Marcel Aymé (1902-1967) est un écrivain, dramaturge, nouvelliste, scénariste et essayiste français. Ecrivain prolifique, il a laissé deux essais, dix-sept romans, plusieurs dizaines de nouvelles, une dizaine de pièces de théâtre, plus de cent soixante articles et des contes. Il a également écrit de nombreux scénarios et traduit des auteurs américains importants : Arthur Miller (Les Sorcières de Salem), Tennessee Williams (La Nuit de l'iguane). Roman paru en 1929, La Tables-aux-Crevés a reçu le prix Renaudot.
Dans un petit village du Jura. A son retour du marché Urbain Coindet trouve sa femme Aurélie pendue. Très vite la belle famille laisse entendre que ce serait le mari qui l’aurait tuée. Le même jour, Frédéric Brégard, frère d’Aurélie, est libéré de prison où il purgeait une peine pour contrebande ; Frédéric qui est persuadé d’avoir été dénoncé par Urbain. Le conflit entre les deux familles ne peut que s’envenimer et la coupe est pleine lorsque Jeanne, sœur de la morte, décide de se mettre en ménage avec le veuf…
Un drame paysan comme on les aime chez Marcel Aymé. A partir d’un suicide, l’affaire va affecter tout le village avec des répercussions de multiples nature : religieuse, s’il y a suicide l’enterrement ne peut être que civil, d’où conflit entre les calotins et les Républicains du bled, tension générale exacerbée par les commérages et rumeurs non fondées mais qui agitent les langues du pays (« C’était un sujet de conversation assez délectable par l’importance de l’accusation, qu’on fût pour ou contre »). Et quand après quelques semaines à peine, Jeanne et Urbain se mettent en ménage, la fureur est à son comble, d’autant que la mignonne était pressentie par Rambarde. Frédéric et Rambarde s’allient fusil en main pour en finir avec Urbain, mais…
Une intrigue rondement menée, des personnages sympathiques ou non mais fort bien campés, outre ceux déjà cités, les commères et leur langue de vipère, le curé qui tente désespérément de rabibocher les clans tout en cherchant à augmenter sa clientèle à l’église, et ce malheureux Capucet, le garde-champêtre, naïf et porté sur la gnôle. La psychologie des acteurs est finement décrite, nous sommes à la campagne, la pendue est encore chaude mais on n’oublie pas qu’il faut s’occuper des animaux de la ferme, priorité aux vivants ; alliances et mésalliances se jouent aussi sur des intérêts financiers, des espoirs de rachats de terre etc.
Il va de soi que c’est très bien écrit avec ce qui fait, pour moi, le charme de ce type de romans de l’écrivain, les formules ou les expressions placées dans ses dialogues (« Coindet n’était pas habitué à une solitude désœuvrée et, comme il avait son complet des dimanches, sa pensée ne retrouvait pas ses plis familiers. »
Un très bon roman.