L'héritage, tome 4 : L'héritage - Christopher Paolini

L'héritage, tome 4 : L'héritage - Christopher PaoliniL’héritage4, Christopher Paolini

L’héritage

 Editeur : Bayard Jeunesse

Nombre de pages : 888

Résumé : Il y a peu encore, Eragon n’était qu’un simple garçon de ferme, et Saphira, son dragon, une étrange pierre bleue … Depuis, le sort de plusieurs peuples repose sur leurs épaules. De longs mois d’entraînement et de combats, s’ils ont permis des victoires et ranimé l’espoir, ont aussi provoqué des pertes cruelles. Or, l’ultime bataille contre Galbatorix reste à mener. Si le jeune Dragonnier et sa puissante compagne aux écailles bleues ne trouvent pas en eux-mêmes la force d’abattre le tyran, personne n’y réussira.

- Un petit extrait -

« Eragon se passa une main dans les cheveux. Il se sentait vidé :

- Pourquoi tout est-il si difficile ?

- Parce que tout le monde veut manger, mais personne ne veut être mangé. »

- Mon avis sur le livre -

 Ainsi que vous l’aurez surement remarqué, je suis vraiment du genre à lire les sagas d’une seule traite, à la fois parce que je déteste quitter un univers une fois que je suis plongée dedans et parce que je tiens à n’oublier aucun petit détail entre chaque tome … Et pourtant, ma (re)lecture des trois premiers opus de la saga remonte à un peu plus de deux ans maintenant, ce qui semble à la fois très court et très long : assez court pour se souvenir vaguement des grandes lignes de l’intrigue mais assez long pour craindre d’avoir oublié le plus important et se sentir totalement perdue ! Il faut dire qu’enchainer quatre énormes pavés de huit-cent pages environ, ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus évident, surtout lorsque vous trimballez votre lecture en cours partout où vous allez … plus besoin de faire du sport ! Poussée par plusieurs challenges, une lecture commune et l’envie de (re)découvrir enfin la fin de cette fabuleuse saga qui a bercé mes années collèges, j’ai pris mon courage à deux mains et me suis enfin décidée à sortir cette belle brique de son étagère, tiraillée entre la joie de retrouver Eragon et ses compagnons pour l’aboutissement de toutes leurs aventures et la peine de devoir leur dire au revoir (voire même adieu) à la fin de l’ouvrage …

Jour après jour, semaine après semaine, la même routine immuable : bataille après bataille, ville après ville, les Vardens gagnent toujours un peu plus de terrain et se rapprochent inexorablement de la capitale où se terre le despote Galbatorix et son dragon. Mais la fatigue prend petit à petit le dessus sur l’exaltation de la reconquête de la liberté et les troupes se découragent progressivement, vaincues par la monotonie et la dureté des combats quotidiens. Eragon lui-même redoute l’heure fatidique de l’ultime confrontation : comment pourra-t-il vaincre le roi, qui a eu des centaines d’années pour s’entrainer et se perfectionner, alors qu’il n’est même pas capable de tenir tête à Murtagh, pourtant Dragonnier depuis moins longtemps que lui ? Alors que tous les espoirs de tous les peuples reposent sur ses seules épaules, le jeune homme sent qu’il n’y parviendra pas tout seul. Poussé par une intuition qu’il ne s’explique pas, Eragon s’en remet aux propos énigmatiques du chat-garou Solembum : « Quand tout se semblera perdu, quand ton pouvoir te semblera inefficace, rends-toi au Rocher de Kuthian et prononce ton nom : il t’ouvrira la Crypte des Ames » … Laissant derrière eux les combats incessants, Eragon, Saphira et leur maitre Gaeldr se lancent dans un audacieux voyage vers l’île ancestrale des Dragonniers, sans savoir ce qui les y attend. Et ce qu’ils vont y trouver pourrait bien changer le cours de la bataille, mais plus encore de l’histoire …

Après ma petite déception à l’égard du troisième opus, je dois bien avouer que j’avais un peu peur de ce qui m’attendait dans ce dernier tome : allait-on subir une fois encore ces interminables longueurs, ces passages sans aucun autre intérêt que de gonfler artificiellement le nombre de pages, allait-on encore une fois tourner en rond comme un poisson rouge dans son bocal, attendant que l’auteur daigne nous donner quelques éléments palpitants à nous mettre sous la dent ? Fort heureusement, il semblerait que cette fois-ci, Christopher Paolini avait réellement quelque chose à nous raconter : malgré ses presque neuf-cents pages, ce volume reste palpitant du début à la fin ! Alors bien sûr, je ne vais pas mentir : certains passages m’ont plus plu que d’autres, et certaines m’ont plus ennuyée que d’autres, mais d’une manière générale, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, et chaque fin de chapitre me donnait irrésistiblement envie d’en lire « encore un de plus » ! Et c’est bien cela que je cherche lorsque je me plonge dans un ouvrage, dans une saga d’heroic fantasy : je veux me sentir totalement et complétement happée par l’histoire, ressentir au plus profond de mon être que quelque chose de terriblement important est sur le point de se jouer devant mes yeux, avoir le cœur qui bat la chamade lorsque tout semble perdu ou que l’ultime face à face tant attendu arrive enfin …

