Une fois encore Joyce Maynard nous livre un roman sur la vie, la vraie vie, avec des personnages plus vrais que nature, que l’on se surprend à aimer puis à regretter profondément.
Qu’est-ce que le bonheur au fond ? Une belle maison ? Un mari aimant ? Trois merveilleux enfants en bonne santé ? Si le bonheur tient à ça, alors Eleanor avait de quoi être heureuse. Jusqu’au jour où… jusqu’à ce que… et puis que…
Ainsi va la vie qui rebat les cartes en permanence, n’autorisant jamais à baisser la garde, à prendre pour acquis ce qu’elle peut faucher en un instant. Eleanor devra apprendre comme tout le monde à danser sous la pluie en attendant que l’orage passe, puisant sa force dans les siens et dans sa capacité de résilience qui force l’admiration.
Joyce Maynard dresse un portrait si réel, si palpable et si intime de cette femme et de sa famille qu’immanquablement le lecteur se sent concerné par ses combats et endeuillé par ses défaites.
A travers le personnage de cette femme qui traverse le temps, on perçoit le vécu de l’auteure, elle aussi souvent chahutée par l’existence mais toujours profondément positive et ouverte au monde et aux autres. N’ayant pas (encore ?) cette capacité à prendre les choses comme elles viennent et à accepter ce qui s’apparente à une profonde injustice, j’ai eu bien du mal à calmer ma colère et mon indignation par moments. J’aurais voulu plonger dans ce roman pour secouer les lâches et les ingrats et les amener à considérer la personne exceptionnelle qu’ils étaient en train de blesser.
Un amour trop grand pour ses enfants avait peut-être provoqué leur désamour. Savoir que pour leur mère ils représentaient ce qui comptait le plus dans sa vie pesait trop lourd sur eux trois. Leur père les aimait aussi, bien sûr, mais sans provoquer le fardeau d’obligations qu’imposait la dévotion d’Eleanor. Le bien-être de Cam ne dépendait pas de celui de ses enfants. (Trois enfants ! Triple exposition au chagrin !) S’ils avaient des problèmes, comme cela ne manquerait pas d’arriver, il ne souffrirait pas de leur chagrin comme Eleanor.
Je suis comme ça avec les gens que j’aime, protectrice telle une louve mais je le suis heureusement rarement pour des personnages de fiction. Sauf si ces personnages m’ont touchée au point de faire désormais partie de moi comme c’est ici le cas et comme ça l’a déjà été avec De si bons amis, un autre petit bijou de Joyce Maynard qui a décidément le don pour réveiller la lectrice passionnée enfouie en moi.
Eleanor avait déjà appris au fil des ans que les enfants des parents divorcés étaient comparables aux citoyens de deux pays ennemis : ils respectaient les lois et les coutumes de chacun, selon le lieu où ils se trouvaient. Ils traversaient les frontières, passaient la douane. Ils abandonnaient la langue, les vêtements et les usages culturels d’un pays en entrant dans l’autre, et inversement quand ils revenaient. Ils devaient rester en harmonie avec l’endroit où ils se trouvaient. Leur unique source de continuité était leur relation entre eux.
L’ESSENTIEL
Où vivaient les gens heureux
Joyce MAYNARD
Editions Philippe Rey
Sorti le 19/08/2021
560 pages
Genre : contemporain
Personnages : Eleanor et Cam, Al, Ursula et Tobby
Plaisir de lecture :
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : De si bons amis, Un jour, tu raconteras cette histoire et Prête à tout de la même auteure, Mon désir le plus ardent de Pete Fromm, Retour à Little Wing et Le petit-fils de Nickolas Butler, Mille petits riens de Jodi Picoult
RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR
Le grand roman de Joyce Maynard : l’histoire bouleversante d’une famille sur cinq décennies
Lorsque Eleanor, jeune artiste à succès, achète une maison dans la campagne du New Hampshire, elle cherche à oublier un passé difficile. Sa rencontre avec le séduisant Cam lui ouvre un nouvel univers, animé par la venue de trois enfants : la secrète Alison, l’optimiste Ursula et le doux Toby.
Comblée, Eleanor vit l’accomplissement d’un rêve. Très tôt laissée à elle-même par des parents indifférents, elle semble prête à tous les sacrifices pour ses enfants. Cette vie au cœur de la nature, tissée de fantaisie et d’imagination, lui offre des joies inespérées. Et si entre Cam et Eleanor la passion n’est plus aussi vibrante, ils possèdent quelque chose de plus important : leur famille. Jusqu’au jour où survient un terrible accident…
Dans ce roman bouleversant qui emporte le lecteur des années 1970 à nos jours, Joyce Maynard relie les évolutions de ses personnages à celles de la société américaine – libération sexuelle, avortement, émancipation des femmes jusqu’à l’émergence du mouvement MeToo… Chaque saison apporte ses moments de doute ou de colère, de pardon et de découverte de soi.
Joyce Maynard explore avec acuité ce lieu d’apprentissage sans pareil qu’est une famille, et interroge : jusqu’où une femme peut-elle aller par amour des siens ? Eleanor y répond par son élan de vie. Son inlassable recherche du bonheur en fait une héroïne inoubliable, avec ses maladresses, sa vérité et sa générosité.
TOUJOURS PAS CONVAINCU ?
3 raisons de lire Où vivaient les gens heureux
- Parce que Joyce Maynard n’a pas son pareil pour croquer la vraie vie
- Parce que ce qui fait la vie de famille et parfois la défait y est parfaitement traité
- Parce que vous aurez bien du mal à quitter ces personnages
3 raisons de ne pas lire Où vivaient les gens heureux
- C’est un roman fleuve qui vous prend peu à peu dans ses filets, pour peu que vous ne soyez pas trop pressé
- C’est un roman sur la vie, simplement la vie, donc si vous cherchez un livre pour vous évader du quotidien, ça ne sera pas celui-là
- Ici le roman est centré sur le personnage d’Eleanor et l’histoire est racontée par son prisme, il aurait été intéressant d’en faire un roman choral pour permettre au lecteur de connaître tous les points de vue
L’article Où vivaient les gens heureux de Joyce Maynard est apparu en premier sur Lettres & caractères.