Abdulrazak Gurnah (c) Niklas Elmehed/Nobel Prize.
Bigre! Le 7 octobre dernier, Abdulrazak Gurnah recevait le prix Nobel de littérature 2021 (10 millions de couronnes suédoises). Le jury était enthousiaste: "for his uncompromising and compassionate penetration of the effects of colonialism and the fate of the refugee in the gulf between cultures and continents" ("pour sa compréhension intransigeante et compatissante des effets du colonialisme et du sort du réfugié dans le gouffre entre les cultures et les continents").
Lui-même n'y croyait pas, comme en témoigne la conversation enregistrée lors de l'annonce de son prix par Adam Smith.
Mais qui était cet écrivain tanzanien, né à Zanzibar le 20 décembre 1948 et réfugié en Grande-Bretagne à l'âge de dix-huit ans lors de la révolution de Zanzibar car il appartenait à la communauté persécutée de Zanzibariens d'origine arabe? Etudiant d'abord, Abdulrazak Gurnah deviendra ensuite enseignant dans son pays d'adoption, s'intéressant principalement à l'écriture postcoloniale et aux discours associés au colonialisme. Lui-même écrit aussi. Auteur de nombreux livres depuis 1987, dix romans, des nouvelles, des essais, écrits en anglais et non dans sa langue maternelle, le kiswahili, ainsi que de nombreux articles, le nouveau lauréat n'était guère connu en français. Trois titres parus mais indisponibles, disparus avec les malheurs du Serpent à plumes et de Galaade.
Bonne nouvelle! Le 1er décembre, deux de ses trois livres déjà traduits en français seront à nouveau disponibles aux éditions Denoël.
"Paradis" ("Paradise", 1994, traduit de l'anglais par Anne-Cécile Padoux, Denoël, 1995, Le Serpent à Plumes, 1999, 300 pages, Denoël, 2021). Au travers de l'histoire de Yousef, 12 ans, un garçon qui grandit en Tanzanie au début du XXe siècle, un récit initiatique bouleversant, qui raconte l'Afrique de l'Est du début du XXe siècle aux prises avec le colonialisme.
"Près de la mer" ("By the Sea", 2001, traduit de l'anglais par Sylvette Gleize, Galaade, 2006, 313 pages, Denoël, 2021). 1994. Saleh Omar, originaire de Zanzibar, se présente à la douane avec un faux passeport. Pas de visa d'entrée. Apprentissage de la perte, quête d'identité en terre d'exil, "Près de la mer" est une histoire d'honneur, de trahison et de vengeance qui nous invite à redécouvrir l'histoire d'une Afrique où les destins individuels se confondent avec l'Histoire passée ou présente.
On espère la réédition du troisième livre existant et la traduction des plus récents, "The Last Gift" (2011), "Gravel Heart" (2017) et "Afterlives" (2020).
"Adieu Zanzibar" ("Desertion", 2005, traduit de l'anglais par Sylvette Gleize, Galaade, 2009, 282 pages). Une fable désenchantée qui conte les amours et les illusions de Martin et de Rehana, d'Amin et de Jamila, de Rashid et de Barbara. Ils sont noirs ou blancs, indiens ou arabes, chrétiens ou musulmans et tissent, de Zanzibar à Londres, autant d'histoires d'amour, d'interdit, de mémoire et d'exil.