Eugénie D. est une jeune femme un peu spéciale, un peu différente, que le monde insupporte, effraie même. Elle se réfugie dans un monde imaginaire rempli de poésie, se crée un univers décalé, invente des choses insolites, comme la cravate-parapluie ou la poussette à pastèques. Il faut dire que déjà quand elle est née, elle avait des particularités très rares... Un curieux bébé à la peau quadrillée qui lui donnait un air de martien, venu d'une autre galaxie. Ainsi sa peau était maculée de cases blanches et noires, comme des mots croisés. En grandissant, le damier s'est mélangé et la voici devenue une jeune femme aux formes généreuses, très belle pensent certains tandis que pour la plupart elle inspire l'indifférence ou la répulsion souvent.
Un jour de pluie à la gare Montparnasse, elle croise Joséphin, tout le contraire d'elle, très maigre, très grand et meurtri par une timidité maladive et une déprime larvée qu'il soigne en modelant, sculptant, s'adonnant au travail de la céramique. Issu d'un pays où pleuvent les bombes, il est chauffeur de taxi à temps partiel et sculpteur-céramiste, une passion qui l'occupe des heures entières.
Ces deux écorchés de la vie s'épanchent de plus en plus et de leurs confidences ressortent des souffrances similaires liées au passé, les stigmates qu'ont gravé dans leur cœur le monde cruel, les meurtrissures que les gens leur ont infligées à coup de marteaux piqueurs. Pas à pas, l'on suit ces personnages attachants et fragiles, de ces deux muets qui s'entraident et se livrent enfin, se délivrent même, à coup d'amour et de soutien.
L'auteur nous livre un conte aérien où l'amour s'immisce entre chaque ligne, s'épanouit à tout va, se fiche des bien-pensants, contourne le raisonnable en se moquant de ce qui pourrait gêner le politiquement correct.
L'histoire de deux êtres que rien ne semblait rapprocher, si ce n'est peut-être les douleurs du passé qui les ont fait fléchir...
J'ai apprécié dans l'ensemble cette promenade dans les tréfonds d'âme en détresse mais regrette peut-être que l'auteur ne se soit pas attardé sur la personnalité des protagonistes...
Celle qu'il attendait de Baptiste Beaulieu, éd. Fayard