La loi du sanctuaire - Élodie Bouchet

La loi du sanctuaire - Élodie BouchetLa loi du sanctuaire, Elodie Bouchet

 Editeur : Gulf Stream

Nombre de pages : 420

Résumé : Le Sanctuaire de Sarano est intouchable. En vendant des prophéties aux puissants de tous les horizons, la supérieure Tinavia impose inéluctablement son influence. Alors quand Élyne, une oracle, apprend qu’elle a été manipulée et exploitée pour ses dons, elle n’a d’autres choix que de disparaître. Sous la protection inattendue de dragons, elle fuit jusqu’au campement du lieutenant Darel, qu’elle convainc de la perversité de Tinavia. Problème : le jeune homme dispose de pouvoirs magiques annihilant le potentiel prophétique de l’oracle… Au mépris du danger, les deux jeunes gens enquêtent sur les manigances du Sanctuaire.

 Un grand merci aux éditions Gulf Stream pour l’envoi de ce volume.

- Un petit extrait -

« Cela faisait deux jours qu’elle n’avait pas vu le dragon blanc, mais il reviendrait. Il revenait toujours. Un battement d’ailes lui donna raison quelques minutes plus tard. Le minuscule reptile se posa sur le rebord de sa fenêtre et se blottit contre ses doigts avant de s’ouvrir à elle. Son enthousiasme, sa joie tout comme le plaisir des retrouvailles comblaient la solitude d’Elyne. »
- Mon avis sur le livre -

 D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé de devenir écrivaine. Au primaire, je passais mes récréations à griffonner sur un cahier de brouillon. Au collège, je noircissais les marges de mes cahiers de bribes d’histoires inachevées. Au lycée, j’ai cessé de voleter d’un projet à un autre pour me concentrer sur une idée plus « palpable » que les autres. A mon entrée à l’université, j’ai commencé la rédaction de Souffler sur les braises. J’ai rejoint un, puis plusieurs forums d’écriture. J’ai laborieusement, mais fièrement, écrit quelques chapitres. Puis j’ai tout abandonné. Non pas que le rêve se soit évanoui, bien au contraire. Il est plus vivace que jamais … Mais il est fini, le temps où j’imaginais qu’une imagination fertile et une « jolie plume » (le plus beau compliment qu’ait pu me faire une professeure, si tant est que ça vaille quelque chose) suffiraient pour être écrivaine. Il faut savoir surfer « sur l’air du temps », peser tous ses mots pour ne froisser personne, mais aussi assurer une présence numérique … tant de choses dont je suis tout simplement incapable. Alors à quoi bon m’acharner ? Je me contente donc désormais de me réjouir pour mes camarades d’écriture qui viennent à bout de leurs premiers jets, de leurs corrections, de leurs recherches d’éditeurs … Je vis par procuration ce bonheur sur lequel j’ai fini par tirer un gros trait. Je me console en me disant qu’au moins, j’ai le temps de lire et chroniquer leurs ouvrages, pour leur donner un coup de pouce !

En dépit du prix exorbitant de ses services, le Sanctuaire ne cesse d’attirer toujours plus de Clients : du commerçant désireux de savoir sur quels marchés envoyer sa marchandise pour optimiser ses profits au petit nobliau souhaitant déterminer quel est le meilleur parti pour son fils ainé en passant par le souverain guerroyant incertain de sa stratégie, tous s’arrachent à prix d’or les prophéties dispensées par les Oracles du Sanctuaire. Tandis que le lieutenant Darel, missionné par son roi, espère du fond du cœur que les augures ne seront pas favorables au projet d’assaut de ce dernier, craignant que ses soldats ne soient envoyés en première ligne, la jeune Initiée Elyne découvre avec effroi que la Supérieure, aidée par ses deux amis les plus chers, lui a très soigneusement caché ses dons divinatoires pour mieux les exploiter. Dévastée par la trahison de ses proches et refusant de devenir le pantin de celle qui lui a menti pendant toutes ses années, Elyne n’a plus qu’une seule idée en tête : quitter aussi vite que possible ce lieu qui est devenu une véritable prison. Dorée peut-être, mais une prison malgré tout. Etant parvenue à quitter la ville, elle trouve refuge dans le campement du lieutenant Darel. Quand il découvre que la jeune fille apeurée est une Initiée, pire, une Oracle du Sanctuaire, celui-ci ne sait que faire : raisonnablement, il devrait l’y ramener immédiatement pour ne pas s’attirer les foudres de la supérieure … mais tout son être le pousse à aider la jeune femme. Sans le savoir, ils sont sur le point de déterrer le plus grand secret du Sanctuaire … et de ses alliés.

Quelques phrases : c’est tout ce qu’il m’aura fallu pour savoir que ce roman allait être un coup de cœur. Difficile de savoir pourquoi, c’était une évidence qui s’imposait à moi, tout simplement. Et cette prédiction s’est avérée parfaitement exacte, tant et si bien que l’expression consacrée « coup de cœur » me semble même bien fade, mais faute de termes plus appropriés, contentons-nous en, et passons aux choses sérieuses : en quoi ce roman est-il une véritable pépite que vous devez vous procurer immédiatement ? Disons-le tout net, nous sommes bien loin de la fantasy traditionnelle, où le héros, un jeune élu aux pouvoirs extraordinaires, se jette tête la première dans une succession de combats souvent sanguinolents pour lutter contre les forces du mal et redonner l’espoir à un continent opprimé depuis des décennies par un tyran effroyable. Si telle est votre définition de la fantasy, ce roman risque de vous perturber un tantinet … mais en bien. Car ce qu’il « perd » en batailles épiques et mortelles, il le gagne irrésistiblement en profondeur. Ce contre quoi se battent Elyne et Darel est à la fois bien moins impressionnant et bien plus dangereux qu’un seigneur des ténèbres : ils se battent contre le mensonge, la tromperie, la duperie, ils se battent contre les secrets, les dissimulations, les sournoiseries. Ils se battent pour que la vérité refasse surface, et par la même occasion la liberté : comment être véritablement libre quand on est enfermé dans un carcan de mensonges ?

