" Pendant une grande partie de sa vie ma mère a vécu dans la pauvreté et la nécessité, à l'écart de tout, écrasée et parfois même humiliée par la violence masculine. Son existence semblait délimitée pour toujours par cette double domination, la domination de classe et celle liée à sa condition de femme. Pourtant, un jour, à quarante-cinq ans, elle s'est révoltée contre cette vie, elle a fui et petit à petit elle a constitué sa liberté. Ce livre est l'histoire de cette métamorphose. " É. L.
C'est ma première écoute d'un audio-livre, pour cela j'ai choisi un roman très court (1h37 d'écoute) d'un auteur dont je connaissais déjà le style pour avoir lu et apprécié le remarqué En finir avec Eddy Bellegueule. Tentative réussie, je suis parvenue à rester concentrée sur mon écoute grâce à la voix de l'actrice franco-suisse Irène Jacob. une voix capable de retranscrire la sensibilité d'Edouard Louis et qui s'adapte également au ton de la mère lorsque l'auteur lui laisse la parole.
L'œuvre d' Edouard Louis est autobiographique, il a grandi dans une famille défavorisée de la Somme, où il a reçu une éducation des plus abjectes, mais il est intelligent, hypersensible et doté d'une farouche volonté de s'en sortir. Il parviendra à poursuivre de hautes études à Amiens, avant de publier son premier roman dans lequel il raconte sa terrible enfance, son désir de s'émanciper et d'assumer son homosexualité. Suivent Histoire de la violence (dans lequel il relate le viol subi à l'adolescence) et a tué mon père? (dimension politique pour un livre-hommage à son père), que je n'ai à regret pas encore lus.
Combats et métamorphoses d'une femme se compose de huit chapitres, que j'ai trouvé assez inégaux. Le premier est magistral et m'a beaucoup marquée. Tout commence par un autoportrait photographique de sa mère, jeune, plutôt jolie, dont le visage reflète les rêves et les espoirs. Une femme qui a des projets, souhaite étudier et travailler mais qui se retrouve mariée à 18 ans et déjà mère de 2 enfants à 20 ans. Rêves vite brisés : divorcée à 23 pour échapper à un homme alcoolique et violent. Schéma classique et qui se répète quelques années plus tard. Le petit Eddy est alors témoin de la vie gâchée de cette mère, qui subit les violences, les brimades, les humiliations d'un homme monstrueux. Elle est trop faible et maltraite ses enfants par désarroi, par épuisement. Grâce au récit de vie, aux moments choisis, on ressent parfaitement l'ambivalence des sentiments que l'enfant éprouve pour elle : il a honte de ce qu'elle est mais il comprend l'injustice dont elle est victime, il la rejette mais regrette de ne pas l'avoir aider plus que cela, il se sent coupable d'être une des causes (avec les autres enfants) de sa déchéance. Elle pense qu'elle n'a pas le choix et s'emprisonne malgré elle dans un engrenage de misère.
L'intensité du premier chapitre faiblit par la suite, le récit m'a semblé parfois assez creux, mais l'ensemble résonne comme une sorte de tentative de réhabiliter une mère défaillante. Je n'ose pas trop m'avancer puisque je n'ai pas lu les deux livres intermédiaires, mais j'ai l'impression que les trois derniers romans de l'auteur sont une tentative de se justifier de l'écriture du premier, et une volonté de se racheter auprès de ses parents, après les avoir volontairement trainés dans la boue. Ce n'est pas péjoratif, l'auteur semble vouloir retranscrire la réalité, aussi dure et cruelle soit-elle. C'est réussi.
Je remercie Audiolib et Netgalley de m'avoir accordé cette écoute.