Anne d'Avonlea - Lucy Maud Montgomery

Par Marie Kacher
Anne d’Avonlea, Lucy Maud Montgomery

 Editeur : Monsieur Toussaint Louverture

Nombre de pages : 344

Résumé : Anne, désormais âgée de seize ans, a su gagner l’affection des habitants d’Avonlea. Alors qu’elle prend ses fonctions d’institutrice, son caractère se dévoile tout en nuances et envolées idéalistes. Elle fera de nouvelles rencontres, comme Monsieur Harrison, leur voisin à Green Gables, ou Mademoiselle Lavendar, qui vit dans le Pavillon aux échos. Il y a également Paul, un élève fascinant et, à n’en pas douter, une future âme sœur, ou les jumeaux Dora et Davy qui débarquent à Green Gables histoire d’épicer le quotidien enfin paisible de Marilla.

- Un petit extrait -

« - Moi, je voudrais apporter de la beauté à la vie, dit Anne d'un ton rêveur. Je ne tiens pas à faire progresser le savoir, même si je reconnais que c'est l'ambition la plus noble. Je voudrais que grâce à moi, les gens aient une vie plus agréable... leur donner un petit moment de joie ou de bonheur qu'ils n'auraient jamais eu si je n'étais pas née.

- Je crois que c'est ce que tu réussis à faire tous les jours, dit Gilbert, admiratif.

Il avait raison. Anne était née enfant de la lumière. Une fois qu'elle avait croisé une vie en y glissant un sourire ou une parole comme un rayon de soleil, la personne voyait son existence, sur le moment en tous cas, comme belle, pleine d'espoir et d'estime. »

- Mon avis sur le livre -

 Connaissez-vous quelque chose de plus frustrant que d’attendre la sortie d’un livre pendant des mois entiers, que de guetter pendant des semaines entières le facteur qui ne semble pas décidé à vous le livrer, que de devoir encore patienter des jours entiers avant de pouvoir le lire afin d’honorer d’autres engagements littéraires … pour finalement le terminer en quelques jours, et encore, en vous obligeant à faire durer le plaisir sinon c’était dévoré en une seule après-midi ? Comme si le temps, ce traitre, s’amusait à nous jouer des tours, s’allongeant interminablement durant l’attente pour mieux nous faire languir, pour ensuite s’accélérer brusquement et brutalement le moment venu, tant et si bien qu’on ne peut s’empêcher de se dire « mais où est donc passé l’autre moitié du livre, ce n’est pas possible qu’il soit si court alors que je l’ai attendu aussi longtemps, il y a forcément une erreur quelque part ?! » … Malheureusement pour notre petit cœur meurtri par cette insupportable situation, il n’y a pas d’erreur : le livre est bel et bien terminé, et il faut désormais se remettre à attendre le tome suivant, qui sera bien évidemment lu, lui aussi, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire alors que l’attente promet de durer toute une éternité …

La mort de Matthew, sa première âme sœur et son père adoptif, a mis fin à l’insouciance, à l’innocence, mais surtout à l’enfance d’Anne : laissant derrière elle son rêve d’étudier à l’université, la jeune femme a choisi de prendre ses responsabilités envers celle qui l’a accueillie, il y a des années de cela, et de rester à Green Gables afin d’aider Marilla, dont la vue décline. Du haut de ses dix-sept ans, elle s’apprête donc à devenir institutrice dans son ancienne école : elle est partagée entre l’espoir de mener toutes ces petites âmes sur le chemin de la vie et la crainte de ne pas être à la hauteur de cette lourde responsabilité. Et comme si cela ne suffisait pas, voici que Marilla se voit confier la garde des deux enfants d’une de ses lointaines cousines : deux jumeaux de six ans. Et si Dora est une petite fille tellement sage, discrète et obéissante qu’on la remarque à peine, son frère Davy est un petit garçon insupportablement insolent et chahuteur qui va donner bien du fil à retordre à la sévère Marilla comme à la douce Anne ! Et puis, il y a Monsieur Harrisson, le nouveau voisin, dont le perroquet déclame des jurons à longueur de journée. Il y a les grands projets de la société d’Embellissement d’Avonlea, il y a l’amitié, il y a Mademoiselle Lavendar et son histoire d’amour tragique, il y a les rêves, et le petit Paul …

