Autant le dire tout de go : j’ai été impressionnée par ce polar. L’auteur nous offre un roman intelligent, à la fois subtil et original, qui tient la route tout en sortant des sentiers battus, que demander de plus ?
Tout commence par une succession de chapitres courts et incisifs dans lesquels se dessinent des scènes particulièrement anxiogènes. On assiste ainsi à la disparition de nourrissons dans des maternités et à la découverte de bébés congelés : c’est lourd et oppressant et, semble-t-il, sans aucun rapport entre les chapitres. Mais tel un peintre qui va soigner chaque détail de son tableau en avançant scène par scène, François-Xavier Dillard va nous montrer chaque détail avant de nous amener à prendre de la hauteur pour appréhender son histoire dans sa globalité. Même si la confusion règne au début, tout est parfaitement enchevêtré, rien n’est gratuit, tout s’explique et se comprend au fil des pages comme une mécanique de précision.
Au milieu de tout ce semblant de fatras, Jeanne Muller, commissaire divisionnaire à la brigade des mineurs. Solitaire dans l’âme, cette flic de haut niveau n’en a que faire du politiquement correct et de toutes les bonnes résolutions pour une vie plus saine et un monde meilleur. La vie est courte, elle le constate chaque jour alors en privé elle se dit assez égoïstement que ce qui est pris n’est plus à prendre. Elle amuse autant qu’elle dérange et apporte un vent nouveau dans la fliquerie de polars, qu’il fait bon de lire. C’est avec un plaisir non dissimulé que je l’ai suivie dans la résolution de son enquête truffée de surprises.
En partant ce matin de la brigade, elle a pris une voiture plus discrète que son véhicule personnel. Si discret qu’elle ne fait aucun bruit ou presque. C’est la révolution de la bagnole électrique. De celle avec laquelle vous ne savez jamais si vous avez vraiment démarré. Au moins, sur sa Maserati, lorsqu’elle tourne la clef de contact, le V8 Ferrari lui rappelle immédiatement qu’il est vivant, et qu’elle aussi, elle l’est. Voilà, « vivant », le mot est lâché. Dans le monde qu’on lui propose aujourd’hui, la commissaire Muller a l’impression qu’on ne veut plus de vie, plus de bruit, plus de fumée, plus d’adrénaline, plus d’identité sexuelle, plus de sexe, plus de clope, plus d’alcool, plus rien… Plus rien d’autre qu’un discours lénifiant sur la nature, la santé, la morale, la culpabilité. La culpabilité, surtout, cette chose lourde et grasse qui vous colle à la peau, cette infamie héritée d’une morale judéo-chrétienne et bien-pensante qui, à peine né, vous rend déjà coupable de tous les malheurs du monde.
L’enfant dormira bientôt est un sacré bon polar. De ces polars qui peuvent facilement clouer le bec aux râleurs et râleuses comme moi, qui ont l’impression que le genre ne sait pas se réinventer. Il suffit d’un François-Xavier aux commandes et d’une Jeanne sur le terrain pour que de suite les choses se révèlent beaucoup plus palpitantes. Tout est donc une histoire de casting…
L’enfant dormira bientôt est le 5e polar des éditions Plon que j’ai lu cette année dans le cadre de l’exploration du catalogue polar de l’éditeur. Pour l’instant j’en suis à 3 coups de coeur, un livre beaucoup aimé et un abandon. Sacré bilan, je n’en espérais pas tant !
L’ESSENTIEL
L’enfant dormira bientôt
François-Xavier DILLARD
Editions Plon
Sorti le 23/09/2021
336 pages
Genre : polar français
Personnages : Jeanne Muller, Michel Béjart et son fils Hadrien, les Scott
Plaisir de lecture :
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Jeu de peaux d’Anouk Shutterberg, Gamine guerrière sauvage de Eric Cherrière, Rendors-toi tout va bien d’Agnès Laurent
RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR
Quoi de plus désarmant que de regarder un nouveau-né s’endormir dans vos bras… Mais êtes-vous certain qu’il se réveillera ?
L’homme remonte l’escalier de la cave. Il a la démarche saccadée d’un automate brisé et tient dans ses mains deux petits sacs-poubelles recouverts de cristaux de givre. La dernière vision qu’il aura avant de plonger dans le néant restera éternellement gravée dans sa mémoire : du sac noir a glissé une chose atroce, innommable.
Michel Béjart rêve d’une existence heureuse avec son fils Hadrien, mais tous deux ne guériront jamais du drame familial survenu quinze ans plus tôt. Une macabre découverte qui a brisé leur vie pour toujours. Michel essaie de se reconstruire au sein de la fondation Ange qu’il a créée pour la protection de l’enfance, et tente de surmonter son chagrin et sa culpabilité auprès d’une poupée » reborn « , étrange bébé plus vrai que nature, qu’il chérit quotidiennement.
Un matin, la commissaire Jeanne Muller débarque à la Fondation. Des nouveau-nés ont été enlevés, et un vent de panique sou e sur les maternités parisiennes. Pourquoi Michel s’inquiète-t-il soudainement ? Les disparitions auraient-elles un lien avec la Fondation? En investiguant au coeur de cette institution tout entière tournée vers la parentalité, Jeanne ne tardera pas à comprendre ce que l’arrivée d’un enfant peut provoquer dans notre société, dans nos foyers et dans nos esprits. Le meilleur comme le pire…
Une histoire où personne n’est vraiment innocent, pas même les enfants…
TOUJOURS PAS CONVAINCU ?
3 raisons de lire L’enfant dormira bientôt
- Chaque pièce du puzzle se met en place de manière habile
- Jeanne Muller est une flic hors normes
- La fin est particulièrement réussie
3 raisons de ne pas lire L’enfant dormira bientôt
- Une entrée en matière qui demande de s’accrocher un peu
- Un sujet qui peut être difficile pour des parents
- Je sèche…
L’article L’enfant dormira bientôt de François-Xavier Dillard est apparu en premier sur Lettres & caractères.