Couvrez-les bien, il fait froid dehors... Sophie Pirson

 Couvrez-les bien, il fait froid dehors...     Sophie Pirson

Entretiens avec Fatima Ezzarhouni



Couvrez-les bien, il fait froid dehors...     Sophie Pirson

Editions du Cérisier
Collection : Faits et gestes
Parution : septembre 2021
Pages : 112ISBN 9782872672325
Prix : 12 €
Présentation de l'éditeur
C’est à l’été 2018 que Sophie Pirson rencontre Fatima Ezzarhouni dans un groupe qui rassemble des proches de jeunes radicalisés, des personnes victimes ou proches de victimes des attentats et des intervenants de première ligne.
Le 22 mars 2016, la fille de Sophie a été blessée dans l’attentat du métro Maelbeek. Le fils de Fatima est parti combattre en Syrie le 16 juin 2013.
Ces deux mères que tout devrait opposer vont se parler, se découvrir, se construire ensemble une amitié et une intimité fortes, à partir de leurs déchirures et au-delà de l’horreur.
Sophie Pirson peint d’une écriture sensible ce récit croisé où les deux voix se répondent en harmonie.
Pour conclure son ouvrage symboliquement le 22 mars 2020.
David Van Reybrouck, dans sa belle préface écrit :
« Cet ouvrage est plus qu’un livre sur les attentats et les combattants en Syrie. (…) C’est le récit d’une amitié nouvelle, inattendue et improbable entre deux femmes fortes, marquées par la vie, mais pas captives. (…) C’est un livre empli de douceur, sur le pouvoir de la vulnérabilité et le réconfort de la beauté. »
Sophie Pirson écrit les chemins qui se croisent, l’amitié partagée, les larmes et les rires rassemblés.
« Nous goûtons à la chaleur de nos élans avec bonheur. Je te lis les pages écrites. Tu complètes, corriges, acquiesces, précises. Nous nous sommes approchées et rapprochées avec notre passé et notre présent. Aujourd’hui, à travers nos échanges, nous nous efforçons d’inventer un futur. »
Une écriture limpide où la narration se tisse dans l’entrelacs de la conversation, de la réflexion et de la poésie.
Une fenêtre largement ouverte sur un monde qui respire.
L’ouvrage est conjointement publié dans sa traduction néerlandaise (Alle moeders wenen dezelfde tranen) aux éditions EPO, avec la même préface de David Van Reybrouck.
La traduction en néerlandais est de Marijke Persoone.
Pour la version originale en français, la préface de David Van Reybrouck est traduite par Catherine Martens.
Mon avis
Dans le cadre de "lisez-vous le belge",  je pars à la découverte des éditions du Cerisier et d'un témoignage que j'avais envie de lire suite à une écoute en radio.
À l'origine, un programme permettant de rencontrer des proches de jeunes radicalisés et des proches ou victimes des attentats de Bruxelles en 2016. L'une Sophie dont la fille fut victime à Maelbeek, l'autre Fatima dont le fils est parti en Syrie le jour de ses 18 ans en 2013 dans le but d'aider là-bas.
La première est belge, bruxelloise parlant français, la seconde d'origine marocaine, anversoise, néerlandophone.  Beaucoup pouvait les séparer et pourtant dès le départ, elles refusent de basculer dans la haine et immédiatement c'est la compassion, l'amitié qui va les réunir.
Ce sont deux femmes, deux mères qui souffrent pour leur enfant, réunies par le chagrin.
"Les larmes des mères sont les mêmes.  elles nous relient.""Le pardon est une valeur fondamentale, si on n'accepte pas, si on ne donne pas, on devient malade"
Dans ce récit, ce sont leurs rencontres, leurs discussions autour de la transmission, de leur enfance. Ce sont deux femmes qui se livrent, se racontent, partagent autour d'un morceau de chocolat leur histoire.
"L'amitié c'est comme l'amour.  On peut tout se dire en confiance."
Ce sont aussi deux grands-mères, l'une a ses petits-enfants près d'elle mais pour l'autre c'est difficile d'imaginer et supporter l'absence, les conditions de vie difficiles de ceux-ci.  
Elles parlent de liberté, de beauté, de joie, de cadeau.  
Ce petit livre est dense, riche d'enseignement.  Le ton est juste, c'est fluide, limpide.
La préface est de David van Reybrouck et ce livre a également été publié en néerlandais.
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
Lorsque tu es directement touché, tu vis un tel séisme que tu veux aller vers la beauté et l'humanité et non vers la haine. 
Si des mots comme accueil, humanité, amour, résistance, curiosité, hospitalité, liberté, amabilité, audace, franchise, joie, beauté...  ou, encore, lire, écouter, marcher, explorer, cuisiner, aimer... viennent spontanément, il est plus compliqué d'exprimer d'où ils viennent et comment ils doivent se vivre.  Nous déploierons ce rôle de passeuses en partant de l'expérience sensible de nos vies.  
On vivait ensemble sans se préoccuper de la nationalité ou de la religion.  On ne demandait pas à celui qui entrait quel dieu il priait.  Ils m'ont appris la tolérance, l'accueil et l'hospitalité.
Il mélangeait deux cultures en cuisine comme il les mélangeait dans ses amitiés.  Le plat était à son image, généreux et réconfortant.
Générosité, amour et hospitalité sont des valeurs importantes que je désire transmettre.  Je voudrais, comme mon grand-père, pouvoir accueillir celui qui arrive sans savoir d'où il vient. Tu appuies ces mots en précisant que lorsque tu rencontres quelqu'un, c'est à la personne que tu t'adresses.  Peu t'importe qui il prie ou ne prie pas...  Pour toi, la religion relève de l'intime.  Croire en un dieu et prier est un acte qui se passe de soi à soi.
Le plus important est que nous sommes des humains et que nous devons chercher les manières de vivre ensemble pour leur préparer un autre monde.
Mon enfant est parti à la mort alors que sa vie commençait.
Le pardon est une valeur fondamentale : si on n'accepte pas, si on ne pardonne pas, on devient malade.
L'amitié c'est comme l'amour.  On peut tout se dire en confiance. 
Si la beauté peut faire alliance avec la gravité, elle voisine, aussi, avec la joie.  La joie arrive sans crier gare avec une perpétuelle légèreté.  Elle jaillit, dans un éblouissement soudain, comme une pluie d'étoiles.  On la reconnaît quand le coeur vibre et quand les yeux se mouillent.  Il lui arrive de serpenter la lisière de la tristesse pour lui donner un instant de lumière.  Et, si fragile soit-elle, elle allège le poids du monde.
Couvrez-les bien, il fait froid dehors...     Sophie Pirson