The Old Republic, tome 4 : Annihilation - Drew Karpyshyn

The Old Republic, tome 4 : Annihilation - Drew KarpyshynThe Old Republic4, Drew Karpyshyn

Annihilation

 Editeur : Pocket

Nombre de pages : 413

Résumé : L'Empire Sith est en pleine mutation. L'Empereur est porté disparu, et la tentative d'un ambitieux Seigneur Sith de le remplacer s'est soldée par un échec. Dark Karrid, l'ancien Jedi passé du Côté Obscur, poursuit son inlassable conquête de la Galaxie, aux commandes du redoutable vaisseau impérial Haute Lance. Sa détermination sans faille doit faire face à celle de Theron Shan qui a encore des comptes à régler avec l'Empire. Il ne manie pas la Force, bien qu'il soit le fils d'une célèbre Jedi. Agent secret de la République, c'est la personne idéale pour mettre fin au règne de la Haute Lance.

- Un petit extrait -

« - Et si je démissionnais ?

- Vous ne le ferez pas, lâcha Marcus. La République vous tient trop à cœur pour que vous abandonniez sa cause.

- Je pourrais m'engager dans les forces militaires, menaça Theron.

- Pour être obligé de saluer vos supérieurs ? Obéir aux ordres ? Beugler "Monsieur, oui monsieur !" vingt fois par jour ? Bien sûr... »

- Mon avis sur le livre -

 S’il y a bien un paradoxe qui me laisse particulièrement perplexe dans notre société, c’est bien le fait que, d’un côté, nous martelons à nos jeunes ouailles influençables que seules les matières scientifiques sont dignes d’intérêt – « tu aimeras les sciences, mon gamin, et ne t’avise surtout pas d’apprécier l’histoire ! » –, mais que, de l’autre côté, nous continuions à décourager ces mêmes jeunes ouailles influençables de lire de la science-fiction – « ah non, si tu veux lire, tournes toi vers de la vraie littérature, au moins, lis-moi donc le dernier Goncourt ! » … J’ai le souvenir très vivace d’une professeure de français, qui semblait particulièrement ravie de me voir si régulièrement aller au CDI pour emprunter des livres, se mettre à grimacer (pour ne pas dire cracher de dégout) en se rendant compte que je lisais principalement de la fantasy ou de la science-fiction : j’étais passée de la case « élève prometteuse » à celle « élève irrécupérable » … Et elle n’est malheureusement pas la seule à avoir ce genre de réactions : je ne compte plus le nombre de bibliothécaires, de libraires, ou même de thérapeutes (si si) qui ont essayé de me convaincre qu’il était grand temps de laisser cette « lubie » de côté et de me tourner enfin vers des ouvrages plus « respectables ». Manque de pot pour eux, je ne suis pas une jeune ouaille influençable : je lis ce qui me plait, sans me préoccuper le moins du monde de ce que les pensent de moi. Alors oui, je suis une étudiante en théologie (« la classe », parait-il) qui lit du Star Wars (« la honte », semblerait-il) …

Theron a beau être le fils caché du Grand Maitre de l’Ordre Jedi, il a beau avoir été élevé en secret par un autre Maitre qui lui a enseigné tout ce que les jeunes Padawans apprennent à l’Académie, il a bien fallu se rendre à l’évidence : il ne présence absolument aucune affinité particulière avec la Force. Pas la moindre petite trace. Qu’à cela ne tienne : s’il ne peut rejoindre l’Ordre, il servira la République d’une autre manière ! En quête d’action, Theron a ainsi rejoint le Service du Renseignement Stratégique : malgré son indiscipline invétéré et ses méthodes pour le moins peu académiques, il n’en reste pas moins un des agents de terrain les plus efficaces. Trop efficace, peut-être : le voici missionné pour une mission des plus suicidaires qui soit … s’infiltrer sur un des croiseurs impériaux les plus meurtriers, contrôlé presque organiquement par une ancienne Apprentie Jedi devenue Seigneur Sith, pour saboter son hyperpropulsion et ses défenses. Accompagné de l’ancien Maitre Jedi de Dark Karrid et d’une contrebandière qu’il considère comme une petite sœur en dépit de son sale caractère, Theron va devoir user d’audace et d’inventivité pour permettre à la République de regagner l’avantage sur l’Empire Sith …

