De Silence et de Loup de Patrice Gain

Par Livresque78

Reçu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée, je ne savais pas trop à quoi m'attendre en me lançant dans ce roman. Et je vous avoue que j'en ressors assez mitigée.

Je vous donne d'abord la quatrième de couverture : Tiksi, ville portuaire oubliée aux confins de la Sibérie, accessible par avion ou par bateau deux ou trois mois l'an. C'est là, à 700 kilomètres derrière le cercle polaire, qu'Anna rejoint une équipe de scientifiques qui s'apprête à hiverner sur la banquise à bord d'un voilier. Mais dans cet extrême bout du monde, où la fonte des glaces fait resurgir des virus millénaires, où rôdent les ours et les loups, où s'affrontent chasseurs de mammouths et militaires corrompus, les avaries et la tempête retardent le périple. Prise au piège des éléments et de l'hostilité ambiante, l'expédition se fige. Et au cœur de ce huis-clos glaçant, la violence des hommes ne tarde pas à se déchaîner contre les femmes, renvoyant Anna à un drame intime qu'elle pensait apprivoiser en rejoignant cette terre lointaine.

De silence et de loup est la longue errance d'Anna, sa confrontation avec son passé dans le décor spectral de la Russie arctique. Un roman très noir, brutal, entre grand roman d'aventures et récit résolument contemporain, par Patrice Gain, l'auteur de Terres Fauves et du Sourire du scorpion.

Il s'agit effectivement d'un roman glaçant, au sens propre comme au sens figuré. Tout se passe dans la toundra sibérienne, dans des villes désertées par les hommes, habitées par des sortes de spectres souvent imbibés de vodka et embrigadés par une armée russe omnipotente. C'est dans ce contexte que l'expédition scientifique se prépare, dans des conditions météorologiques déplorables qui sont les plus vibrants témoignages du réchauffement climatique. Au cœur de ce désert glacial, en proie aux éléments les plus déchainés et les plus meurtriers, les humains se révèlent et c'est souvent assez moche.

La première partie du roman : la préparation et le début de l'expédition ne m'ont clairement pas emballée. J'ai même pensé abandonner. Bien écrit, mais trop précis, trop scientifique pour moi, un peu trop " Jules Verne " à mon goût (oui je ne suis pas fan de Jules Verne). Mais peu à peu se dévoilent des vérités sur les passés, les caractères et j'ai été de plus en plus happée par ce récit, destiné à un frère - un moine chartreux - étrange et dérangeant. On comprend très vite pourquoi il nous met mal à l'aise.

Anna est une jeune femme brisée, qui est partie pour oublier le non-sens de sa vie, mais qui, en s'enfonçant toujours plus dans le froid et près de la mort, ne va pas trouver un nouvel objectif de vie. Elle se dévoile à elle-même, laissant la sauvagerie imprégner sa propre colère. Son évolution est vraiment passionnante mais il faut attendre un peu qu'elle perde de vue l'objectif premier de son voyage.

C'est donc une lecture prenante, si l'on s'accroche au début (ou alors il faut aimer Jules Verne...), effrayante : cette histoire m'a tout simplement glacé le sang. Les éléments sont disséminés tout au long des conversations et la vérité se met à nu, en même temps pour le lecteur que pour le frère qui lit le carnet de bord, et dans un dernier temps, pour Anna elle-même. Je ne vous dirai rien de l'affaire à proprement parler, je vous dirai juste qu'elle est de celle qui font se dresser les poils sur les bras. Ce n'est pas léger et j'ai terminé ma lecture en me disant que les loups, les ours et les -50° ne sont rien à côté de l'homme.

Priscilla