Trois tireurs armés jusqu’aux dents lâchés dans un « environnement » public aléatoire délimité. Un but : abattre le plus de personnes possible. Une promesse : un énorme paquet de fric pour celui qui quitte les lieux indemne. Si l’une des « cibles » met hors d’état de nuire l’un des tireurs et survit, une part du pactole lui échoit. Des règles simplissimes, et des dizaines de drones qui filment le tout pour le plus grand bonheur de millions de spectateurs hystérisés, d’annonceurs aux anges et de John McDean, producteur et chef d’orchestre de Vigilance, le show TV qui a résolu le problème des tueries de masse aux États-Unis…
Pourquoi ce livre ? Si j’apprécie énormément cette collection pour la richesse et la diversité des textes, c’est avant tout le Prix Livraddict qui m’a motivée à attaquer celui-ci.
Vigilance est un texte fort qui commence en douceur. On nous décrit une Amérique délavée, défraîchie, à l’image du drapeau sur la couverture. Les jeunes ont quitté le pays, désireux de fuir une société qui se meurt. La population est vieillissante mais pas totalement mourante, grâce à l’avancée de la médecine qui maintient en vie. Société mourante et peu pensante, l’auteur joue sur la nature - peut-être vu comme des clichés de la part des orientaux - des états-uniens par le biais de cette œuvre. On évite la mal bouffe, qui n’était pas le propos, mais hérite des bars et pubs, du port de l’arme et de la peur que ça véhicule et du cercle vicieux que ça entraîne forcément, de la société de consommation (les pubs, les émissions (à la con), etc). Et Vigilance dans tout ça ? C’est une de ces émissions qui a compris le profit possible dans cette situation. En gros, une tuerie orchestrée par le groupe est possible à tout moment dans des zones peuplées, que ce soit des commerces, des habitats, etc. Trois tueurs sélectionnés pour leur profil sont lâchés dans la nature, à eux de faire un maximum de morts et de tuer les deux autres adversaires pour remporter le jackpot. Avec quelques petites spécificités pour pimenter la donne, on retrouve les thèmes propres aux Etats-Unis : l’argent, les armes, le pouvoir.
J’ai trouvé le rythme parfait. On commence comme je le disais tout doucement, le temps de comprendre dans quoi on débarque puis on est comme le public, scotché par ces scènes de violence, bien que mon regard soit mâtiné de dégoût vu leur fascination et leur avidité pour un spectacle aussi désolant. Sur le moment, je ne sais pas trop si j’ai aimé la fin ou non. Ca part fort en cacahuète, avec une sacrée dose de culot. On est sur totalement autre chose, et en même temps ça entre dans le jeu des clichés des Etats-Unis, parfaitement retourné contre eux. Avec le recul, j’ai beaucoup aimé, même si ça n’a rien changé à la note finale. C’était intense et, limite, j’aurai préféré que le personnage qu’on suit en dernier connaisse une autre fin.
Je n’ai pas du tout retenu le nom des personnages et je pense que c’est voulu, de sorte que chaque caractère s’assimile à la masse. Ce sont des représentants du collectif, le peuple ou les gens de pouvoir, pas des personnages avec une individualité. J’ai bien aimé la barman, parce qu’au final elle ressemble au lecteur lambda, à s’égosiller vainement pour tenter d’ouvrir les yeux des spectateurs.
Le style est à la fois limpide et incisif. Sans en faire trop, l’auteur use de termes cliniques pour rendre sa novella plus percutante encore. Sans tirer sur l’agréable, la forme est en harmonie avec le fonds, j’adhère totalement !
Une lecture incisive sur la société états-unienne en décadence. Arme, pouvoir, argent, société de consommation, un petit peu d’écologie, ce ne sont pas forcément des thèmes nouveaux mais l’auteur les présente et les confond si bien que je me suis laissée prendre à ce triste jeu. Un bon rythme, une fin inattendue et cruelle, j’ai passé un très bon moment de lecture.
18/20