Auteur : Claire Mazard
Éditions : Flammarion Jeunesse
Paru le : 07 juillet 2021
168 pages
Thème : Jeunesse historique
à partir de 13 ans
disponible sur le site de l'éditeur
et sur Amazon
Ma note : 17/20
Résumé
« « Depuis l’âge de onze ans, je suis la fierté de mes chefs. Le jour de mon quinzième anniversaire, j’ai été élevé au grade de capitaine.Je suis devenu le soldat Conan l’Effaceur. »
Après avoir été enfant-soldat pendant quatre ans en Afrique, Apollinaire rejoint la France. Hanté par ses souvenirs, l’adolescent peine à prendre un nouveau départ. Comment peut-il se reconstruire alors qu’il a vécu l’enfer ? »
Ma chronique
Je remercie la maison d'éditions Flammarion pour cet envoi dans le cadre de notre partenariat.
Un récit poignant qui n'est pas que pour les jeunes, mais qui peut convenir aussi aux adultes afin de mieux comprendre certaines choses. Apollinaire a été appelé Conan l'Effaceur dans son pays. Rabattu avec son meilleur ami Wamba dans un groupe qui ne fais pas que jouer à la guerre. Ils ont 11 ans lorsqu'ils ne vont plus pouvoir voir leur famille et sont enrôlés dans une milice qui est prête à tout pour faire peur et bien plus encore dans les villages. 4 ans sont passés et il a fallu que Wamba soit tué pour que Apollinaire fuit son pays, coute que coute. Son arrivée en France ne l'empêche pas d'oublier ce qu'il a vécu durant ses années et sa "nouvelle" vie dans un pays inconnu ne peut pas se faire sans mal.
Apollinaire est déjà un adulte dans sa tête lorsqu'il débarque en France. Les aides sociales vont l'aider à s'installer, prendre des cours pour apprendre un métier et ainsi réussir peut-être à s'en sortir. Si l'école n'est pas ce qu'il aime, il va y apprendre malgré tout à ressentir un soupçon de confiance envers l'un de ses professeurs qui le verra autrement. Un peu comme si ce dernier voyait réellement en lui ce qui le ronge. Car Apollinaire est rongé par le passé. Des cauchemars qui l'empêchent de dormir, des visions de tout ce qu'il a dû faire et ingurgiter pour supporter. Et puis il y a tous ses souvenirs avec son meilleur ami et le fait qu'il cherche pourquoi Wamba est mort et pas lui ? Pourquoi Conan a survécu ? La culpabilité le ronge, de tout ce qu'il a fait pour survivre, de tout ce qu'il a dû faire pour être le meilleur, monter en grade et effectuer des rondes de guerre sans cesse.
La psychologie de ce personnage fait mal, il a grandi trop vite, trop dans le mal, trop dans un pays où la guerre est permanente et la peur omniprésente. Apollinaire va trouver sa voie dans ce métier qui lui fait oublier parfois que ses mains ont été meurtrières. Si petit et pourtant si dangereux. C'est également un combat contre lui-même, contre les drogues, l'alcool, ses peurs, les autres. Comment faire confiance à quelqu'un qui vous sourit quand le dernier en date l'a embarqué dans un monde de violence ? Les années passent et ses 18 ans arrivent. C'est un nouveau monde qui s'ouvre à lui. Plus de cours, plus d'assistant, il est entré dans le monde des adultes, celui où il doit se débrouiller seul. Sa fierté l’empêche de demander de l'aide et son voyage continue vers des terres qu'il espère moins hostiles que tout ce qu'il a déjà connu.
Le récit nous touche forcément, parce que c'est un enfant qui a déjà un vécu d'adulte, parce qu'il va devoir "oublier" pour pouvoir avancer dans un monde inconnu. Arraché à ses parents, sa famille, il vit un enfer pour être emmené dans un pays qu'il ne connait pas qui va lui indiquer comment se comporter... Le livre est découpé en trois parties et la dernière est synonyme d'espoir avec les gens qu'il va rencontrer. Apollinaire a du mal à accepter ce qu'on lui offre, parce qu'il a cette sensation de ne pas avoir le droit : au bonheur, à l'amour, à l'amitié. Cette troisième partie va lui apprendre à ouvrir son coeur, a essayer d'avancer, de ne pas oublier non plus, mais à prendre les devants et passer par-dessus tout ce qui le hante. Les mots sont justes, entre la rage et la mélancolie, entre ce dégout de soi-même et cette hypothétique espoir d'avoir enfin le droit à un sentiment autre que la peur.
En conclusion, un récit qui nous entraine dans les profondeurs de l'esprit d'un adolescent qui a déjà vécu l'enfer. Les changements radicaux de sa vie sont plus une fuite en avant plutôt qu'un vrai moyen de se reconstruire. Cette reconstruction est un chemin long et laborieux, mais avec quelques personnes autour et des moyens, Apollinaire aura peut-être une chance de surmonter son passé.
Extrait choisi :
« Que deviendrais-je sinon ?
Et notre amour saignait comme des groseilliers.
Le vers est insinué en moi. Il résonne, retentit.
Il est minuit. Je traîne, je tarde à aller me coucher. Je redoute de me retrouver avec moi-même. Je redoute les cauchemars. Inconsciemment, je m'interdis de m'endormir. L'insomnie : mon ennemie depuis que je suis en France.
Je m'allonge.
Je voudrais essayer de penser à autre chose... »