Ceux qui lisent régulièrement mes chroniques savent que je suis tombée sous le charme de la plume de Mathias Malzieu avec La Mécanique du cœur, et cela a été confirmé par Une sirène à Paris. Mon cher et tendre m'a offert deux autres romans de l'auteur et c'est avec beaucoup d'émotions que j'ai lu hier Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi.
Voici la quatrième de couverture :" Comment on va faire maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi ? Qu'est-ce que ça veut dire la vie sans toi ? Qu'est-ce qui se passe pour toi là ? Du rien ? Du vide ? De la nuit, des choses de ciel, du réconfort ? " Mathias, une trentaine d'années mais une âme d'enfant, vient de perdre sa mère. Sans le géant qu'il rencontre sur le parking de l'hôpital, que serait-il devenu ? Giant Jack, 4,50 mètres, " docteur en ombrologie, soigne les gens atteints de deuil. Il donne à son protégé une ombre, des livres, la capacité de vivre encore et de rêver malgré la douleur... Il le fera grandir. Mathias Malzieu nous entraîne dans un monde onirique, intimiste et poignant, dans la lignée d'un Lewis Carroll ou d'un Tim Burton.
Dès les premières pages, j'ai été prise au dépourvu par toutes les émotions décrites, celles du narrateur, un certain Mathias, mais aussi les miennes, celles d'une jeune femme qui a perdu sa mère elle aussi, il y a huit ans maintenant. Les premières lignes m'ont tellement parlé que je me suis demandé si je serais capable de continuer. Et pourtant, très rapidement, j'ai compris que oui, j'en serais capable. Parce qu'il s'est opéré quelque chose de magique : Mathias Malzieu a réussi à mettre des mots, des jolis mots sur MA souffrance. C'est assez bouleversant !
" Nous on voit rien, on te voit plus, on n'y voit rien, on ne sait plus grand-chose. On marche dans la nuit et on ne te trouve pas, faut dire qu'on les confond toutes ces nuits, noires, épaisses comme du tissu, pas beaucoup d'étoiles, tout se ressemble. Il y a bien les souvenirs, mais quelqu'un les a électrifiés et connectés à nos cils, dès qu'on y pense, on a les yeux qui brûlent. "
Mathias Malzieu décrit avec des yeux naïfs, avec un cœur d'enfant de trente ans, un cœur d'enfant broyé par une souffrance indicible, celle d'un monde qui s'écroule, tout ce que l'on peut ressentir à ces instants : l'annonce, le retour à la maison, le premier matin d'absence, la préparation de l'enterrement, le soir de l'enterrement quand tout le monde a repris sa vie (ou presque...) et les jours, les semaines, les mois suivants. C'est d'une justesse, d'une pudeur, d'une humanité qui m'ont bouleversée.
Mais Mathias Malzieu étant ce qu'il est, il s'agit aussi ici d'une rencontre, digne d'un apologue, d'une fable, d'un conte : celle de Giant Jack, passerelle symbolique entre le monde des morts et celui des vivants. Il ne va, bien sûr, pas faire revenir sa mère, il ne va pas non plus, d'un coup de baguette magique, le rendre heureux à nouveau. Il va faire ce pour quoi il a été créé : être une passerelle, celle qui apprendra au narrateur à ne pas craindre les ombres, à ne pas les détester, mais à leur laisser une place quelque part, discrètement, dans la lumière.
Dans cette relation allégorique à l'autre monde, Mathias va apprendre à vivre avec la mort : il va essayer, abandonner, crier, taper, chanter, il va grandir et sans une maman, c'est particulièrement difficile. Mais c'est touchant, vraiment ! Peut-être parce que ça m'a parlé, évidemment, mais je pense sincèrement qu'il faut faire une place à ce court texte dans toutes les bibliothèques, pour toutes ces âmes qui seront forcément endeuillées un jour, pour se sentir moins seul, pour mettre des mots sur une peine indicible. Des mots, des larmes et des sourires... C'est toute la magie de l'univers de Mathias Malzieu et du fond du cœur, merci Monsieur !
Priscilla