A.d after death : un remède à la mort

Par Universcomics @Josemaniette
A.D After Death est avant tout une fascinante opération de narration, avec une histoire divisée en trois gros chapitres, et racontée en alternant prose et bande-dessinée. Scott Snyder se lance dans une aventure audacieuse, celle d'un monde où le remède à la mort a été trouvé, permettant ainsi aux êtres humains de vivre presque éternellement, mais à condition d'en payer le prix. Le scénariste a recours au journal intime d'un certain Jonah Cooke, pour nous livrer une vision intimiste et personnelle de ce qui s'est produit, des années d'enfance du protagoniste, qui assiste impuissant à la maladie de sa mère (qui se manifeste au départ par des malaises subits et impressionnants) au moment où la situation s'emballe, et l'humanité se découvre en péril. Relire cela au moment au on claironne 200 000 cas de covid 19 journaliers en France, ça donne des suées. Snyder a le mérite de vraiment soigner la prose, le texte, qui par endroits recèle de véritables trouvailles pertinentes, des petites phrases ou des réflexions intelligentes et marquantes, mais il est souvent contraints de diluer sa pensée dans une profusion de détails sensoriels ou cognitifs qui peuvent perdre le lecteur de passage. After Death exige une attention de tous les instants, et a été conçu comme un roman dont les différentes parties sont fragmentées par des passages dessinés, confiés à Jeff Lemire. Celui-ci reste fidèle à sa veine poétique et sensible, avec un trait en apparence grossier ou caricatural, qui privilégie l'émotion, une forme de tristesse existentielle qui s'unit à merveille avec le discours de Snyder, et une mise en couleur à l'aquarelle qui peut sembler, sur certaines pages, de toute beauté. A un certain moment il est même question de l'invention d'une nouvelle couleur, et on pourrait y croire, tant Lemire est persuasif, avec trois fois rien.  Jonah Cooke est en permanence obliger de noter dans des carnets tous les instants importants de sa (longue) vie, car la perte de mémoire, le passé qui revient, encore et encore, comme une boucle, et l'impossibilité d'en tirer de vraies leçons, sont au centre de cet ouvrage. L'écriture est alors le moyen de sauver le monde, notre monde intérieur, celui qui se délite et s'effiloche, dès lors que l'éternité nous tend les bras, qu'il n'existe plus de temporalité humaine pour scander les ans, et nous rapprocher d'une fin qui nous fait apprécier et jouir du (bref) parcours. Passé et présent finissent par se recouper, se confondre, dans un jeu de piste narratif qui trouve une explication rationnelle à la toute fin, avec en définitive une importance moindre attachée au remède à la mort en lui-même, et ses implications sociales et scientifiques. C'est une interrogation existentielle qui irrigue cette œuvre insolite, qui la dirige vers des sommets poétiques sur certains points, et la rend si aride sur d'autres. On regrettera juste que les illustrations de Lemire, dans les parties en prose, se contentent de donner dans la redondance, ou la figuration minimaliste, plutôt que de magnifier un texte en soi soigné. A.D After Death a toutes les chances de vous dérouter, éloigner, ou ensorceler. Une expérience de lecture à tenter, qu'on se le dise! 
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