Le ravin des anges (Nicole Provence)

Le ravin des anges (Nicole Provence)

Auteur : Nicole Provence

Éditions : Ex Æquo

Collection Rouge

Paru le : 15 juin 2021

440 pages

Thème : Thriller

disponible sur le site de l'éditeur

et sur Amazon

Ma note : à la croisée des destins (Barjy L.)

 Résumé 

  « À quelques semaines d’intervalle, deux cadavres de lycéennes sont découverts dans le ravin d’une déchetterie et l’adjudant Di Nazzo mène l’enquête. Trois femmes affrontent leur destinée dans ce roman : la fragile Gladys, une romancière blessée par la vie; Cécile, l’adjointe obstinée de Di Nazzo, que rien ne fait reculer, et Yasmina, une jeune Turque prisonnière des conventions familiales dont elle veut s’affranchir. Une solide amitié leur permettra de vaincre les dangers qui surgiront sur leur chemin. Suspense et rebondissements entraînent le lecteur depuis Roussillon, gros bourg de France, jusqu’à Istanbul, la fourmillante et trépidante ville de Turquie. On plonge dans la noirceur des crimes pour rejaillir dans la splendeur des mosquées colorées stambouliotes. Un roman empreint d’une certaine dureté et de violence mais non dénué d’humour et d’une grande sensibilité.  »

 Ma chronique 

 

Un gros oubli de ma part,  il s'agit du dernier livre lu en 2021 et j'ai complètement oublié de le mettre en ligne. Il a fallu que je commence à préparer le bilan de janvier pour me rendre compte que ce livre ainsi que le bilan de décembre n'avait pas été mis en ligne, honte à moi !

Merci aux éditions Ex Æquo pour m'avoir permis de lire ce titre.

