La familia grande – Camille Kouchner

“La familia grande” de Camille Kouchner est un récit bouleversant et édifiant sur l’inceste et le silence. Je n’étais pas spécialement attirée par cette lecture et puis le besoin de savoir, conjugué au hasard puisqu’on m’a offert ce livre, m’a poussé à le lire. Ce n’est pas nécessairement une lecture confortable mais j’ai mesuré combien elle était nécessaire. Thème : drame, récit, témoignage, inceste, pédophilie, secret de famille, famille recomposée, Camille Kouchner.   ☆ Résumé de l’éditeur   “« Souviens-toi, maman : nous étions tes enfants. » C.K. C’est l’histoire d’une grande famille qui aime débattre, rire et danser, qui aime le soleil et l’été. C’est le récit incandescent d’une femme qui ose enfin raconter ce qui a longtemps fait taire la familia grande.”   ☆ Pourquoi lire “La familia grande” de Camille Kouchner ☆ Pour qu’un crime ne reste pas impuni. ☆ Pour qu’on puisse dire “plus jamais ça”- Il faudra bien qu’un jour on ait nous aussi un “nunca más” en la matière, à l’instar de ces femmes en Argentine défilant pour perpétrer la mémoire de leurs époux et fils , pour qu’on n’oublie jamais les disparitions arbitraires dont ils ont été victimes.   ☆ Mon avis sur “La familia grande” de Camille Kouchner   Au départ tout commence bien. On peut dire que ces adultes aiment la vie, la vivre en grand et la partager. Cette grande maison de Sanary-sur-Mer, où l’été ils se retrouvent tous, la famille élargie aux amis, c’est ce qu’ils appellent “La familia grande”. C’est la liberté, les vacances, le soleil, les rires, la fête et la joie de vivre. Et puis peu à peu tout bascule. Des pas furtifs dans le couloir le soir, la porte du frère jumeau qui s’ouvre et se referme. L’horrible secret qui est tu. Par celui qui est abusé et par celle qui sait, Camille Kouchner. Un lent poison. Je reconnais que j’ai longtemps hésité à lire ce livre. Pour deux raisons : d’abord parce que ces histoires se ressemblent toutes dans leur horreur. L’autre raison, c’est que j’avais adoré le livre que Caroline Laurent a co-écrit avec Evelyne Pisier (“Et soudain la liverté”), c’est l’un de mes livres préférés, celui que j’ai le plus offert autour de moi et je n’avais pas spécialement envie d’être déçue. Mais à cause précisément de ces deux raisons, il fallait que je lise la confession de Camille Kouchner. Je ne pouvais pas rester entre les deux. Bien sûr il y a la déception mais elle est bien faible face à la force du témoignage de Camille. On comprend mieux les rouages pervers du silence. Les victimes qui ne veulent pas être marqués socialement de cette agression révélée, qui veulent oublier, Camille Kouchner qui sait mais qui ne veut pas réellement comprendre car elle aime ce beau-père flamboyant qui a pris la place de son père distant et colérique qui la terrorise. Et puis il y a la mère, Evelyne Pisier, qui ne veut rien voir, ni entendre, qui s’absente carrément à ses enfants pour s’enfermer dans sa propre douleur d’avoir perdu sa mère et ensuite leur reprochera d’avoir trahi et jamais ne quittera cet homme. Elle préférera rompre avec ses propres enfants. Des enfants qui protègent leur mère, avant eux-mêmes.   “Pour moi, les années qui ont suivi ont été des années d’alerte permanente. Des années de dédoublement, de dissociation. Des années de violentes contradictions. La colère n’est pas venue tout de suite. L’incompréhension a subsisté longtemps, suivie du silence, pour un moment, encore plus long. Les années qui ont suivi ont été des années de coupable adoration. Pendant toutes ces années, plus que me taire, j’ai protégé mon beau-père. Notamment lorsque mon frère a décidé de le stopper, lorsque Victor m’a dit qu’il tentait de le fuir: ”J’en ai rien à foutre de ce con, fais comme si de rien n’était. Fais-le, pour Evelyne. Lui aussi va se suicider et elle ne va pas le supporter.”   