Là où vont nos pères est un roman graphique exceptionnel, de toute beauté, sans dialogues, sans mots écrits.
Avec un scénario impeccable, Shaun Tan dépasse tous ses objectifs : rendre son propos compréhensible par tous et toutes en situant son univers dans un monde futuriste (pas de risque ainsi de fâcher tel ou tel pays, telle ou telle nation, tel ou tel régime totalitaire), en dépassant la barrière de la langue (pas de mots écrits donc pas de traduction), en rendant hommage à tous ceux et toutes celles qui ont fait preuve d’un courage immense de tout abandonner (souvent en raison d’un conflit armé ou d’une menace, représentée par des allégories tantôt animalières tantôt d’objets - bottes, corne de brume, pelle etc-) dans l’espoir d’un avenir meilleur.
Shaun Tan arrive à nous faire ressentir le sentiment d’abandon et d’extrême nouveauté d’un expatrié : celui de s’immerger brutalement dans une culture inconnue, sans repères, comme un jeune enfant qui apprend à marcher, à parler etc. Tous les codes y sont nouveaux (l’envol vers un territoire inconnu, les moyens de transport, le tri postal…), les références historiques y sont nombreuses (Ellis Island, la seconde guerre mondiale). Seul dans ce monde, le héros migrant en rencontre d’autres chargés d’une autre histoire, d’un autre passé, d’un autre idiome : les échanges se font avec les mains, avec les dessins.
Là où vont nos pères (au titre sensationnel) est une splendeur graphique d’un onirisme formidable : les traits sont précis à la limite de la photographie, l'univers créé et les bâtiments dessinés et repensés- tout est foncièrement génial- le scénario est impeccable -on y voit le parcours, la recherche d’un logement, d’un emploi, les petits boulots, les anecdotes -. Tout est suggéré, parfaitement orchestré et d’une infinie poésie tout en gardant un propos profond avec une fin superbe (l’expatrié transmet à son tour).
Quelques images incroyables : une pétanque lunaire, une fleur pour illustrer les saisons et le temps qui passe.
Un roman graphique exceptionnel qui est paru en 2006, a reçu le Fauve d’Or d’Angoulême 2008 à juste titre, à découvrir d’urgence pour ne pas oublier que notre pays a été et doit rester une terre d’accueil.
Editions Dargaud
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