Shusharrah de Emmanuel Chastellière et Anthelme Hauchecorne

Shusharrah de Emmanuel Chastellière et Anthelme Hauchecorne Publié aux éditions Scrinéo, 2021, 362 pages. Ravagée par la main de l'homme, la Terre n'est plus celle que nous connaissons : les ressources viennent à manquer et les conditions météorologiques s'aggravent. La ville de Shusharrah, quelque part en Afrique, attire des migrants venus des quatre coins du monde. Adam, le frère de Jeanne, est parti pour cette mystérieuse cité voilà plusieurs années. Sans nouvelles de lui depuis un an, Jeanne décide de tout quitter pour se lancer à sa recherche. Mais une fois arrivée à destination, c'est la surprise :Adam a disparu et rien n'est tel qu'elle l'avait imaginé. Les immigrés cherchant asile dans la cité sont tous regroupés dans un bidonville, confrontés à la réalité de ce qui s'avère n'être qu'un mirage. En plein deuil, Jeanne devra faire un choix : tenter de venir en aide à ces personnes ou parvenir à intégrer Shusharrah ? Plongez au cœur de la cité de Shusharrah, le dernier espoir d'un monde à la dérive. Shusharrah est un roman dystopique dans lequel on suit Jeanne qui part à la recherche de son frère Adam. A force d'exploiter la Terre, d'ignorer les mises en garde des scientifiques, les hommes ont ravagé la planète. Les tempêtes, les incendies, les sécheresses ont tué des centaines de milliers d'humains. Jeanne fait partie des rares survivants d'une Europe exsangue. Son frère Adam est parti, il y a déjà quelques mois, pour la mystérieuse cité de Shusharrah. Jeanne se lance sur ses traces... Avec ce roman, Emmanuel Chastellière et Anthelme Hauchecorne imaginent une Europe dévastée. Les migrants climatiques prennent alors tous les risques pour traverser la Méditerranée afin de rejoindre l'Afrique, seul continent dont on dit qu'on peut encore y trouver un peu d'espoir. J'ai beaucoup aimé cette manière de traiter les choses. Les situations sont inversées et ce sont les Européens qui deviennent ici des migrants. On va suivre alors Jeanne dans cette traversée de tous les dangers.

Shusharrah est une dystopie centrée avant tout sur le devenir de Jeanne, devenue soudain indésirable, elle, l'Européenne. Elle va atteindre Shusharrah, cette mystérieuse cité sur laquelle elle fonde de nombreux espoirs. Mais elle en sera exclue et devra se contenter du bidonville qui la borde. On sent la détresse de cette jeune femme, exclue, rejetée, qui ne comprend pas pourquoi elle ne peut franchir les portes de la cité alors qu'elle a traversé bien des dangers; . Le roman devient alors fable moderne comme un écho déformé de ce que vivent des milliers de migrants climatiques aujourd'hui.

N'y cherchez pas une dystopie détaillée et classique. On sait juste que la terre n'a plus rien à offrir. Shusharrah s'inscrit plutôt dans une réflexion écologique et économique. Et si cela nous arrivait à nous, Européens? Que ferions-nous? Certains lecteurs ont regretté que la partie dystopique ne soit pas plus développée mais je crois que ce n'est pas le cœur du roman. Les deux auteurs ont plutôt cherché à faire réfléchir le lecteur à une problématique actuelle et peut-être future via le biais d'un roman de SF. Les deux auteurs possèdent d'ailleurs une plume qui m'a beaucoup plu. Quelle gageure d'écrire un roman à quatre mains. C'est très réussi. Une certaine poésie se dégage de ce récit.

Shusharrah est pour moi une vraie réussite: celle d'un roman intéressant et immersif qui fait écho aux problèmes liés à l'immigration climatique.