L’autre mythe qui tombe pour moi, c’est celui de découvrir le manque de chaleur de cet homme que j’admirais tant, qui est Bernard Kouchner et celui de Christine Ockrent qui manque d’une vraie générosité envers les enfants du précèdent mariage de son époux. Les mises à l’écart systématiques, la froideur qu’elle leur témoigne m’ont beaucoup déçue même si ce n’est pas le sujet du livre. Cela m’a fait penser que quelque soit le milieu social, il ne faut pas se fier aux façades affichées, les apparences sont trompeuses où que l’on se situe sur l’échelle sociale. C’est une histoire terrible que celle de cette famille et qui semble pactiser avec le drame avec le grand-père Georges, pétainiste et mari despotique que fuira la grand-mère pour vivre sa vie comme elle l’entend avec ses deux filles  : Evelyne et Marie-France. C’est l’histoire de ses femmes qui se battent pour être libres et qui sont rattrapées par la violence des hommes comme une malédiction. Le suicide de la grand-mère, la fuite d’Evelyne dans l’alcool et les abus de l’homme qui partage sa vie sur son fils, le secret qui empoisonna probablement par ricochet la vie de Marie-France qui elle-même, est morte dans de mystérieuses circonstances. Ce livre explique aussi comment ces hommes échappent à la justice, qu’elle soit judiciaire ou sociale. Le silence tenu trop longtemps les fait sortir du champ de la loi (délai de prescription qui s’est allongé depuis) mais aussi par l’effet de la complicité sociale car on “tolère” pour les hommes qui ont une situation élevée, ce qu’on ne qualifie pas de crimes, mais de simples débordements. Ce qui est choquant c’est qu’en libérant la parole, on réalise combien l’inceste, le viol comme la violence aux femmes et aux enfants sont commun et impunis. Je comprend la révolte et le dégoût qui peut tous nous saisir devant cette immobilité et cette façon de nier l’ampleur de celle-ci, devant ce système en lequel on croit et qui au final protège les agresseurs. Je vous ai mis pas mal de livres ci-dessous qui permettent de mieux comprendre tout ceci. Il fallait que Camille Kouchner parle pour libérer tout le monde et protéger ceux qui suivent. Un récit bouleversant.     ☆ Bilan de ma lecture   “La familia grande” de Camille Kouchner est un livre sensible et bouleversant. C’est un témoignage sur une enfance heureuse torpillée, sur le poids des secret qui tue à petit feu. A LIRE car il n’y a pas d’autre solution que les mots pour dire l’indicible, libérer et pouvoir espérer un jour que la honte ne sera plus du côté des victimes, mais du côté de ces hommes.♥♥♥   ☆ A lire aussi – idées lecture   Je crois que pour le moment, j’ai lu mon quota de témoignages sur la violence des hommes. Dans le même style, j’ai été retournée et édifiée par le témoignage de Giuila Foïs “Je suis une sur deux” que je vous invite également à lire. On a beau en savoir beaucoup sur le viol, ce qu’elle raconte de sa propre expérience est tout simplement sidérant. Bien évidemment, je ne peux pas ne pas citer “Le consentement” de  Vanessa Springora  (également récompensé par notre prix Femmes Prodigieuses) et ”La fabrique des pervers” de Sophie Chauveau que Camille Kouchner a d’ailleurs cité dans sa prise de conscience qu’il lui fallait écrire leur histoire pour contribuer à y mettre fin. A lire aussi “Le berceau des dominations “ de Dorothée Dussy qui décortique les mécanismes complexes de l’inceste dans les familles et bien évidemment et ABSOLUMENT, le féministe essai “King Kong théorie” de Virginie Despentes, qui est également un formidable outil d’amorce de la résilience pour toutes les femmes qui ont connu la violence des hommes. Dans la série des romans sur le secret et le viol , je pense à “Je me suis tue” de Menegaux et au “Le malheur du bas” d’Ines Bayard.     Les livres témoignages ou romans sur ces sujets vous intéressent ?     ACHETER SUR AMAZON  / LES LIBRAIRES