Tara Duncan, tome 5 : Le continent interdit - Sophie Audouin-Mamikonian

Tara Duncan, tome 5 : Le continent interdit - Sophie Audouin-MamikonianTara Duncan5, Sophie Audouin-Mamikonian

Le continent interdit

 Editeur : Flammarion

Nombre de pages : 418

Résumé : Betty, l'amie terrienne de Tara, a été enlevée par Magister qui la retient prisonnière sur le Continent interdit, régi par les Dragons, alliés d'Omois, qui en interdisent l'accès. Il ne reste que quelques heures à vivre à la jeune femme, et seul le sang modifié de l'héritière pourra la sauver... Or Tara n'a toujours pas retrouvé ses pouvoirs. Bravant les dangers d'AutreMonde, Tara regagne le palais d'Omois et convoque d'urgence ses amis qui répondent fidèlement à l'appel. Tara parviendra-t-elle à sauver Betty des griffes de la Reine rouge et à tenir en échec son ennemi Magister ?

- Un petit extrait -

« Elle ouvrit une paupière. Bonne nouvelle, elle était vivante. Mauvaise nouvelle, elle était en prison. Encore. Boucler les gens au fond de cachots était une vraie manie sur cette planète ! Elle serait bientôt en mesure d'écrire un guide des geôles d'AutreMonde, avec un code de une à trois étoiles pour distinguer les meilleures : moins humides, mieux aménagées... »
- Mon avis sur le livre -

 Je ne sais pas quelle réaction m’attriste le plus lorsque j’évoque Tara Duncan : « c’est quoi ? je connais pas » ou « mouais, j’ai lu, c’est plutôt moyen, pour ne pas dire nul » … Je n’arrive toujours pas à déterminer ce qui est le plus frustrant : que cette fabuleuse saga soit si peu connue, ou bien qu’elle soit si mal aimée. A vrai dire, je ne comprends ni l’un, ni l’autre. Alors bien sûr, je suis souvent la première à pointer du doigt quelques menus détails un tantinet « cliché » ou « agaçant » (ceux qui me connaissent savent d’ailleurs que mon seul vrai « reproche » … c’est la présence d’amourettes adolescentes, que je déplore dans 99% de mes lectures, donc ce n’est clairement pas un défaut propre à la saga, c’est plutôt la faute au genre, qui exige visiblement des débordements hormonaux toutes les trois lignes), mais j’ai beau tourner la question dans tous les sens, je ne parviens décidément pas à comprendre pourquoi cette saga n’arrive pas à trouver sa juste place au sein de la littérature jeunesse. Alors je ne peux que croiser les doigts pour que la sortie du dessin animé redonne un second souffle à cette saga qui m’a accompagnée durant toute mon adolescence, qui a toujours su me redonner le sourire même dans les moments les plus difficiles, qui m’a permis de faire de magnifiques rencontres, parce qu’aimer Tara, c’est rejoindre les Taraddicts … et les Taraddicts sont une famille absolument merveilleuse !

Une fois encore, tout AutreMonde est en ébullition : la si puissante Tara Duncan, héritière du non moins puissant empire d’Omois, fraichement retrouvée après avoir une nouvelle fois sauvé l’univers de la folie mégalomane du dragon renégat … a perdu sa magie et a de nouveau disparu de la circulation. Réfugiée sous une fausse identité sur les terres d’un lointain cousin de sa mère, Baron de son état, la jeune fille exténuée par ses derniers exploits retrouve progressivement des forces et s’efforce de recoller les morceaux de son petit cœur brisé suite au départ de Robin, le demi-elfe. Mais le répit ne dure pas bien longtemps : son ennemi de toujours, l’ambitieux et mystérieux Magister, fait diffuser sur toute la planète son odieux chantage : il détient Betty, son amie terrienne. Pour la retrouver avant que le poison qu’il lui a inoculé fasse son effet, Tara doit absolument se rendre sur le continent interdit … Le souci étant, justement, que les dragons en gardent plus que jalousement l’accès et refusent catégoriquement d’expliquer ce qui se trouve sur ces terres. Poussée par le devoir et la culpabilité, Tara n’a toutefois pas l’intention de laisser ces lézards géants et leurs secrets l’empêcher de sauver celle qui fut sa première et meilleure amie avant que sa magie ne lui tombe dessus. Et pour réussir cette quête, Tara appelle à la rescousse ses plus fidèles amis … et doit également mettre sa fierté dans sa poche, car sans Robin, elle n’y parviendra pas.

Je parlais plus haut de littérature « jeunesse » … mais force est de constater que nous quittons doucement cette catégorie pour s’orienter progressivement vers une littérature nettement plus « adolescente ». Et pas seulement parce que nos héros commencent à se tourner autour en roucoulant comme des pigeons (merci Cal pour la comparaison) ou à se sauter dessus comme des lapins (une fois encore, merci Cal) … mais tout simplement parce que l’intrigue se fait de plus en plus complexe et sombre. Jusqu’à présent, tout ce que nous connaissions d’AutreMonde, c’est son côté fantasque, loufoque, coloré, merveilleux … mais désormais, nous découvrons ses aspects plus inavouables, plus glauques, plus obscurs. Les peuples d’AutreMonde sont bien loin d’être plus exemplaires que ceux de la Terre : chez eux aussi règnent le racisme et l’intolérance, mais aussi le culte des secrets et des manigances. Et pour illustrer cette sombre réalité, c’est Robin qui est mis à l’honneur dans cet opus : Robin, le chevalier servant déchu, aux oreilles trop pointues pour être autorisé à courtiser l’héritière d’Omois, mais trop rondes pour être respectés par les Elfes. Robin, le chevalier errant, cible des plus puissants de ce monde où les différents et les problèmes se règlent encore et toujours par la mort (si possible lente et douloureuse) du plus faible. Robin, qui pousse la chevalerie jusqu’à se convaincre qu’il mérite toutes ces souffrances pour avoir brisé le cœur de sa bien-aimé ….

