir une héroïne comme Kristen : elle occupe le devant de la scène dans un contexte où ce sont les hommes qui sont toujours aux premières loges, elle porte véritablement l’intrigue alors même qu’elle est celle qui selon les critères de l’époque devrait se laisser porter par les événements, voire même les suivre de loin sans les vivre. Elle est de plus la seule, dans un premier temps, à être concernée et à percevoir les prémices du côté plus « fantastique » de ce roman d’aventure historique : alors que tout le monde autour d’elle ne fait que courir après une tablette de pierre, elle commence à vivre des expériences pour le moins étranges qui donne vraiment envie d’en voir et savoir plus …
D’un autre côté, on ne va pas se mentir, le peu que l’on sait de ce fameux Am-Heh, cette divinité méconnue et obscure du panthéon égyptien, ne donne pas vraiment envie de le rencontrer, même protégé derrière notre roman … Car comme toujours avec Guy-Roger Duvert, on en oublie fort rapidement que tout ceci n’est qu’une histoire fictive, qu’il suffit en réalité de refermer le livre pour retourner à la réalité : on est vraiment comme au cinéma, complétement happé par l’intrigue. Comme toujours, les descriptions sont tellement efficaces qu’on a vraiment le sentiment de vivre cette aventure aux côtés des personnages, que l’on voit, entend, sent et ressent presque ce qu’ils voient, entendent, sentent et ressentent … Je ne le redirai jamais assez, je suis toujours bluffée par la plume de l’auteur, à la fois très « sobre », très cinématographique, très simple, et particulièrement agréable et puissante : c’est bien la preuve qu’une narration n’a pas besoin de s’encombrer de fioritures pseudo-poétiques pour parvenir à poser un décor, à camper une ambiance. De la même manière, je suis encore une fois époustouflée par le sens du rythme de Guy-Roger Duvert : il y a un parfait équilibre entre des passages d’actionà couper le souffle et des moments plus calmes qui nous font saisir plus en profondeur les enjeux du récit ou les nuances de personnalités … Car on ne dirait pas, mais derrière toute cette course contre la montre pour retrouver la deuxième moitié de stèle avant qu’il ne soit trop tard, c’est aussi une sorte de quête existentielle que vivent nos trois héros.
En bref, vous l’aurez bien compris, même si j’essaye à tout prix de rester suffisamment évasive pour ne rien vous « divulgacher », le bilan tient finalement en peu de mots : ce roman est tout simplement excellent ! On retrouve le gout prononcé de l’auteur pour les civilisations disparues, les explorations en terres inconnues et les découvertes aux conséquences inattendues : des éléments qui marchent à tous les coups avec moi, je me suis vraiment régalée du début à la fin … et tout comme c’était déjà le cas avec Oustphere, je me demande bien comment tout ceci va se poursuivre et se terminer, et surtout comment je vais parvenir à patienter jusqu’à la sortie du tome suivant ! Une chose est désormais sûre et certaine (mais je n’en doutais pas une seule seconde) : Guy-Roger Duvert excelle vraiment dans tous les genres, dans tous les styles, il sait nous embarquer en vraiment très peu de pages dans des univers totalement différents les uns des autres, dans des ambiances toutes aussi captivantes les unes que les autres. Et surtout, il sait nous surprendre, toujours, et surtout au moment où on s’y attend le moins : chaque révélation nous laisse vraiment ahuris car on s’est vraiment laissé mener par le bout du nez sans s’en rendre compte. Et c’est tellement bien fait qu’on en redemande sans cesse … alors, à quand la suite ?