Car cette fois-ci, plus de doute possible : les choses s’accélèrent comme jamais, et la grande confrontation que nous attendons depuis le tout premier tome est plus imminente que jamais. Mais Eragon n’est plus l’adolescent survolté qu’il était quelques années auparavant : s’il reste relativement impulsif (mais c’est un garçon, ça fonce dans le tas avant de réfléchir, un garçon), il a désormais pleinement conscience de ses faiblesses et sait qu’il n’est pas de taille à faire face au roi. Mais il sait aussi qu’il n’a pas le choix : tant de vie dépendent de lui, tant de gens ont mis toute leur confiance et tous leurs espoirs en lui. Bien qu’agaçant par moment (lorsqu’il tourne autour d’Aryia, par exemple, alors que ça crève les yeux qu’il s’obstine en vain), Eragon m’a plus d’une fois fait beaucoup de peine dans ce tome : au fond, il n’est encore qu’un gosse sur lequel on fait peser une responsabilité qui le dépasse, qu’on envoie en première ligne comme on mène un agneau à l’abattoir. Et malgré tous ses défauts, il faut bien reconnaitre que notre jeune héros ne recule jamais devant cette tâche titanesque : même s’il doit donner sa vie pour cela, il libérera l’Alagaësia des chaines qui l’entravent, pleinement convaincu qu’il est le seul et l’unique à avoir l’ombre d’une chance de vaincre Galbatorix. On peut y voir une part d’arrogance, mais j’y vois surtout un sens profond du devoir et du sacrifice, à la limite du fatalisme.

Il faut dire que, tout comme Eragon, nous avons de plus en plus le sentiment que tout est perdu, que le Bien ne triomphera jamais du Mal, que la lumière ne parviendra plus jamais à percer le cœur des ténèbres. A chaque fois que nous avons une infime lueur d’espoir, nous découvrons une nouvelle facette de la toute-puissance de Galbatorix, et alors nous finissons par songer qu’il n’y a plus rien à faire : comment diable notre petit Dragonnier encore tout empli de jeunesse et d’inexpérience pourra-t-il tuer cet homme si talentueux dans sa folie-même, si persuadé d’agir pour le bien de tous qu’il ne recule devant rien pour aboutir à ses fins ? C’est d’ailleurs pour cela que nous accueillons la fabuleuse révélation de ce tome avec une joie qui dépasse tout ce que les mots peuvent exprimer : bien sûr, en tâchant d’être plus objectif, cela a tout du deus ex machina, mais pris que nous sommes par l’intrigue, nous n’en avons que faire. Tout ce que nous voulons, à ce stade, c’est la victoire d’Eragon et de ses compagnons, c’est la défaite de Galbatorix. Le « comment » nous importe finalement que très peu : le Bien doit gagner, et nous accueillons toute aide, même inespérée et impromptue, avec les bras grands ouverts. Chapitre après chapitre, la tension monte, jusqu’à devenir tout bonnement insupportable, jusqu’au fameux moment que nous attentions avec crainte et impatience : LA confrontation. Le point de non-retour.

Et c’est là que, peut-être, certains seront déçus : je reste persuadée que certains lecteurs trouveront cette bataille trop brève, trop « facile » même. Mais pour ma part, c’est tout le contraire : je l’ai trouvé d’une puissance, d’une intensité rare. Car pour vaincre ce tyran qui reste un génie malgré l’ampleur de sa folie, qui a su trouver ce qu’aucun autre magicien, même parmi les plus illustres, n’a pu ne serait-ce qu’effleurer, Eragon va vite comprendre qu’il ne peut ni ne doit mener une bataille ordinaire. Et voilà qu’au moment où on s’y attend le moins, au moment où nous avons le sentiment d’être dans la plus obscure et inextricable des impasses, Eragon nous surprend : il a compris que le véritable combat ne se fera pas par les armes ou même par la magie, mais purement par l’esprit. Eragon va attaquer Galbatorix au plus profond de son être, et c’est drôlement bien trouvé (même si je sais que certains lecteurs ont trouvé ça « mièvre », qualification que je n’aurai jamais songé à utiliser vu la violence de ce procédé) ! Et quand arrive la libération, ce moment où l’on comprend que ça y est, tout est fini, on ne peut s’empêcher de souffler de soulagement. Pas encore de joie, seulement de soulagement. Pas de joie, car on se rend bien compte que derrière cette victoire, il y a encore bien des plaies à panser. Pas de joie, car on sait très bien ce que cette victoire signifie : c’est la fin de l’histoire.

En bref, vous l’aurez bien compris, ce dernier opus est tout simplement excellent et clôture en toute beauté cette saga qui, malgré quelques longueurs, n’en reste pas moins une fabuleuse épopée de fantasy comme on n’en trouve que trop peu ! Quelle incroyable aventure nous avons vécu aux côtés d’Eragon, de Saphira, d’Arya et de Roran ! Nous avons ri, pleuré, tremblé, rêvé. Et c’est d’ailleurs pourquoi, derrière l’immense joie de voir notre jeune Dragonnier triompher de Galbatorix, mal incarné, il y a surtout cette immense douleur : celle de devoir quitter ces personnages qui sont devenu de véritables compagnons de route, celle de devoir quitter ce monde que nous avons appris à connaitre et apprécier. Celle, surtout, de devoir les quitter alors même que rien n’est réellement terminé : c’est la fin d’une ère, certes, mais surtout le début d’une nouvelle. C’est la fin d’une histoire, mais nous avons le sentiment que ce n’est finalement qu’un commencement, un recommencement. C’est un vrai crève-cœur que de devoir les laisser au moment même où tout semble possible, où des perspectives autrement plus vaste que la « seule » lutte contre un despote s’ouvrent : on a le sentiment d’être laissé de côté alors même que les choses devenaient pleinement intéressantes ! On a tellement envie de « participer » à la reconstruction de ce monde, mais surtout de ces héros qui ont tant souffert et qui souffrent encore … Une fin plutôt ouverte, donc, qui laisse une frustration mais aussi un espoir.