Une jolie maison de bord de mer, une atmosphère paisible, un lieu idyllique propice à la création, pensez-vous… Pourtant Luc, écrivain, se désole de n’avancer guère dans son roman. Depuis neuf mois, il partage la vie d’Édith, membre des forces spéciales de l’armée. À mille lieues l’un de l’autre, ils finissent par se séparer. Chacun poursuit sa route jusqu’au jour où Édith resurgit chez Luc, gravement blessée lors d’une opération qui a mal tourné et le supplie de l’héberger et la cacher le temps de se faire oublier.
Les voilà réunis à nouveau, obligés de partager une vie commune qu’ils avaient abrégée par trop de différences, Luc recherchant la sérénité, la quiétude lui permettant d’écrire et Édith, gonflée d’adrénaline, qui s’ennuyait avec ce compagnon en quête de paix intérieure.
À tour de rôle, chacun y va de son combat quotidien, entretient ses petites querelles. Et plutôt que de se soutenir mutuellement, ils deviennent adversaires, presqu’ennemis… Et entre deux batailles, ils ne s’octroient aucun répit.
Une fois encore, la thématique de la relation homme-femme est abordée et l’auteur n’arrive pas à sortir de cette sempiternelle question : comment parler d’amour quand deux personnalités qui ne partagent rien dans la vie, si ce n’est un toit, s’entrechoquent et finissent par fléchir par trop de discordances. La plume, toujours aussi talentueuse de Philippe Djian, mêlant humour, dérision et un style narratif qui sommes toutes ne déplaît pas, convainc le lecteur de se laisser porter jusqu’au bout par cette histoire de couple tumultueux.
Ainsi, on se prend à trouver plutôt sympathique ce couple décalé et l’on en arrive même à s’apitoyer sur le sort de cette femme aux gros bras, victime d’un ennemi redoutable la mettant en péril et venue se réfugier chez son ex, tendre et délicat, à la recherche des mots évanouis dans les tréfonds de son âme, de quelques paragraphes échoués sur une page désespérément blanche…
Le récit, qui ne laissera certes à ma mémoire qu’un simple souvenir fugace, m’a donné néanmoins un vrai plaisir de lecture.
À lire… Pour les narrations toujours efficientes sous la plume de Philippe Djian, pour les situations parfois loufoques qui mettent les héros dans l’embarras, pour l’humour distillé en filigrane, pour les protagonistes tantôt attachants, tantôt agaçants…
N.B : Un « double Nelson », c’est une prise de soumission qui consiste, dans un match de catch, à faire abandonner l’adversaire. Mais on peut aussi s’en servir dans une relation amoureuse.
Double Nelson de Philippe Djian, éd. Flammarion
Date de parution : 25 août 2021