Depuis leur naissance, Camille et Jérémy se cherchent, courent l'un vers l'autre, mais ils ne le savent guère... Ils ont grandi, se sont " re "trouvés et s'aiment, certes, sans pourtant vivre pleinement cet amour et être heureux ensemble. Jérémy ne peut cacher à Camille ses douleurs d'antan et la noirceur de son passé qui l'obsède. Et, lorsque Camille lui confie le désir d'avoir un enfant, Jérémy vacille, s'écroule, ne peut s'imaginer dans le rôle de père. Et se frayer un chemin parmi les vivants alors qu'il n'a jusqu'ores côtoyé la mort le plus souvent lui-même.
Vaille que vaille, les deux jeunes gens au cœur meurtri, à l'âme cabossée, certes épris l'un de l'autre, ne parviennent pas à contrer la dépression qui menace d'empirer pour l'un et grignote insidieusement l'âme de l'autre. Peu à peu, Jérémy voit resurgir la sinistrose morbide et le désarroi qui ne l'a jamais quitté, apaisé quelque temps par l'amour de Camille.
L'auteur nous entraîne dans les tréfonds de deux cœurs de guingois et nous invite à devenir les témoins de ces malades de la vie que la dépression a rendu fébriles et inaptes à l'amour, fuyant les lendemains de quiétude au risque de chavirer une fois encore et préférant nourrir leur perdition plutôt que se laisser aller à la quête du bonheur, fût-il fugace, parce qu'ils ont nagé trop longtemps dans un bain de tristesse incommensurable. Il nous convie dans un huis clos où règne le mal-être et la désespérance, nous laissant complètement effondrés, comme abandonnés sur le bord d'un ravin, s'accrochant tant bien que mal pour ne pas tomber.
Jusqu'à l'antépénultième phrase de la fin, je suis restée quelque peu dubitative. Peut-on vraiment ressortir indemne de ce récit de naufrage qui ne nous laisse guère de chance de survie, même si l'infime rai de lumière qui éclaire l'épilogue du roman, donnant un sens au titre de l'ouvrage qui laissait présager un espoir...
Un premier roman de littérature pour adultes d'Antoine Dole, alias Mr Tan, auteur de la série jeunesse phénomène Mortelle Adèle.
Six pieds sur terre d'Antoine Dole, éd. Robert Laffont