Années 30, Caroline du Nord. George et Serena Pemberton sont des exploitants forestiers. Lui est éperdument amoureux de sa femme, de bonne consistance physique et plutôt porté sur la boisson. Elle séduit, manipule et n’aime pas être contrariée. Le couple est déjà fortuné mais souhaite s’enrichir encore plus en coupant les arbres des Smoky Mountains, du Brésil et, pourquoi pas, de la terre entière. Lorsqu’un projet de parc national menace leur entreprise, les Pemberton sont prêts à soudoyer tous ceux qu’ils pourront et à éliminer les autres.
Sur la concession, les ouvriers sont nombreux. Le métier est dangereux, il y a des blessés et des morts chaque jour. Cependant, les Etats-Unis sont en pleine crise économique et les hommes n’attendent que l’évacuation d’une victime pour prendre sa place. Ils n’aiment pas la dévastation à laquelle ils prennent part ni les risques encourus par le métier, mais nourrir leur famille est impératif. Ils ont entre eux des conversations touchantes et drôles (dans leur langage) sur ce qui se passe autour d’eux et sur les Pemberton.
Rachel, quant à elle, a mis au monde un fils dont tout le monde sait que George Pemberton est le père. Jeune, seule et pauvre, elle aime son fils plus que tout et se bat chaque jour pour qu’ils aient de quoi se nourrir. Elle est aidée par le shérif McDowell et la veuve Jenkins, des soutiens importants dans cette région où les lois de la nature autant que celles des Pemberton sont sans pitié.
Les Smoky Mountains sont décrites dans leur poésie et leur rudesse. Les hommes, eux, sont braves mais impuissants ou puissants mais abusifs. Deux femmes brillent dans ce livre. Ce sont des contraires absolus. Rachel est une jeune femme conventionnelle qui a vu sa trajéctoire dévier et ne fait que survivre depuis. Serena, elle, ne ressemble pas aux autres femmes et utilise son charisme pour obtenir ce qu’elle veut, tuant au besoin, ou par vengeance ou contrariété.
Serena est un roman que Ron Rash a soigné de la première à la dernière page. Dans ses intentions générales comme dans les pensées qui fleurissent au moindre détail dans l’esprit des protagonistes. Le choix de changer de point de vue à chaque chapitre rend l’ouvrage addictif. Cela s’ajoute à une écriture prenante, dépeignant un univers et des personnages aussi travaillés que fascinants. Jamais un passage n’est trop long ou trop court, jamais des précisions ou dialogues ne sont inutiles. Le texte est brillant et ne manque absolument de rien. Une lecture magnifique et parfaite.
Présentation de l’éditeur :
Années 1930, Smoky Mountains. George Pemberton, riche exploitant forestier, et sa femme Serena forment un couple de prédateurs mégalos, déterminés à couper tous les arbres à portée de main pour accroître leur fortune. Mais le projet d’aménagement d’un parc national, pour lequel l’État convoite leurs terres, menace leurs ambitions. Pemberton s’emploie à soudoyer banquiers et politiciens. Sans états d’âme, Serena a d’autres arguments : le fusil, le couteau, le poison, et un homme de main dévoué… Après Un pied au paradis, Ron Rash nous propose un drame élisabéthain sur fond de Dépression et de capitalisme sans foi ni foi. La nature, hostile et menacée, s’y mesure âprement aux pires recoins de l’âme humaine.