Jours de sable
Aimée DE JONGH
Éditions Dargaud, mai 2021
288 pages
Thèmes : Etats-Unis, Histoire, Reportage
Lecture Commune avec Nathalie
Alors que la Grande Dépression frappe les Etats-Unis, dans la région du Dust Bowl, les populations rurales, déjà pauvres, sont terriblement impactées par les conséquences de mauvaises pratiques agricoles décennales aggravées par une sécheresse qui n'en finit pas.
Les terres désormais mises à nu sont traversées par des hordes de lièvres, sont emportées par des vents violents, créant tempêtes de poussières et blizzards noirs qui dévastent champs, habitations et matériel agricole.
La poussière se glisse partout, freinée en rien par les journaux qui tapissent les murs de planches, se transforme en petits tas de sable dans chaque recoin et sur toute chose, s'infiltre dans les poumons, entraîne morts et exodes vers l'ouest.
Afin de leur venir en aide comme de faire connaître leur sort au reste des Américains, " présenter l'Amérique aux Américains ", le gouvernement institue l'Administration pour la Sécurité Agricole (la FSA - Farm Security Administration). Parmi les moyens mis en œuvre, il y a un important programme de documentation photographique. Ainsi de nombreux reporters vont se rendre dans cette vaste région qui englobe les panhandles (" queues de poêlon ") de l'Oklahoma et du Texas, ainsi que des parties du Kansas, du Colorado et du Nouveau-Mexique.
Nuits de poussière...
et jours de sable.
Pour son roman graphique sur ce triste pan d'Histoire, Aimée de Jongh s'est inspirée de leur travail en nous transportant auprès de John Clark, New-Yorkais de 22 ans, photographe comme son père dont il porte aussi le prénom, et qui vient d'être embauché par la FSA, en 1937.
Il se rend en Oklahoma pour une mission d'un mois avec une liste de suggestions de photographies à réaliser.
Une image en dit plus qu'un millier de mots... Pas vrai ?
Il découvre un paysage jauni et à la lumière constamment occultée, des maisons délabrées, des arbres dénudés, des enfants portant masques à gaz, des gens dépenaillés, avec qui le contact est rendu difficile par sa maladresse. Ils ne comprennent pas son projet, l'accusant de transformer la réalité, de ne pas montrer la vérité.
Après avoir fait l'expérience de " minuit sans les étoiles " et appris combien une pelle est primordiale, il approche différemment les familles qui s'ouvrent, racontent leurs histoires, toutes empreintes de tristesse.
Ses photos prises, rien ne le retient plus en ces terres arides, si ce n'est un sentiment d'impuissance, d'incomplétude, voire de trahison envers ces gens auxquels il s'est attaché, comme envers lui-même.
Il ne faut pas oublier les limites de la photo.
Tous les domaines où elle échoue.
Dans son texte comme dans ses dessins, Aimée de Jongh cristallise cette interrogation autour du pouvoir de la photographie. Elle y répond d'une manière graphique avec un dessin rond, de très nombreuses planches muettes qui contextualisent, des expressions faciales et corporelles saisissantes, des cadrages pleine page immersifs, des reproductions en noir et blanc de photographies, avec pour certaines, le dessin en couleurs du hors cadre.
Elle y répond avec une histoire qui interroge l'image dans le choix de sa mise en scène, la manipulation qui peut en être faite mais aussi son potentiel documentaire et de témoignage futur.
D'ailleurs, elle s'est servie de ces photographies pour pouvoir construire son récit.
J'ai aimé qu'il soit scindé en chapitres, chacun ouvert par une photographie d'un reporter de la FSA - des photographies que l'on connaît tous, et qu'il soit conclu par quelques pages documentaires.
Avec pudeur et délicatesse, ce roman graphique, découvert grâce à Bidib (merci!), parle d'Histoire autant que d'humanité. Je ne peux que vous recommander de le découvrir à votre tour !
Qu'en a pensé Nathalie ? Allons lire son avis !
Belles lectures et découvertes,
Blandine