Les vacances sont là, faisons-nous plaisir !
J’ai donc relu l’intégrale des bandes dessinées Quatre sœurs,
adaptées des romans de Malika Ferdjoukh.
Je n’ai jamais oublié qu’on ne devait lire que les livres qui nous obligent à les relire.
Gabriel Garcia Marquez
Cati Baur a œuvré neuf ans en tout pour faire vivre les sœurs Verdelaine sur de magnifiques planches. Quand il relit les romans et ces adaptations, le lecteur retrouve des amis, des lieux qu’il connaît et dans lesquels il se sent parfaitement bien. L’histoire et les aventures de Geneviève, Hortense, Enid, Charlie et Bettina le touchent, l’émeuvent, le font grandir, le rassurent, l’éduquent. Elles sont des compagnes quoiqu’il lui arrive dans la vie.
Les sœurs Verdelaine ne sont pas quatre mais cinq. Elles sont aussi orphelines. Un accident de voiture leur a enlevé leurs parents. Désormais, c’est Charlie qui est directrice en chef des affaires de la maisonnée. L’aînée de la fratrie a arrêté ses études et travaille dans un laboratoire pour subvenir au besoin de tout le monde. Son salaire et le chèque mensuel de leur cotutrice légale, l’insupportable Tante Lucrèce, sont les seuls revenus des filles qui se doivent donc d’avoir un quotidien économe. Chaque soir, elles rentrent de l’école ou de leurs occupations à la Vill’Hervé, leur maison aussi délabrée que charmante que leur famille occupe depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Sur une année, de l’automne à l’été, en quatre romans intitulés Enid, Hortense, Bettina et Geneviève, Malika Ferdjoukh raconte leur deuil, leurs chamailleries, leurs lessives, leurs amours, leurs jeux, leurs secrets. Au milieu des courses, des réparations, des exercices de mathématiques, de la visite des cousins, de Basile – le petit ami de Charlie – qui fait un couscous et des ronrons d’Ingrid et Roberto. Entre les caprices de Madame Chaudière et la chute d’un sycomore.
Derrière l’innocence d’Enid, la joie de vivre de Bettina, la force de Charlie, le calme d’Hortense ou la rigueur de Geneviève, il y a toujours la dure réalité. Qu’elle concerne leurs parents ou non et que les filles affrontent avec leurs deux fantômes à leurs côtés qui apparaissent dès que la tristesse, l’impuissance ou la solitude s’emparent d’elles. Et les cinq sœurs saisissent chaque blague à faire, chaque rire à faire éclater, chaque rayon de soleil pour bronzer. Car il faut être courageux, s’accrocher, se serrer les coudes, parler, réfléchir, tolérer, pleurer, s’énerver, se lancer. La vie en vaut tellement la peine ! Quatre sœurs, est une invitation à tous les bonheurs qu’elle réserve. L’écriture est fine, subtile, drôle, touchante, explosive. Tout à la fois. Comme les histoires qu’elle construit. Elle amuse, émeut, éveille de nombreuses choses chez le lecteur. En particulier son envie de profiter de chaque journée, de tous ceux qu’il aime et qui l’aime. Ces romans culte, plaisir de lecture incarné, à lire (et à relire!) un par un ou d’une seule traite grâce à l’intégrale, contiennent l’étincelle dont tout un chacun a besoin pour embrasser enfin pleinement la vie. Et elle est immortelle.
Les sœurs Verdelaine ont donc deux visages. Celui que les lecteurs ont imaginé en lisant les romans de Malika Ferdjoukh et celui que leur a donné Cati Baur en adaptant leur histoire pour la bande dessinée. Enid, le premier tome a tout d’abord été publié aux éditions Delcourt. C’est finalement chez Rue de Sèvres, l’éditeur de L’école des loisirs qu’il est réédité en 2014 en même temps que le deuxième tome et que l’aventure peut ainsi continuer. Et quand deux grands talents sont réunis, le tout est forcément beau, doux, pétillant, émouvant, stimulant. En somme : génial ! Absolument digne de ce que les habitantes de la Vill’hervé ont laissé aux songes des lecteurs.
A relire sans modération !