Roman psychologique d'une noirceur extrême, Intra/Extra est le récit d'une descente aux enfers, celle d'un jeune homme, exclu de la société, qui sombre dans la violence, jusqu'aux frontières de la folie. Une lecture atypique, choquante et réaliste.
Guillain a quitté très tôt le domicile familial, pour fuir un père violent et une mère alcoolique. Direction Bordeaux où il dilapide rapidement ses économies et devient un SDF confronté à la violence et aux inégalités. Quelques rencontres avec des personnes bienveillantes ne suffisent pas à le ramener dans le droit chemin. Désabusé par la brutalité du monde qui l'entoure, il sombre dans la grande précarité, jusqu'à la rencontre inattendue avec un chef d'entreprise qui lui propose un travail. Guillain accepte et se lit rapidement d'amitié avec cet homme, dont il épouse par la suite la fille. Ce mariage qui devrait être pour lui une véritable chance de s'en sortir sera au contraire la voix la plus dangereuse pour sombrer dans la folie.
Gaëtan Genet porte un regard dès plus sombre sur la société, en prêtant sa voix à une personne, dite " marginale ", qui refuse tout comme les êtres qu'il côtoie " d'entrer dans le moule ", qui rejette le conformisme de masse et la société telle qu'elle est. L'utilisation de la première personne donne parfois à ce roman des allures de témoignages. Par son point de vue acerbe, l'auteur nous ouvre les yeux, nous fait réfléchir sur le système, le dénonce avec force. C'est très fort.
Guillain n'est pas un personnage auquel on peut s'attacher et pourtant, en posant le livre, je ne peux m'empêcher de songer à son parcours, aux difficultés rencontrées, aux injustices vues et vécues. Tout cela existe bel et bien, et pire encore. L'écriture simple et réaliste de l'auteur ne nous épargne aucune violence. Certains passages sont difficiles, un style cru agrémente certaines scènes parfois obscènes (le sexe fantasmé ou non est un défouloir pour Guillain), un public averti en vaut deux. De nombreux sujets sont évoqués : la précarité, la maltraitance, les dépendances à l'alcool, aux drogues, le racisme, la folie... On ne peut imaginer de fin positive à ce roman ni de destin heureux pour cet homme issu d'une famille dysfonctionnelle, qui rencontre une autre famille dysfonctionnelle, et qui, on le devine rapidement, est une véritable bombe à retardement. Guillain souffre de problèmes psychologiques graves, dus à son enfance difficile, à son parcours chaotique. Personne ne détecte ses troubles, il n'est pas soigné, ne le sera jamais, puisque personne ne s'intéresse réellement à ce qu'il est et qu'il dissimule parfaitement sa vraie nature.
Je me répète peut-être mais ce livre est d'une violence rare, tant dans les thèmes abordés que par la réflexion qu'il propose. Je remercie Gaëtan Genet pour sa confiance, et pour cet uppercut, ce livre qu'il fallait oser écrire. Je conseille ce très bon roman à un public averti, qui j'en suis sûre n'en sortira pas indemne.