Lance Weller : Le Cercueil de Job

lance wellerLance Weller, né en 1965 dans l'Etat de Washington, est l’auteur de plusieurs nouvelles qui lui ont valu diverses récompenses littéraires. Après deux excellents romans, Wilderness (2012) et Les Marches de l’Amérique(2017), Le Cercueil de Job est son dernier ouvrage.

Durant la guerre de Sécession (1861-1865). Bell Hood, une très jeune esclave est en fuite, elle tente de rejoindre le Nord - « l’Union » - d’Abraham Lincoln qui souhaite l’abolition de l’esclavage. De son côté, Jeremiah Hoke, soldat de l’armée Sudiste a réchappé, mais dans un sale état, de la bataille de Shiloh. Leurs deux chemins avancent en fausses parallèles qui finiront par se rejoindre dans une apothéose dramatique…

Pourquoi ai-je différé la lecture de ce roman ? Je ne sais pas, une lubie saugrenue, d’autant que j’avais aimé les précédents bouquins de l’écrivain. Une erreur n’en est plus une quand elle est réparée, et sacrebleu il y avait intérêt à ce qu’elle le soit !

Ecartons d’emblée les préjugés malvenus qui pourraient en bloquer certains : oui le roman est dense, oui la chronologie nous joue des tours, oui des faits ne trouveront leur explication que plus tard dans le récit, oui j’ai eu le sentiment parfois, surtout dans les débuts, de suivre une histoire contée sur un ton monocorde, défaut ou qualité (?) créant un effet hypnotique. Au final, vous avez-là un roman sensationnel, de bruits et de fureur, d’une grande beauté littéraire où l’horreur et l’émotion vous emportent dans un souffle irrésistible vers une apothéose sublime.

L’idéal serait que je m’arrête là, que vous découvriez par vous-même tous les évènements du livre, donc je vais tenter d’être succinct. Ce n’est que le livre refermé qu’on peut en remettre la chronologie dans le bon ordre avec les explications qui vont avec : Toute l’histoire part d’un drame insoutenable affectant Bell Hood qui la poussera à l’évasion ; Hoke, quant à lui, soldat Sudiste, est rongé par le remord et le doute, il a commis un geste terrible qui le damne pour l’éternité et au fond de sa conscience une petite voix indistincte lui dit que l’esclavage et le sort réservé aux Noirs sont répréhensibles. La bataille de Shiloh l’a privé de la majorité de ses doigts, une punition corporelle qui n’est rien en regard de sa souffrance morale. Lors du carnage final durant la prise de Fort Pillow, devenu camp d’esclaves réfugiés, tenu par les Nordistes, Hoke et Bell vont s’y retrouver, et le sens profond du livre nous être révélé.

Le bouquin regorge de scènes et d’images d’une force inouïe, l’horreur de cette guerre rarement autant épouvantable, que ce soit par les cadavres qui jonchent le sol des combats que par les souffrances endurées par les esclaves Noirs où les Sudistes ségrégationnistes n’y voyaient que normalité.

Bell Hood est animée d’une volonté farouche, elle avance quelles que soient les embûches (euphémisme !), Joe Hoke traine son fardeau moral, cherchant en vain (?) une éventuelle rédemption…

Une lecture indispensable.