Auteur : Sergueï Bonal
Éditions : Evidence Editions
Paru le : 17 Septembre 2021
357 pages
Thème : Polar
disponible sur le site de l'éditeur
et sur Amazon
Ma note : 17/20
Résumé
« Ivan Krauss, fonctionnaire de police à Saint-Pétersbourg, en proie à la mélancolie et la dépression, est chargé d’une enquête plus que surprenante. Un corps sauvagement mutilé est retrouvé sur le lac Baïkal.Pour élucider ce mystère, Ivan va devoir renouer avec son passé.
Chacune de ses décisions le pousse inexorablement vers une vérité qu’il tente d’enterrer depuis trop longtemps.
Une chasse aux indices commence. Tout converge vers un même point : un vieil orphelinat abandonné. Chaque seconde compte, d’autant que l’assassin laisse volontairement des traces sur ses victimes : des prénoms gravés. »
Ma chronique
Je remercie Jennifer ainsi que la maison d'éditions Evidence pour cette lecture !
Par ce temps froid pour ne pas dire glacé, nous allons faire un petit tour en Russie. Une bonne partie de l'intrigue s'y passe, quelques instants en France et en Angleterre, mais nous sommes essentiellement en plein désert glacial. Du départ le ton est donné : un homme en traîne un autre (ou une autre), le sang s'écoulant paisiblement sur la neige. Le cadavre sera dépecé et disposé au gré de celui qui a un but précis. Un corps découvert en pleine nature, la police russe va avoir besoin de renfort. Dans le même temps, un homme s'immole devant Ivan Krauss, un policier qui ne vit plus que de déboires depuis des années. Des souvenirs d'enfants perdus dans un orphelinat où personne n'aurait dû y laisser un enfant qui font mal. Des adultes qui ont un passé tumultueux, secrets, noirs comme la nuit, sombre tel un café amer du matin. Un crime impuni, de vieilles enquêtes qui risquent de se rouvrir, des personnages qui en ont tellement vu que l'avenir semble tout sauf radieux. Attention, vous risquez d'y prendre gout !
Les chapitres sont courts d'une part et d'autre part ils sont vus par de nombreux personnages (un à la fois). Nous suivons donc Ivan, mais aussi Igor, Anna, Elena, Yuri, Vik, Guenadi, Alexandre entre autre. Si certains ne font que passer, d'autres sont bien présents. Le lien est assez facile à découvrir pour quelques personnages, l'orphelinat, mais jusqu'où peut aller l'horreur ? Jusqu'où des personnes peuvent fermer les yeux, ne pas voir, ne pas entendre, laisser faire ? Une vieille affaire qui remonte à loin laissant des traces indélébiles en chacun d'entre eux. Vivants dorénavant tels des adultes, ces années ne sont pas toutes effacées. Des protagonistes vivent avec le remord, les regrets, la haine, tandis que d'autres ont tout simplement occulté ce pan de vie. Le passé n'est pas toujours bon à remuer, mais lorsqu'un homme se tue devant un autre en insinuant que la mot de son fils est toujours sans espoir de retrouver l'assassin, même encore à moitié endormi et bourré cela va faire un électrochoc.
Une enquête qui n'en était pas une au départ et qui le devient pour Ivan. Il n'écoute que rarement son supérieur, vivant en autarcie dans son sous-sol mité, cherchant des indices pour des enquêtes que plus personne ne veut et par dessus tout, il aime boire jusqu'à ne plus rien ressentir. Un mal-être qui le suit depuis des années. C'est un homme qui a souffert et qui va encore souffrir. Il ne cesse de ressasser son passé, dénigrant tout sur son passage, mais c'est un bon enquêteur avec des méthodes plus que moyennes. Ce qui le sauve ? Le fait qu'il est capable de mentir plus vite que son ombre et les résultats qu'il obtient malgré tout. Les cadavres se planquent facilement à défaut de monter un léger bateau, qu'importe ce qu'il peut advenir, Ivan est ce type d'homme qui n'a pas froid aux yeux pour obtenir réparation pour les survivants. Et dans cette affaire, il faut avoir le cœur serré, tout comme l'estomac ! Le summum ? On lui refile un bleu qui veut faire ses preuves, Jérémiah. Entre le trop sentimental et le pas assez, entre la jeunesse et la fougue qui reste dans les clous et un vieux loubard qui fonce à l'instinct, certaines scènes sont tout simplement magique !