Jusqu’à présent, les auteurs de l’univers étendu Légendes nous avaient habitués à un schéma narratif très uniforme : nous suivions systématiquement deux ou trois (si ce n’est plus) personnages, qui étaient pour la plupart des utilisateurs de la Force, que ce soit du Côté Lumineux ou du Côté Obscur. Cette fois-ci, l’auteur innove : non seulement nous ne suivons véritablement qu’un seul et unique protagoniste, mais en plus celui-ci n’est ni un Jedi ni un Sith. Theron n’est qu’un « simple » humain comme vous et moi, dépourvu du moindre zeste d’affinité avec la Force. Pas de sabre laser pour lui, seulement un bon vieux blaster. Et s’il doit sauter du haut d’un immeuble, il a tout intérêt à avoir un parachute avec lui s’il ne veut pas finir écrabouillé comme une crêpe contre le sol, faute de pouvoir ralentir sa chute grâce à la Force. Pourtant, et c’est là tout le drame de sa vie (même s’il s’efforce de faire croire et de croire que cela ne lui fait ni chaud ni froid), il est le fils (très secret) de Satele Chan, LA Grande Maitre de l’Ordre, élevé en cachette par le Maitre de cette dernière : tout laissait raisonnablement penser qu’il allait suivre les traces de sa génitrice et de son mentor et rejoindre les rangs des Chevaliers Jedis … Mais il a bien fallu se faire une raison : l’Ordre ne voulait pas de lui. Pour servir la République, il allait devoir s’y prendre autrement. Heureusement pour lui, Theron est un homme plein de ressources !

Mais l’auteur va encore plus loin : non seulement Theron est un héros de la République sans être un Jedi, mais en plus le roman est parsemé de critiques à peine voilées quant à l’arrogance, qui frôle parfois le mépris, des Jedis … Car eux ont compris, les autres non. Car eux savent maitriser leurs émotions et leurs désirs propres au profit du pragmatisme et du bien commun, alors que les autres en sont réduits à suivre leurs plus bas instincts égoïstes et irrationnels. Derrière la belle philosophie des Jedis se cache cette sorte d’élitisme dont on parle assez rarement, mais que ce roman met en lumière à plus d’une reprise. Alors bien sûr, un Jedi vous dirait que Theron est aveuglé par la déception et l’amertume d’avoir été rejeté par l’Ordre, et plus encore d’avoir été abandonné à la naissance par sa mère au profit de ce même Ordre … mais le simple fait de rejeter systématiquement la faute vers l’autre sans jamais se remettre en question abonde dans le sens de la critique de Theron. Mais le plus terrible, dans toute cette affaire, c’est qu’on ne peut même pas en vouloir aux Jedis eux-mêmes : on leur a tellement rabâché tout ceci depuis qu’ils sont Padawans qu’il est parfaitement logique qu’ils en soient profondément persuadés, et qu’ils ne se rendent même pas compte d’à quelle point leur attitude peut être hautaine et blessante …

Mais rassurez-vous, c’est très loin d’être le point saillant du roman : car l’essentiel reste quand même cette Opération fichtrement audacieuse qui pourrait bien à elle-seule permettre à la République de reprendre l’avantage sur l’implacable Empire Sith qui ne cesse de gagner du terrain. Car on s’en doute bien, le plan bien rodé par les bureaucrates de la République ne va pas tarder à être mis en péril par les réalités insoupçonnées du terrain : pour parvenir à leurs fins, Theron, Gnost-Dural et Teff’ith vont plus d’une fois devoir improviser, alors que le danger les entoure de toutes parts. On retrouve cette fois-ci les situations chères aux auteurs de l’univers : des infiltrations à haut risque dans des hauts-lieux de l’Empire, des artefacts essentiels bien protégés derrière des murs trop costauds pour les explosifs prévus, des bagarres dans des lieux malfamés, des patrouilles qui arrivent trois nanosecondes avant que le système de piratage ait pu terminer son œuvre, des roulades et des pirouettes pendant les combats au corps à corps, sans oublier quelques petites batailles spatiales pour parachever le tableau … Mais le plus incroyable, finalement, c’est que ça marche absolument à tous les coups : à chaque fois, c’est la même poussée d’adrénaline, la même tension absolument insoutenable, le même crainte au moment fatidique … et puis le même soulagement et la même liesse lorsque les gentils écrasent les méchants, parce que c’est aussi ça, la « magie » de Star Wars !

En bref, vous l’aurez bien compris, c’est à la fois un roman qui piétine allégrement les codes et qui les respecte à la lettre, et cela nous donne un récit à la fois très innovant (et donc rafraichissant) et très prévisible (et donc rassurant). Si la sempiternelle lutte entre l’Empire et la République, entre les Siths et les Jedis, entre l’Obscurité et la Lumière, reste au cœur de l’intrigue – comment pourrait-il en être autrement dans un roman Star Wars ? –, l’auteur a bien compris qu’un bon roman ne peut pas s’arrêter à ce seul conflit. Il nous offre ainsi des sous-intrigues centrées sur les personnages en eux-mêmes, et pas seulement sur leur place dans l’immense échiquier de la guerre. Theron n’est pas seulement un agent de la République, il est aussi un homme avec son histoire propre, avec des tas de nœuds à démêler dans le fil de sa vie : et c’est aussi cela, que nous raconte ce roman. De façon assez superficielle, certes, car il y aurait sans doute encore plein de choses à explorer sur ses relations avec Satele, avec Jace ou avec Teff’ith (quel bonheur, d’ailleurs, d’avoir une pure histoire d’amitié et aucune bribe de romance entre eux !), mais suffisamment pour que l’histoire ne se contente pas d’être un simple étalage de scènes d’action ! En clair, donc, un roman palpitant, trépidant, avec quelques passages un peu plus profonds … et une bonne dose d’humour, bien évidemment !