Au-delà de la mer, Paul Lynch, traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso, Albin Michel, août 2021, 232 pages.
Ce roman ne fait pas partie de ceux qu’on dévore à pleines dents. Ce roman se déguste, par petites touches, sans précipitation. Il serait trop facile de parler d’immersion, cependant c’est bien de cela qu’il s’agit. Je suis entrée dans ce livre, tout doucement, l’eau glacée m’a saisie et m’a empêchée d’en goûter la saveur. J’ai fait comme lorsque j’entre dans la mer, j’ai lu quelques lignes, et puis j’ai fermé, j’ai réessayé quelques jours après, pour en sortir aussi vite. L’eau était trop froide, les mots ne m’ont pas réchauffée. C’est seulement au troisième essai que j’ai franchi le pas, j’ai plongé dans les vagues, je me suis immergée et n’en suis plus ressortie avant le dernier mot. Mais j’ai pris mon temps, j’ai laissé les images s’installer en moi, j’ai fait de ce court livre un pavé afin de ne pas l’oublier de sitôt.
La tension se fait de plus en plus prégnante au fur et à mesure qu’on progresse dans ce huis-clos marin. J’aurais pu m’y ennuyer, car, après tout, que s’y passe-t-il ? Pas grand-chose. Et pourtant non, nul bâillement à l’horizon, mais bien plutôt une envie irrésistible de continuer à être le témoin muet de ce face à face ahurissant. Une tempête de sentiments s’est abattue sur moi. L’auteur réussit le tour de force de captiver son lecteur pour une histoire d’hommes perdus en mer, et qui essaient de survivre en attendant d’hypothétiques sauveteurs.
Deux personnages, livrés à eux-mêmes au milieu de l’immensité liquide, deux personnages qui s’affrontent, se confrontent. Ils se font face, mais ils sont aussi face à eux-mêmes, ils regardent leur passé avec son lot de culpabilité, ils extrapolent, inventent un présent, un futur à leurs proches, ils s’interrogent sur leurs choix, sur leurs décisions.
L’auteur nous livre là un livre hypnotique, déroutant, original, puissant.
Merci aux éditions Albin Michel pour l’envoi de ce livre.