L’île aux femmes (Zanzim – Editions Glénat)
France, 1913. Sous les yeux ébahis des spectateurs et surtout des spectatrices, le pilote cascadeur Céleste Bompard multiplie les prouesses aux commandes de son aéroplane. On a souvent l’impression qu’il va s’écraser, mais il parvient toujours à rattraper son appareil au dernier moment, car Céleste le bien-nommé est un as de la voltige. Au sol aussi, c’est un as, mais dans un tout autre domaine. Sa fougue et son courage lui permettent de multiplier les conquêtes féminines. Dans son avion comme dans son lit, Céleste se sent irrésistible. Mais lorsque la Grande Guerre éclate, l’heure n’est plus à la cabriole. Ayant mis son talent au service de l’armée, le pilote Bompard continue à prendre tous les risques. Non plus pour épater la galerie, mais pour transporter les lettres que les soldats du front écrivent à leurs bien-aimées. « Tout ça pour donner de la lecture aux bonnes femmes », soupire Céleste, qui aspire à des missions plus glorieuses. Mais à peine a-t-il le temps de terminer sa phrase que son avion est abattu. Céleste se crashe sur une île mystérieuse. Au début, l’endroit paraît désert, mais un jour, en parcourant les lieux, il découvre que cette île est habitée par une tribu composée exclusivement de femmes. Et pas n’importe quelles femmes, puisque ce sont de véritables amazones, aussi belles que redoutables. Convaincu de son charme, Céleste plonge sans hésiter dans le lac où plusieurs d’entre elles sont en train de se baigner. Mais à sa grande surprise, elles ne l’accueillent pas vraiment à bras ouverts. Se méfiant des mâles et de leurs mauvaises habitudes, les femmes décident de capturer Céleste le fanfaron et d’en faire leur esclave. Dorénavant, c’est lui qui s’occupera de la lessive, de la vaisselle et de la cuisine. S’il se montre suffisamment servile et obéissant, il pourra même remplacer leur « reproducteur » actuel, qui n’est plus de toute première fraîcheur…
L’histoire de « L’île aux femmes » vous dit quelque chose? C’est normal, car il ne s’agit pas d’une véritable nouveauté. Ce roman graphique truculent et féministe est effectivement paru une première fois en 2015. Mais dans la foulée de l’énorme succès de « Peau d’Homme », dessiné par le même Zanzim et scénarisé par le regretté Hubert (qui signe les couleurs de « L’île aux femmes »), les éditions Glénat ont décidé de publier une nouvelle édition de cet ouvrage, en l’intégrant désormais à leur prestigieuse collection « 1000 Feuilles », dont fait également partie « Peau d’Homme ». C’est une excellente nouvelle pour les bédéphiles, car cette édition revisitée est un magnifique objet, agrémenté d’une couverture inédite et d’un dos toilé. On y trouve également plusieurs pages consacrées aux recherches graphiques de Zanzim. Mais surtout, la lecture (ou la relecture) de « L’île aux femmes » est l’occasion de replonger avec beaucoup de plaisir dans ce récit inattendu et décalé. Zanzim prend un malin plaisir à malmener son héros, un séducteur macho et égocentrique, en inversant les rôles entre les hommes et les femmes. « L’île aux femmes » est à la fois un divertissement plein d’ironie et de légèreté et une réflexion intelligente sur les préjugés sexistes. Mais sans pour autant se limiter à un simple récit féministe: il contient aussi une dimension historique très intéressante, grâce à l’intégration habile des lettres des poilus à leurs femmes. Des lettres qui vont finalement permettre à Céleste de sauver sa peau. Et puis, il y a les dessins, qui sont le principal atout de ce roman graphique. Les planches de Zanzim débordent d’imagination, de sensualité et de poésie et lui permettent facilement d’embarquer ses lecteurs dans son univers plein de fantaisie, dans lequel on oscille en permanence entre rêve et réalité. Montez donc sans hésiter dans l’avion vers « L’île aux femmes », vous ne regretterez pas le voyage.