Concernant les personnages, il y en a pas mal et le fait que les chapitres soient courts ne nous permet pas toujours de suivre comme nous le désirions. C'est le petit bémol que je retiendrais du récit. Dans l'autre sens, des chapitres courts nous donnent ce sentiment d'urgence, car un mort, et un autre et probablement un ou plusieurs enlèvements, il faut aller vite et bien. Elena qui va avoir un bébé, un mari aimant qui le veut se bébé, disparait dans la nature sans explications. La maison est en dérangement, est-elle partie seule ou forcée ? Yuri qui la recherche sans relâche et cette bombe qui nous tombe dessus ! Le hasard ? fait bien les choses, étrangement les événements font que les anciens se retrouvent comme pour une soirée des anciens étudiants, sauf que la mort est au bout. On se doute de qui serait derrière tout cela, sans savoir lequel d'entre eux. En parlant de secrets ils sont véritablement sombre et il faut lire jusqu'au bout pour comprendre la noirceur du monde dans lequel nous vivons. L'auteur ne s'arrête pas à l'orphelinat, mais va plus loin et cela en est effrayant, l'épilogue nous le prouve.
La vie de chacun des personnages est amenée à ce que nous comprenions ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils vivent encore. Anna, Igor, surtout Igor qui a besoin d'aide, sa femme préférant lui cacher des choses pour l'aider. Des parents qui se taisent pour le bien ou par peur ? Comment un enfant peut vouloir mourir dès son réveil ? Vik... Vik en somme ! Et puis des noms qui reviennent, une porte rouge qui donne des frissons dont tout le monde se passerait bien. L'intrigue m'a beaucoup plu avec ces liens que nous imaginons et ceux qui se font sous nos yeux, pas vrai Jeremiah ? Passer du côté obscur ne fait peur à personne. Le côté policier je fais ce que je veux sans vraiment craindre une tape sur les doigts m'a paru étrange, mais quelques détails sont là pour aller dans ce sens. Je ne parlerais pas des autres personnages qui sont dans le fondement du livre, ils sont à découvrir et à s'attacher pour certains.
En conclusion, une histoire intense, froide, chirurgicale presque dans un pays peu connu. De nombreux personnages qui ont tous quelque chose à cacher, à découvrir, à montrer. Le mal n'est pas uniquement physique, il atteint également les âmes profondément, jusqu'à l'irréparable !
Extrait choisi :
« Depuis qu’elle avait été adoptée, elle n’était jamais retournée à l’orphelinat, l’idée même de devoir se confronter à son passé l’effrayait. En allant voir Albertovna, Anna passa devant l’immense bâtiment aux briques rouges, sinistre et maintenant à l’abandon, nourri d’horreur et de mauvais souvenirs. Elle revit les pires moments, elle entendit les pleurs, les cris qui venaient du sous-sol. Heureuse de s’en être sortie vivante, elle avait cependant honte. Honte d’elle de ne pas être intervenue, ou seulement de ne pas avoir tenté d’aider ses camarades ; comme beaucoup, elle avait préféré ne rien voir. Tous les enfants savaient ce qui se passait dans les profondeurs de l’orphelinat, mais aucun n’osait en parler de peur de se retrouver à la place des victimes. Au moment où elle avait quitté l’orphelinat, celui-ci lui paraissait plus grand, plus terrifiant. Pourtant, même si les fenêtres brisées et les murs ternis donnaient un aspect horrifique, elle ne le voyait plus de la même...»