Vous le savez comme moi : quand on tire sur un fil qui dépasse un petit peu, c’est le pull tout entier qui se détricote et nous reste entre les mains, en une masse de laine informe et deux fois plus grosse que le pull. Il en est de même avec les mensonges : quand vous mettez le doigt sur le premier écrou branlant d’un l’engrenage, c’est la machine toute entière qui se révèle à vous et qui menace de s’effondrer, déstabilisée par votre mouvement. C’est l’histoire de l’arbre qui cache la forêt : il ne fait absolument aucun doute que si la supérieure a pris tant de soin à dissimuler à Elyne ses pouvoirs pour exploiter ses prédictions comme elle le désire, c’est parce qu’il y a quelque chose de plus inavouable encore qui se trame dans l’ombre. Elyne n’est que la partie émergée de l’iceberg : le plus gros reste encore à découvrir, et nos jeunes héros sont prêts à braver tous les dangers pour découvrir ce que cache le Sanctuaire, ce que manigance la supérieure … Et une petite voix nous prédit que ce qu’ils vont trouver va chambouler absolument toutes leurs certitudes, pour ne pas dire ébranler l’équilibre du monde tout entier. Et sachez-le : même vos hypothèses les plus folles seront balayées comme un fétu de paille lorsque le voile sera levé ! C’est fichtrement bien trouvé, j’en suis restée éberluée pendant plusieurs minutes avant de réussir à reprendre le fil de ma lecture tant je m’étais attendue à tout … sauf à cela ! Si, comme moi, vous aimez être surpris par un roman, vous allez être servis !

Il me reste encore à évoquer un point, peut-être le plus important : les protagonistes, sans qui même l’intrigue la plus rondement menée resterait aussi plate que l’encéphalogramme d’un caillou. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ici aussi, l’autrice a fait très fort : Elyne et Darel comptent vraiment parmi les personnages les plus attachants qu’il m’ait été donné de rencontrer de toute ma vie de lectrice. Peut-être parce qu’ils me ressemblent, un peu. Tout comme Elyne, quand j’ouvre mon cœur, quand j’accorde ma confiance, quand je donne mon amour ou mon amitié, je le fais sans concession … ce qui, plus d’une fois, m’a brisé le cœur, lorsque je me rendais compte que la réciproque n’était pas vraie. Mais Elyne est bien plus forte et courageuse que moi, pour la simple et bonne raison qu’elle prend le risque de rouvrir à nouveau son cœur à quelqu’un, de s’appuyer à nouveau sur quelqu’un plutôt que de se renfermer sur elle-même pour ne pas risquer d’être trahie et blessée à nouveau … Mais après tout, elle a bien raison, on donnerait le bon Dieu sans concession à Darel ! Il respire l’honnêteté, la loyauté, il est prêt à mettre en danger sa carrière, si ce n’est sa vie, pour les personnes à qui il tient, il fait toujours passer les autres avant lui-même. Il ne cherche pas les honneurs (il a même plutôt tendance à les fuir), mais fait tout simplement ce qui lui semble juste : le monde a besoin d’hommes aussi droits et simples que Darel ! Sinon, mention spéciale à Flocon, cet adorable petit dragon qu’on ne voit pas assez longtemps !

En bref, je pense que vous l’aurez bien compris : ce fut une fabuleuse, une extraordinaire, une merveilleuse lecture ! Et comme c’est souvent le cas avec les fabuleuses, extraordinaires, merveilleuses lectures, les mots me manquent pour en parler : dans ma tête, tout n’est que « wouah », « ooooooh », « hanquec’étaitcool » et autres interjections enthousiastes et désordonnées, et c’est vraiment difficile de discipliner mes pensées et mes propos. Et cela d’autant plus que je refuse toujours d’admettre, d’accepter que ça soit déjà terminé : il manque probablement deux ou trois-cent pages à mon exemplaire, ce n’est pas possible autrement ! C’est vraiment une déchirure de devoir dire au revoir (voire même adieu, vu que c’est un one-shot) à Elyne et Darel, et cela d’autant plus qu’il reste encore bien des questions en suspens, et même si ça laisse à chaque lecteur la possibilité de créer sa propre happy end (ou pas, d’ailleurs, si certains aiment les tragédies), ça reste un tantinet frustrant ! Elodie, si tu me lis, sache que si l’envie te titille de retrouver Elyne, Darel et Flocon dans une suite, je te suivrais jusqu’au bout du monde ! En attendant … je présume que je vais devoir me contenter de le relire, de le relire encore, encore et encore. Et à le faire lire, aussi. Parce qu’une telle lecture, ça se partage ! Alors vous qui me lisez, prenez-en bonne note : ce roman est juste excellent, alors n’hésitez pas un seul instant !