Donald Kane, historien et grand amateur de blues, reçoit une lettre d’une vieille femme prétendant détenir une petite boite contenant des objets personnels ayant appartenu à Robert Johnson le fameux bluesman. Elle se propose de la lui confier, s’il vient avec Virginia Craft, anthropologue. Tous deux acceptent avec empressement car la vie du musicien est pleine de mystères et ces objets pourraient en éclairer certains et faire le sujet d’une nouvelle biographie inédite. Mais quand la boite est ouverte, comme celle de Pandore, les ennuis s’en échappent…
Pour ceux qui ne sont pas familiers du blues, Robert Leroy Johnson (1911-1938) est une légende, un grand maître historique du genre, adulé et repris par tous les musiciens de rock. Il n’aura enregistré que vingt-neuf titres, mais tous devenus des classiques incontournables. Voilà pour les faits. Mais ce qui en fait une figure mythique, ce sont les à-côtés : une légende tenace voudrait que son succès soit la conséquence d’un pacte passé avec le Diable, signé à un carrefour de routes dans le Sud des Etats-Unis ; par ailleurs, sa mort par empoisonnement, laisse beaucoup d’inconnues, mari jaloux… ? Enfin, et c’est le sujet de ce roman, certains prétendent, qu’il aurait composé mais pas enregistré, une trentième chanson, le Graal pour tous les fans et historiens musicologues.
Kane et Craft, en ouvrant la boite, découvrent entre autres, un doigt momifié, un talisman maléfique et un carnet à l’écriture codifiée, révélant ce titre inédit. Mais dès lors, les forces des ténèbres se déchainent et des évènements improbables surviennent : des bluesmen de rues meurent, égorgés, les doigts de la main gauche tranchés, Kane est agressé, un flic très étrange s’occupe de ces meurtres, etc.
Le roman baigne dans une ambiance très Sud profond, genre Angel Heart, le film d’Alan Pakula (1987) avec Mickey Rourke et Robert de Niro, non pas à la Nouvelle Orleans mais à Memphis dans le Tennessee. Le thriller nous entraine dans une aventure fantastique faite de sorcellerie locale, talismans maléfiques, vieilles personnes possédant des pouvoirs secrets les liant avec l’au-delà…
Tous les faits historiques liés au blues et à Johnson sont exacts (à ma connaissance), l’auteur connait le répertoire de l’artiste sur le bout des doigts, disséquant les textes des chansons comme un égyptologue les hiéroglyphes égyptiens pour construire son assez réussi scénario qui s’achève sur une jolie pirouette finale.
Tout serait presque parfait mais hélas, l’écriture est assez faiblarde, maladroite, flirtant parfois avec le nunuche (Kane et sa vie personnelle ratée qui croise Craft, la séduisante anthropologue…). Et puis, est-ce la nationalité de l’écrivain mais certaines tournures de phrases m’ont paru étranges, et cette manie trop ostentatoire de forcer sur les américanismes, même s’il en fallait évidemment pour créer l’ambiance (juke joint, pawn shop etc.).
Bref, une bonne intrigue mais pas très bien vendue. En tout cas ça m’a permis de réécouter en boucle les titres du bluesman tout en lisant ce roman….
« Hagard, Kane était sonné comme ce boxeur qui avait reçu un coup de trop. Ce qu’il venait d’énoncer contredisait fondamentalement tout ce en quoi il croyait. Il venait d’écarter la raison au profit du mythe, le réel au profit de la superstition. Il venait de régresser à l’état de croyant terrifié. Mais il devait admettre l’évidence : le surnaturel et la magie s’infiltraient dans la réalité et l’influençaient, qu’il l’accepte ou pas. »