" C'est une boîte. Un coffret solide qui ne rouille pas à la pluie. C'est une boîte mais on ne peut l'emporter avec soi. Elle reste immobile en un endroit. En plus, hors de la maison, tournée vers l'extérieur, toute seule. Quelle ténacité. A l'extérieur du mur de briques, j'étais chargée d'aller chercher ce qu'il y avait dans cette boîte. Elle contenait des mots écrits sur des carrés de papier... "
Suite au décès d'une de ses filles, qu'elle attribue à un chien satanique qui lui aurait léché le visage alors qu'elle se promenait au parc avec sa maman, une mère veut protéger ses trois autre enfants et les calfeutre dans une grande bâtisse entourée d'un jardin, les martelant d'interdits et les obligeant à abandonner leurs prénoms d'origine. Ils s'appelleront désormais Opale, Ambre et Agathe, des noms de pierres porteuses de puissance.
Une brise légère souffle sur les végétaux leur donnant un mouvement aérien. Loin des tumultes du monde, la quiétude semble s'être installée...
Mais derrière les murailles entourant leur jardin, les enfants oublient peu à peu la réalité. Ils imaginent de nouveaux jeux, se délectent de lectures, surtout celle des encyclopédies abandonnées par le père absent, se mettent à murmurer car il leur est interdit de crier, sont vêtus de haillons de trop petite taille, portent les cheveux en crinière ou pire encore sont parés d'une queue ou d'ailes cousues par la mère névrosée. Le jardin est bénéfique, certes, et leur fait oublier un peu les délires de leur maman et le cloisonnement dans cette alcôve de fortune. Ainsi, ils perdent leurs repères avec l'extérieur mais puisqu'ils se montrent respectueux des règles imposées par la maman, ils ne rencontreront pas le chien féroce qui rôde et les surveille...
De nombreuses questions nous viennent à l'esprit, dont une, fondamentale : à trop aimer ses enfants, les aimer mal surtout, en mettant des freins à leur épanouissement, en les isolant du monde, ne devient-on pas une mère destructrice ? Une autre réflexion s'invite en ce qui concerne l'effet délétère de notre monde, si cruel et si violent et sur le pouvoir de la nature, des animaux et de la musique et pour panser nos meurtrissures.
Une auteure qui fait jouxter avec délicatesse le surnaturel avec la réalité et nous donne un récit imprégné de poésie où raisonnent en écho les sons de la nature et des animaux, toujours rédempteurs dans ce monde où séjournent la violence et le mépris.
Ici encore, elle nous livre une fable très intense sur le deuil, le chagrin et la force du clan, le pouvoir des animaux et de la nature, de la musique et des mots pour éloigner la tristesse et contrer les effets néfastes du monde sur les cœurs endoloris.
Instantanés d'ambre de Yôko Ogawa, éd. Actes Sud