Pour être parfaitement honnête, j’avais un peu peur au moment de me plonger dans ce second opus : et si Anne, en grandissant, avait perdu de sa fraicheur ? Ma crainte était d’autant plus forte qu’une de mes amies, qui n’avait que moyennement apprécié le premier opus à cause du caractère pour le moins exalté d’Anne, avait au contraire beaucoup aimé celui-ci : Anne avait-elle tellement changé ? C’est donc avec une légère appréhension que je me suis décidée à retrouver les chemins d’Avonlea … Mais heureusement, dès le premier chapitre, Anne m’a rassurée : elle est toujours pleinement elle-même. Bien sûr, elle a grandi, elle a muri, ses préoccupations ne sont plus aussi futiles que l’absence ou la présence de manches bouffantes sur ses robes, mais elle reste cette âme lumineuse et ce cœur généreux qui répand la douceur et la joie sur son passage. Elle reste aussi cette jeune fille passionnée qui vit avec une intensité inouïe tous les bonheurs et toutes les peines de l’existence, qui s’investit corps et âme dans tous ses projets, qui s’émerveille de tout ce qui l’entoure … et qui continue à se jeter la tête la première dans des ennuis plus gros qu’elle, pour ensuite se réjouir de ce que ses ennuis ont apportés de bon dans sa vie.

Car Anne a cela à nous apprendre, à nous qui sombrons si rapidement dans le fatalisme et le découragement, à nous qui broyons du noir et qui avons perdu tout espoir : elle ne se laisse jamais abattre, trouve toujours une solution aux petits et gros problèmes, et accueille tout avec confiance et sourire. Et ce que j’aime surtout chez Anne, c’est qu’elle est profondément tourner vers les autres : j’aime tellement sa volonté farouche de répandre le bonheur autour d’elle, de rendre la vie de ceux qui l’entourent meilleure. Non pas en faisant des choses extraordinaires, mais en donnant tout simplement le meilleur d’elle-même. En donnant d’elle-même, tout simplement. Son choix de rester à Avonlea, de renoncer à sa bourse d’étude, de renoncer donc à l’avenir radieux auquel elle était promise, pour rester aux côtés de Marilla, c’est un acte d’altruisme et d’amour que je trouve vraiment magnifique. Anne nous rappelle que le bonheur de donner est autrement plus grand que celui de recevoir, et qu’il suffit parfois de peu de chose pour redonner le sourire à quelqu’un, pour lui redonner un peu de joie de vivre, de confiance en soi, d’espérance en l’avenir qui semble bien obscur parfois ….

Car tout n’est pas rose dans ce livre : il y a des moments difficiles. Anne et Marilla portent encore le deuil de Matthew, cet homme si discret mais tellement attachant par sa douceur et sa simplicité. Il y a les petits et gros tracas du quotidien : que vont donc devenir ces deux gamins à la mort de leur mère, puisque leur oncle ne peut pas les prendre chez lui ? comment convaincre Monsieur Boulter de détruire l’affreuse bâtisse qui défigure le paysage ? comment attirer la sympathie du petit Anthony qui ne cesse de lui jeter ce petit regard de défi durant la classe ? Tout comme la vie, ce livre est rempli de cette alternance entre tempêtes et accalmies, entre malheurs et réjouissances. Si le premier opus restait finalement assez léger, ponctué par les bêtises et maladresses de la petite Anne, l’autrice nous offre ici un récit plus profond : désormais jeune femme, Anne se trouve à la croisée des chemins, ce moment où les rêves enfantins sont encore présents mais commencent doucement à s’estomper face aux bouleversements de la vie. Elle ne porte plus le même regard sur le monde et sur les gens : il y a toujours, bien sûr, cette bonté et cet optimisme qui la caractérise, mais elle découvre toutes les nuances et se rend compte que rien n’est aussi simple qu’elle ne le songeait …

En bref, c’est encore une fois très difficile de trouver les mots justes pour vous parler d’Anne, mais vous l’aurez bien compris, malgré une petit appréhension au moment de débuter, je suis à nouveau tombée sous le charme de ce récit. C’est vraiment comme retourner à la maison et retrouver une vieille amie : il faut quelques instants pour reprendre ses marques et renouer le contact, mais ensuite, c’est vraiment comme si vous n’étiez jamais parti et comme si vous ne vous étiez jamais quitté. Encore une fois, je suis tombée amoureuse de la plume de l’autrice : à la fois simple, douce, drôle et poétique. Anne est toujours aussi attachante et rayonnante, bienveillante et amusante, le monde a tellement besoin de plus de personnes comme elle, si seulement elle pouvait sortir du livre pour venir illuminer notre sombre époque ! C’est vraiment un récit plein de tendresse et d’humanité, que certains jugeront peut-être trop « fade » et trop « mièvre », parce que notre monde moderne ne jure que par l’action à outrance et la violence à n’en plus finir, mais pour ma part, je suis amoureuse, tout simplement, de cette histoire à la fois si simple et si intense. Si seulement je pouvais vivre à Avonlea, je m’y sens tellement à ma place !