Si la Justice League représente la réunion des super-héros les plus puissants de l'univers DC, une formation de gros calibres pour affronter les crises les plus dramatiques, la Justice Society of America ressemble quasiment à une famille. C'est que le concept de transmission, d'héritage, s'y développe pleinement. Au départ les personnages qui la composent sont ceux qui sont nés avec l'âge d'or des comics, dans les années 40. Des super-héros vieillissants qui ont été mis officiellement à la retraite en 1986, avec la célèbre saga Crisis on Infinite Earths, censée simplifier grandement la généalogie des histoires publiées jusque-là. Mais on ne peut pas mettre de côté des individus aussi attachants; c'est pourquoi peu à peu ils ont fait leur retour, au point que dans les années 90 Geoff Johns leur offre une nouvelle série à la hauteur de leurs compétences. On y retrouve le premier Flash des origines (Jay Garrick) mais aussi le Green Lantern originel (Alan Scott), un combattant hors pair comme Wildcat, et également des personnages plus jeunes comme Power Girl, Hourman et Liberty Belle, ou carrément récents et proposés pour l'occasion, comme Stargirl, une jeune héroïne ultra sympathique qui a été inspirée au scénariste par sa jeune sœur tristement décédée. Aujourd'hui vous la connaissez bien, car elle a aussi sa propre série sur le réseau CW. Dès le départ le ton du récit est donné : il sera question de super-héroïsme, mais en même temps d'une attention aux détails du quotidien, aux liens qui unissent tous ces personnages. Par exemple nous allons nous attarder sur l'arrivée d'une toute jeune rouquine (Cyclone) qui fait son entrée au sein de la JSA avec des étoiles plein les yeux. Cela dit sa première réunion est interrompue par le cadavre de Mister America, qui défonce la verrière et s'écroule sur la table. C'est qu'il a été pris en chasse et battu à mort par un individu qui a précédemment exterminé toute sa famille. Car oui, dans l'ombre, quelqu'un tente de mettre fin une bonne fois pour toute à l'héritage de ces grands héros de l'âge d'or. Le récit a été publié pour la première fois il y a si longtemps que je ne pense rien révéler de décisif en assurant qu'il s'agit de Vandal Savage; qui pour l'occasion s'est acoquiné avec une bande de super méchants nazis. Nous suivons également l'arrivée de Starman au sein de la formation. Un visiteur d'un autre univers dont le psychisme est totalement fragmenté, au point de le faire flirter avec la folie permanente. Tout cela donne un ensemble assez dysfonctionnel mais qui donne vraiment envie d'être là, de les côtoyer au quotidien. La JSA, ce sont des super-héros certes puissants, mais on sent l'amitié, l'amour, l'entraide, dans chacun de leurs actes, et en cela Johns à effectué un remarquable travail.
C'est cela qui me plait tant dans cette série. L'émotion qui suinte de certains des épisodes, les relations humaines qui sont aussi importantes que les actes de bravoure. C'est d'autant plus criant quand Johns offre des "interludes" centrés sur un personnage en particulier. Le nouveau Commander Steel, appelé Citizen Steel, dont l'amputation d'une jambe n'est que le prélude à une seconde carrière, après un autre drame effroyable, quand sa famille est massacrée par des nazis lors d'un picnic anodin. Ou encore Liberty Belle (autrefois Jessie Quick) dont le désir de perfection a eu de tristes répercussions sur ses relations familiales, avant de comprendre que les défauts sont inhérents au genre humain. Cette JSA là trouve toujours des ressources insoupçonnées dans l'union, qui pour le coup fait vraiment la force. Rien de surprenant à voir apparaître certains membres de la Légion des Super-héros, lors d'un crossover avec la Justice League, car c'est un peu le même principe qui anime ces amis disposés à tout pour venir en aide les uns aux autres. Cette état d'esprit est aussi mis à rude épreuve quand débarque un nouveau Superman massif et plus âgé, en provenance d'une Terre (celle de Kingdom Come) qui a cessé d'exister, et où le super-héroïsme s'était transformé en une doctrine agissante qui ressemble à une forme de fascisme. Plongé dans un univers qui lui est inconnu, mais avec nombre d'exemples vertueux sous les yeux, ce Superman là peut aussi se rapprocher de Power Girl, elle aussi personnage "déplacée" en provenance d'une autre réalité, depuis effacée, et qui porte en elle un lourd sentiment de solitude. Tout ceci n'étant en fait que le prélude à une crise majeure, qui arrive... Cet énorme pavé est en majorité dessiné par Dale Eaglesham (héros puissants, musculeux, trapus, une noblesse qui suinte des poses, des muscles) et Fernando Pasarin (un style plus souple, plus classique, parfait pour ce genre d'orgie à super pouvoirs) et esthétiquement il y a peu à dire, si ce n'est que c'est fort plaisant, d'un bout à l'autre, ce qui contribue à faire de cette JSA un excellent moment de lecture, une petite utopie de ce que devraient être nos chers héros de papier, animés par la justice, l'héroïsme, la solidarité.