Beta ray bill par daniel warren johnson : grand spectacle en grand format chez panini
Par Universcomics
@Josemaniette
Il y a toujours eu un fond de rivalité inquiétant entre Thor et Beta Ray Bill. Un peu de "masculinité toxique" également, du machisme au premier degré, savoir qui possède le plus gros marteau, qui est le héros parfait pour Asgard et ses dieux. D'ailleurs à sa première apparition Beta a terrassé le fils d'Odin, mais par la suite tout s'est compliqué, et lorsque s'ouvre cet album hors collection chez Panini, on le retrouve en proie à une grosse déception. Son outil de travail, Stormbreaker, qui fait aussi sa fierté, à été détruit dans le dernier choc en date avec Thor. Cette fois plus de doute possible, c'est bien le nouveau souverain d'Asgard qui est le mâle alpha, et pas notre copie carbone à l'aspect chevalin. Pire encore, Bill est un korbinite, une race extraterrestre, qui sans produire de top modèles attirants, selon nos standards humains étriqués, propose au moins des physiques humanoïdes acceptables. Ce qui est bien utile quand on entretient une relation charnelle avec la belle et fougueuse Sif, ancienne flamme de Thor (la rivalité sans fin...). Mais sans son marteau, l'alien ne peut plus redevenir ce qu'il est à la base, et la jolie brune ne semble guère motivée à l'idée d'embrasser celui qui a l'apparence d'un cheval survitaminé. Une cruelle prise de conscience, qui plonge notre héros dans des affres existentiels qui n'ont pas fini de le tourmenter. Il lui faudrait donc trouver un moyen de changer de forme selon ses désirs, mais voilà, lequel? S'en aller demander à Odin s'il est possible de forger un nouvel outil? Plonger dans le feu et les cendres de Muspelheim, sulfureux royaume nordique, où Surtur règle en maître, ce même démon qui a ravagé le monde natal de Bill? En tous les cas, la vie est plus belle quand on trouve des alliés avec qui partager sa peine. Skurge quitte momentanément le walhalla où il s'ennuyait ferme, et Pip le Troll débarque dans une version badass, comme on le l'attendait certainement pas.
Motif évident qui pousse à l'achat, le dessin. D'autant plus que Panini Comics n'a pas hésité à donner du volume à l'ensemble, avec un passage au format king size, qui est certes un peu plus difficile à caler dans la bibliothèque, mais qui permet d'apprécier avec plus de bonheur encore chaque vignette de Daniel Warren Johnson. Ce dernier n'est pas encore une supervedette aux yeux du très grand public. Même son Wonder Woman scorched Earth est plus destiné à régaler ceux qui savent. Mais l'évidence est là, le type est destiné à vite devenir un de ceux dont on ne pourra plus se passer. Chez lui la beauté et la grandiosité (Asgard tout de même) sont exprimées à travers une forme de décadence et de représentation si personnelle et peu académique qu'on a l'impression de visiter les lieux pour la première fois. Les figures hésitent entre une lassitude, une décrépitude apparente, et une grandeur, une puissance qui laisse béat d'admiration. Que ce soit le dragon Foom, momentanément marionnette pour le dieu des symbiotes, Knull, ou encore un Surtur qui jaillit de la page dans sa terrifiante présence, le spectacle est garanti. L'artiste sait aussi recourir à des détails enivrants, mettre à l'œuvre une préciosité et une minutie de premier ordre, comme lorsqu'il donne à voir le vaisseau de Beta Ray Bill, qui par ailleurs réserve une des vraies surprises scénaristiques de cette aventure, une trouvaille inattendue qui vient apporter tempérance et baume au cœur à un héros si amer et enclin à se déprécier. Empêtré dans une recherche d'estime de soi et de dignité, obligé de reformuler son identité, y compris à travers sa virilité, celui qui fut le remplaçant de Thor cherche encore et toujours sa vraie place, et traverse en ces pages une crise intime et cosmique, qui est aussi un petit bijou à ne pas manquer.