Un roman sombre où nous pouvons retrouver toute la douleur du monde entre ces pages et cela serait extrêmement pesant si les personnages n'avaient pas ce brin de lumière, de rage et de ténacité en eux. Nous suivons Sandra, une presque femme qui attend son "pote", pour une dose elle fait ce qu'il lui demande, une vie triste où nul ne mettra le nez dedans. Une soirée plus hard que les autres, droguée, violée elle ne souhaite qu'une chose. Son corps est retrouvé dans une décharge tel un déchet. La gendarmerie va mener l'enquête. Quelques jours plus tard, un autre corps est retrouvé, même état, dans la même déchetterie. Une bande organisée ? Des témoins ? Qui a intérêt à cacher les corps de cette façon, sachant qu'il n'y a rien de caché. Deux jeunes filles bien différentes, des milieux différents, rien qui ne les relis, pas même les garçons dont elles côtoyaient. Deux crimes qui ne peuvent pas rester impuni surtout dans une petite ville de campagne où tout le monde se connait sans se mêler des affaires des autres. Derrière cette enquête se cache des personnages qui vont aller au-delà de ce que la vie peut réserver, des sujets douloureux pour quiconque.     Une double enquête qui n'est pas saine, viols, meurtres, drogue, prostitution, hommes de pouvoirs, religions, us et coutumes, mariage arrangé voire forcé, deuil... le ravin des anges touche à beaucoup de choses qui peuvent gêner, mettre mal à l'aise. La plume de l'auteur est incisive, intrusive, permettant de se mettre à la place des protagonistes. L'envie de débouler pour donner quelques coups tel Cécile Borry, gendarme de surcroit, qui ne nous fait pas sourire. Sa rage de mettre KO ces hommes qui se servent de leurs forces pour soumettre les femmes est une joie, un appel à venir en aide envers ceux et celles qui ne savent plus vers qui se tourner. Ces jeunes filles ne méritaient pas cela et ceux qui sont derrière tout cela risquent de le regretter amèrement. Une véritable traque est mise en place par la gendarmerie. Dans le même temps, nous suivons Gladys qui a un passif tout aussi douloureux, n'ayant pas encore réussi à sortir la tête de l'eau. Son ex en prison, des jours sombres sont encore à venir pour cette femme. Romancière, vivant en reclus dans ce petit coin où les crimes ont eu lieu, elle s'est attachée à Jasmine, une jeune turque qui est née en France, dont la famille est bien intégrée, mais qui a des liens encore avec Istanbul. Jasmine enlevée de force pour être mariée contre sa volonté, Gladys va tout faire pour la sortir de ce bourbier.     Le récit est prenant, nous passons d'une affaire à l'autre en ayant en point commun les gendarmes. Chaque point est important pour faire avancer l'une ou l'autre des enquêtes. Difficile d'intervenir dans un pays qui n'a pas les mêmes lois ni les mêmes coutumes. Nous ne pouvons pas aller dans un autre pays et leur dire que ce qu'ils font est mal parce que nous ne le faisons pas de la même manière. La différence est là, même si dans notre tête nous ne voulons pas de ces situations, certains pays, certains hommes et femmes en sont encore aux mariages arrangés et ce que cela comporte. Quant aux meurtres, les indices sont minces, mais cela avancent à son rythme. Des oui-dires, des soupçons, des recherches, des doutes, de l'intuition également et des débuts de preuves. Tout cela pour dire que l'auteur prend son temps pour amener les éléments de manière efficace afin de nous apporter des doutes sur les protagonistes qui sont en lice de devenir de futurs prisonniers. Les deux affaires se suivent, se chevauchent, des personnages importants font leur apparition. Alicia est une femme hors du commun qui a un cœur aussi grand que son corps. Elle en a connu des déboires, la vie n'a pas été tendre, mais c'est elle qui est un peu la mère de tous ces petits qui n'ont pas de repères. Son fils peut être fier d'elle et l'inverse et tout aussi vrai.     Ce livre est montre les quartiers défavorisés avec leurs forces et leurs faiblesses. Savoir ne veut pas dire raconter, entendre ne veut pas dire qu'ils savent. Les horreurs dans certaines familles, les regards détournés, l'appui des uns pour aider réellement les autres. Il faut réussir à survivre, trouver du travail n'est pas évident lorsque l'on vient d'une pareille cité, d'une famille différente. Le racisme est mis en avant dans les deux sens. La femme-objet, la femme qui sert de marchandise est encore imprégné dans les coutumes de certains personnages. Résoudre ces meurtres tout en cherchant à sauver Jasmine sera un sacré plan, surtout s'il faut conjuguer avec le passé de Gladys qui va lui revenir de plein fouet. La douleur est toujours présente, elle ne peut faire autrement, vivant dans un présent qui la ronge toujours plus. Il faut réussir à tourner les pages, à les jeter au feu pour se sentir libérer, mais pour cela, elle va devoir travailler sur quelqu'un d'autre et comprendre que les trahisons et les pires horreurs peuvent encore lui arriver sur le coin du nez. Pierre son ex a un petit quelque chose de touchant et si certains actes ne sont pas compris, le reste éclaire ma lanterne et je suis convaincue qu'il aurait pu y avoir une seconde chance si et seulement si... Mais ne c'est pas l'ordre du sujet de ce récit.     L'adjudant Bernard Di Nazzo et Cécile Borry forment une très bonne équipe et certains points me fait penser qu'il y aura peut-être un autre récit avec ces deux-là et peut-être Halim au passage ? Cet homme est ancré dans les traditions et veut en sortir sans offenser sa mère, peut-être que ce déclic va le forcer à se bouger, qui sait ? Les personnages sont terriblement travaillés au point de se demander si une part n'est pas la réalité quelque part. La violence est présente juste ce qu'il faut pour comprendre les actes sans avoir des tonnes de descriptions sur la noirceur. Nous savons d'une manière générale ce qui se passe ou s'est passé et les révélations aux autopsies font le reste. Les témoignages camouflés, les prises de note orales, le fait d'être en civil est parfois une bonne chose pour ceux qui veulent dire la vérité. Nous passons de France en Turquie, deux pays bien distincts, deux vies bien différentes. Les liens entre chaque personnage ne se voient pas forcément en premier lieu, il faut creuser et pas que dans une serre pour trouver un corps ou en déposer un. Toute la violence contenue, la noirceur qui s'échappe est maintenue dans un carcan de bonne volonté de faire éclater ce qui ronge les habitants.     Amitié, amour, tendresse, petits gestes d'affection, une pincée d'humour, des profondeurs peuvent survenir la lumière. Cette clarté qui ouvre les paupières en grand et nous apporte ce qu'il y a de plus beau entre les êtres humains. Les pièces du puzzle s'assemblent lentement, des "pas possible", des "ce n'est pas vrai" surviennent inexorablement, mais également des "bien fait" ou "prend ça dans les dents". Jusqu'au bout nous imaginons tellement de choses que la mort qui survient nous échappe. Les passés brisés ne deviendront jamais des futurs enjoués, mais quelque part dans cette monstrueuse affaire, il y a toujours de l'espoir et c'est cela qui donne le sourire, car un jour, la morsure de cette noirceur se fera moins forte et le gris reprendra sa place. Les pauses de "tendresse" font du bien et sont savamment dosées pour atténuer toute la peur ressentie le long de cet écrit.     En conclusion, un thriller qui va toucher plus d'un lecteur de part les nombreux thèmes évoqués, mais aussi les voyages. Celui de l'oubli, celui du pardon, celui pour sauver, celui pour découvrir... Un pas après l'autre chaque étape sera franchie pour ne laisser personne sur le bas-côté ou dans un fleuve. Les émotions sont fortes, la plume prenante et nous ne tombons pas dans la noirceur pour nous y engouffrer, mais plutôt pour nous montrer qu'il y a toujours une voie plus lumineuse pour nous en sortir. Reste à savoir si vous allez survivre à cette lecture. Je ne peux que vous le recommander !  

 Extrait choisi :  

« Le monde des abeilles ne s'encombre pas de toutes ces fadaises. Pour la survie de l'espèce comme vous le dites si bien, elles en choisissent une, la reine des pondeuses. Elle ne fait que ça du matin au soir. Personne ne lui demande d'être intelligente ou d'être bardée de diplômes Es-Miel. Encore moins de se forcer à plaire pour séduire. Tout est programmé. Elle utilise un bourdon pour se faire féconder, s'en débarrasse, et ensuite, elle pond et elle mange ! Quand elle est en pleine ménopause, définitivement condamnée à la stérilité, les abeilles la remplacent par une jeunette et ça recommence. Les autres se contentent de travailler, et apparemment ça leur plait. Bichonner les larves, nettoyer la ruche, butiner de fleurs en fleurs, ce n'est pas donner sans se poser de questions franchement, les abeilles sont intelligentes ! »

Le ravin des anges (Nicole Provence)


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