C’est bien là le seul et plus gros défaut de ce tome, ainsi que je le disais en introduction : nous sombrons encore et toujours dans un horrible surplus de pathos à chaque fois que nos deux tourtereaux, tels Roméo et Juliette, songent l’un à l’autre … Préparez-vous à avoir besoin de rééducation orthoptique si vous avez tendance à lever les yeux au ciel à chaque simagrées pseudo-romantiques : c’est parfois un tantinet insupportable. Mais fort heureusement, l’annonce fracassante de Magister nous offre un divertissement bienvenu ! Nous pressentons que quelque chose de fort croustillant, et de terriblement dangereux bien sûr, se cache au cœur de ce mystérieux continent interdit, et comme nous ne risquons absolument rien, bien au chaud dans notre fauteuil de lecture préféré, nous frétillons d’avance à l’idée de voir nos héros se jeter dans la gueule du loup (et cette fois-ci, c’est presque littéral) ! Et plus les dragons, supposés être les êtres les plus puissants et les plus réfléchis de l’univers, se mettent à paniquer à l’idée que les habitants d’AutreMonde découvrent ce qu’ils ont cachés sur ces terres … mais surtout, semblent absolument terrifiés par ce qui s’y trouve, plus on a envie d’en savoir plus. Et comme on sait que, d’une façon ou d’une autre, notre chère Tara trouvera bien un moyen de s’y introduire, de gré ou de force, on s’empresse d’aller chercher le pop-corn pour profiter du spectacle … mais on perd quelque peu l’appétit lorsque nous découvrons l’autre côté du miroir, enfin de la barrière.

Car rien ne nous préparait vraiment à ce que Tara et ses compagnons vont affronter sur ces terres presque oubliées de tous. C’est tellement révoltant qu’on en quitterait bien volontiers notre petit fauteuil confortable et sécuritaire pour aider le Magicgang à sauver tous ces gens, victimes des cachotteries des dragons, victimes de la folie d’une Reine plus mégalomane et sanguinaire encore que tous les précédents ennemis de Tara. Magister en devient plutôt sympathique : au moins lui est relativement sain d’esprit, et même si son ambition démesurée le pousse à commettre bien des atrocités, il reste plutôt prévisible. Alors que là, nos jeunes sorteceliers vont devoir marcher sur des œufs très fragiles et rivaliser d’ingéniosité pour s’en sortir vivants … et sauver tout le monde par la même occasion. Car plus que jamais, Tara prend conscience de ses responsabilités : elle n’a certes pas demandé cette magie surpuissante, elle n’a certes pas demandé à être l’héritière du plus grand empire de la planète, mais elle ne peut pas renier ce qu’elle est, elle ne peut pas faire l’autruche et ne penser qu’à elle. Des centaines de milliers de personnes comptent sur elle, et elle ne peut moralement pas aller se planquer dans les jupes de sa mère : elle doit agir, pour la justice, pour la liberté. Elle doit agir, quitte à se mettre en danger, si c’est pour faire son devoir. Et à ceux qui estiment que c’est trop « noble », comme comportement … c’est tout simplement le propre du héros de fantasy !

En bref, vous l’aurez bien compris, même si je me suis efforcée de ne pas trop en dire pour laisser la surprise à ceux qui, je l’espère, souhaiteraient découvrir cette saga : c’est un tome comme je les aime, riche en surprises, en rebondissements, en mystères, en révélations ! Ça commence lentement, trop lentement même pour certains, mais c’est pour mieux faire monter crescendo la pression : alors qu’on a le sentiment que l’existence de notre pauvre Tara commence enfin à se simplifier et s’apaiser, de nouvelles catastrophes s’abattent à nouveau sur elle, la contraignant une fois encore à braver le danger alors qu’elle n’est qu’une adolescente qui ne demande rien de mieux que passer un peu de temps avec sa mère et sortir avec le garçon qu’elle aime. Plus ça avance, plus je plains notre petite Tara : elle est certes un peu agaçante par moment, mais elle n’en reste pas moins une jeune fille qui a beaucoup trop de responsabilités pour quelqu’un qui a déjà trop souffert en quatorze ans d’existence. Elle mériterait qu’on la laisse vivre un peu, plutôt que d’aller la chercher dès qu’il y a un souci, comme si les adultes avaient peur de prendre leurs propres responsabilités et préféraient lui rejeter les siennes à la figure pour mieux la contrôler … Ce qui est peut-être le cas, vu que la saga prend indéniablement un aspect plus politique ! Mais rassurez-vous, l’humour reste présent, toujours là pour faire baisser la tension et donner un fou rire au lecteur, au moment le plus impromptu !