Un livre tout simplement sensible.
╰☆ Résumé ☆╮
« Camille naît le 7 octobre 1987 dans le 14e arrondissement de Paris et tout de suite, elle a côtoyé l’impossible. Camille est la fille de Marie, une femme grande, souriante, fragile et de Dominique alias Dodo, un homme grandiloquent et imprévisible qui aime à se prénommer la Saumure »
C’est l’histoire vraie de Camille, fille de. Pas d’un acteur ni d’un chanteur, mais du proxénète notoire Dodo la Saumure. Depuis l’enfance, Camille compose avec l’absence de ce père occupé par ses maisons closes et ses allers-retours en prison. Camille grandit dans la honte et les secrets de famille avec une seule question : comment devenir une femme dans l’ombre d’un père qui en exploite tant ?
L’expérience de Camille est universelle, car elle illustre la place et le combat de toutes ces femmes aux prises avec des hommes qui les méprisent, les dupent, les utilisent pour dominer et triompher.C’est aussi l’histoire d’un écrivain, Julien Dufresne-Lamy, qui pour raconter son amie Camille reprend la narration depuis l’origine. Il interroge l’écriture et les souvenirs enfouis de son héroïne en se demandant sans cesse : comment écrire le vrai, la vie d’une autre, l’amitié sans trahir la littérature ?
Un récit littéraire sans compromis, construit comme une captivante enquête sur la famille et le
secret, qui parle autant de proxénétisme que d’amour.
✿ Mon avis ✿
Il m’est difficile de définir le type d’œuvre qu’est 907 fois Camille. Ce n’est pas une fiction, ni un témoignage. Pas une autobiographie ni une longue confidence et encore moi un journal intime. Pourtant, l’histoire de Camille est vraie. JDL nous la raconte à sa manière, toute en douceur et discrétion. Son style n’est ni intrusif ni m’as-tu-vu. Il ne cache pas la vérité non plus et est très prudent dans ses assomptions. Il a entendu l’histoire de Camille des propres lèvres de son héroïne. Mais il hésite parfois dans ses phrases, de peur de déformer la réalité. Ou du moins la réalité de Camille, son amie.
Sa Camille, cette Camille, c’est la 2e fille de Dodo la Saumure, un des proxénètes les plus ‘réputés’ dans le milieu en Belgique. Vous en avez peut-être entendu parler à la télé ou à la radio, surtout lors de l’affaire GSK. En nuances et sans mauvais goût, JDL nous retrace la vie de Camille et de ce père plutôt absent… un père qui n’a jamais vraiment su être père, bien trop occupé à vivre sa vie, à faire tourner ses bordels, entourés de femmes qu’il considère au mieux comme de vulgaires marchandises.
Bribe après bribe, nous voyons se dessiner le portrait de cette femme qui a aujourd’hui sa vie de famille dont elle rêvait étant petite. Un mari, une fille, des activités à faire ensemble le week-end… Tout cela, elle s’en était fait une image dans sa tête. Sa mère, Marie, était présente pour elle, comptant chaque minute passée à ses côtés comme une victoire. Des moments que Dodo n’aura jamais.
C’est un récit poignant et délicat. Sensible est pour moi le meilleur adjectif pour le décrire. On ressent la réelle amitié qui lie Julien et Camille. Elle l’a laissé entrevoir une grande partie de son intimité et lui, a tenté – et réussi – à retranscrire son histoire.
Comment devenir femme lorsqu’on est la fille de Dodo la Saumure ?, voici la question d’accroche qui résume bien ce récit. L’auteur est parfois témoin de certaines scènes de la vie de Camille mais la majeure partie de l’histoire, il essaye de la reconstruire sur base de ses confidences. Cette histoire, il l’a fait sienne et grâce à ce travail ô si ardu, 907 fois Camille est autant celle de Julien que de cette jeune femme.
Le thème de la prostitution est à la fois central et discret. On l’aborde mais pas de front. Car ce livre est avant tout un hommage à son amie, et aux femmes dans leur ensemble. J’ai beaucoup aimé le ton prudent et bienveillant de l’auteur dans son approche. Sans chronologie particulière, il prend le temps de mettre sur le papier tous ces petits morceaux de puzzle qui ensemble forment le passé et le présent de son héroïne.
Un brillant texte dans sa forme aussi bien que dans son fond. Une belle découverte littéraire qui m’a fait découvrir la plume ‘adulte’ de Julien Dufresne-Lamy (que je n’avais jusqu’ici lu que via des romans jeunesse). Une plume mature et réfléchie mais surtout sensible et aboutie. Une vraie maitrise des mots pour peindre le portrait de cette femme sans tomber dans le mélodrame. Je recommande vivement !
Un grand merci aux éditions Plon et à Babelio grâce auxquels j’ai pu découvrir ce roman via la Masse Critique.
CHRONIQUE #687 – Octobre 2021
- Editeur : Plon
- Parution : 2021
- Nombre de pages : 336 pages
- Genre : Littérature