On remonte le temps jusqu'en 1919, pour faire la découverte du professeur Armitage, dans ce qui constitue le premier tome de Arkham Mysteries, sortie de la semaine chez Soleil. Seth Armitage, donc, est un spécialiste des cultures étrangères, et de tous leurs mystères, de leurs cultes inconnus ou abandonnés. Il enseigne à Harvard, mais pour lui, aider un ami dans le besoin est plus important qu'une carrière, aussi brillante soit-elle. C'est pourquoi il s'embarque pour la Chine, puis la Mongolie, lorsqu'il reçoit un courrier d'un de ses collègues en difficulté, contre l'avis du doyen. L'infortuné avait déjà été remercié par cette même direction, qui n'appréciait pas sa marotte, la recherche spasmodique d'une ancienne civilisation asiatique qui aurait précédé l'homme. Armitage est aidé (en apparence) dans sa mission par un contact chinois, spécialiste du trafic d'opium, qui met à sa disposition ressource et savoir pour lui permettre de progresser dans sa quête. Et le pire, c'est que ça marche! Une fois débarqué à Ulan Bator, notre enseignant est tout de suite sur une bonne piste, qui lui permet de non seulement s'aventurer dans une contrée où personne d'autre ne désire pénétrer, mais aussi de retrouver le malheureux disparu. Qui n'est pas dans son assiette : déshydraté, en proie au délire et à des cauchemars récurrents, il préfère même se tirer une balle dans la tête plutôt que de supporter l'idée d'avoir attirer Seth sans le savoir, dans un piège diabolique. C'est d'autant plus troublant et perturbant que celui-ci est agressé par des forces obscures, tombe dans un sommeil/coma de quelques jours, et se réveille avec un énorme tatouage/horoscope cabalistique sur le dos, qui n'est pas sans rappeler la légende de Chtulu et ses monstrueux tentacules. Et encore, nous ne sommes à qu'aux prémices d'Arkham Mysteries, qui va pouvoir vraiment commencer...
Richard Nolane prend donc tout le temps qui lui semble nécessaire pour poser les bases de son récit. Le premier tiers de cet album est alors le parcours d'un homme, brillant enseignant, qui a le tort de vouloir être altruiste, et part à la rencontre de son destin, qu'on devine être assez mouvementé. Lorsque Armitage est de retour de son périple, plus personne ne veut de lui, et pour continuer à exercer, il va lui falloir se transférer dans la contrée pas si riante d'Arkham, au cœur du Massachussetts, en plein hiver. Là il va faire la rencontre de celle qui va l'assister dans ses recherches, ou devrait-on dire dans son enquête, à savoir Skylark, la responsable du quotidien local. Il pressent qu'il est manipulé depuis le départ, mais tâtonne toujours dans le brouillard. Au sein de la maigre rédaction du journal, on trouve aussi un journaliste pas comme les autres, en la personne de Howard Phillips Lovecraft. Le célèbre auteur de récits fantastiques est alors chargé des dépêches en provenance de Providence, et sa connaissance des arcanes de la démonologie et de tout ce qui a trait à l'horreur seront, on l'imagine, précieuses pour les rebondissements à venir. Manuel Garcia est un dessinateur au diapason et au service de la trame. Ses planches sont richement fouillées et soignées, et la présence de forts contrastes, d'une pénombre qui mange souvent en partie les visages et les corps, entretiennent un climat malsain. Au terme de ce premier tome, le lecteur est intimement averti qu'il se trouve face à une complexe machination où des créatures horrifiques rampent et prospèrent dans l'ombre, pour autant nous sommes encore très loin de la résolution de l'histoire, et l'essentiel à venir appartient au domaine du possible, de la suggestion, plus que de la représentation. En gros, si vous avez aimé le ton et l'ambiance de ces pages, que l'apéritif a aiguisé votre appétit, ne manquez pas surtout pas le plat de résistance. Une nouveauté de cette semaine, chez Soleil, qui mérite vraiment que vous lui donniez une chance.
