Franck Bouysse, né en 1965 à Brive-la-Gaillarde, est un écrivain français. Il passe un baccalauréat agronomique, puis un BTS d’horticulture à Objat avant d'enseigner la biologie à Limoges et depuis 2007 il publie des romans obtenant un grand succès en 2019 avec Né d’aucune femme. Paru en 2020, Buveurs de vent vient d’être réédité en poche.
Dans une vallée du Massif Central, coupée du monde. Les Volny sont une famille fracassée, Martha la mère s’accroche à ses bondieuseries, Martin le père est revenu traumatisé de la guerre et ses enfants lui pèsent, « Ils l’encombraient depuis leur venue au monde et cela empira en grandissant », c’est au cuir de sa ceinture qu’il les élève et les gosses ne retrouvent leur sérénité qu’auprès du viaduc. Suspendus par des cordes au pont, ils se balancent au-dessus de la rivière dans le fracas et les vibrations des trains qui passent. Il y a Luc, le cadet simple d’esprit, Marc qui aime lire bravant l’interdiction de son père, Matthieu et Mabel, la fille sensuelle (« Mabel était corps de désir ») et dégourdie, adorée de ses frères. Une fratrie soudée à la vie, à la mort. Le décor ne sera complet que lorsque vous saurez que la vallée est dirigée par un homme, Joyce, le propriétaire de la centrale électrique et du barrage. Son pouvoir tyrannique s’étend sur toute la ville, il est la loi, le pouvoir absolu, maître des choses et des âmes.
Il y a tant de choses dans ce remarquable ouvrage que ce résumé n’est qu’une infime partie du squelette du roman. Si les ressorts narratifs abondent et font déjà de ce livre un petit régal, je crois pouvoir dire que ce n’est rien par rapport à l’écriture de l’auteur. Une langue somptueuse, envoûtante par sa beauté, elle happe le lecteur dès les premières pages, le plongeant dans un récit dans lequel il peine un peu au début à prendre ses marques, subjugué par le style plus que par le récit ; pour l’instant nous découvrons lentement les protagonistes, pas à pas.
Un roman qui joue sur deux tableaux, tant narratif que stylistique. Au début il y a la présentation des uns et des autres, puis plus loin, Matthieu va tuer deux braconniers et le roman psychologique prend des allures de western : Joyce tyran local possédant tout ce qui fait vivre les gens dans ce coin perdu, règne par la force imposée par ses sbires, sa propre loi représentée par Lynch (genre de shérif pourri local), le café où tout le monde va est une sorte de saloon, alcool au rez-de-chaussée et filles à l’étage. L’écriture s’adapte à ces genres, toujours très belle, elle est soit somptueuse comme je l’ai dit, soit plus simple tout en restant raffinée dans le mode « western ».
Me lancer plus avant dans les intrigues serait vain. Il y a la beauté des rêves des enfants/jeunes gens, la tentative risquée d’évasion de cette famille en ruines de Mabel protégée par son fort caractère, Elie le grand-père unijambiste et vieux sage. Et puis viendra Gobbo, un marin solitaire et mystérieux, une force tranquille et discrète qui la jouera subtile pour ressouder le camp Volny tout en mettant à mal le pouvoir de Joyce. Chaque page de ce roman est un épisode à lui seul…
Un roman sur la résistance, le courage des faibles face aux puissants. C’est très beau, c’est excellent.