Les aquatiques, Osvalde Lewat

Les aquatiques, Osvalde Lewat

Les aquatiques, Osvalde Lewat, Les escales, août 2021, 296 pages.

Le Zambuena. Pays imaginaire. Pays pourtant bien réel. Il existe ce Zambuena, sous un autre nom, sous d’autres noms, mais il existe malheureusement. Ce pays gangréné par la corruption, par les jeux de pouvoir. Ce pays où les pauvres vivent dans une misère terrible pendant que les hommes au pouvoir vivent dans l’opulence. Mais surtout ne rien montrer, ne pas le dire.

On a enterré Madeleine, la première fois, il y a vingt ans. Quelque part, au milieu de nulle part. Un enterrement bâclé, à la hâte, un peu à l’image de ce que fut sa vie.

Le roman débute sur ces phrases. Vingt ans après, elle aura un second enterrement, Madeleine, grandiose, en grande pompe, à l’image de ce qu’est la vie de sa fille, mariée à un homme politique influent.

Mais cette fille n’est pas heureuse, elle est tiraillée entre son frère de cœur, le sculpteur Samy, ses filles, son père, son mari, sa fonction de femme de préfet et cette mère qu’elle n’a pas réussi à pleurer, cette mère disparue alors qu’elle n’avait que 13 ans.

Pas simple d’être une femme dont le meilleur ami est homosexuel… et encore moins simple quand celui-ci décide de créer une série de tableaux photographiques baptisée Les aquatiques, du nom d’un quartier très pauvre, qui chaque année subit les inondations…

Ce roman est une tragédie. Katmé, l’héroïne est loin d’être sympathique, elle est pétrie de contradictions, sa vie n’est faite que de compromissions, on a envie de lui dire de se battre, de se libérer de son carcan, mais qui est-on, nous femmes occidentales libres, pour émettre un jugement ? Serions-nous capables dans de telles circonstances de nous échapper ? Ce roman, c’est son conflit intérieur, c’est pourquoi le lecteur n’adhère pas toujours à ce qu’elle fait, à ce qu’elle pense, à ce qu’elle dit.

Le livre démarre en douceur, j’ai eu du mal à entrer dans la première partie. En revanche, la seconde et la troisième partie, plus dures, avec des scènes très violentes, m’ont parfois bouleversée. On est malmené entre passages proches du burlesque (j’ai eu du mal à les apprécier) et passages à la limite du supportable tant ce qu’ils disent de la nature humaine est terrifiant.

Ce premier roman est prometteur et il permet de dénoncer une société africaine contemporaine plurielle, qui condamne les homosexuels à la prison à perpétuité, et la femme à se marier…

Mariée pour être la femme de quelqu’un, pour qu’on ne la traite pas de femme libre, de femme sans morale comme sa mère. Elle qui voulait tant la couronne de femme mariée, celle qui faisait au pays de toute femme adulte en âge de procréer une vraie femme, comment pouvait-elle songer, ne serait-ce qu’un instant, à s’en défaire ? Où reprend-on le cours de son existence quand depuis douze ans on vit sous couveuse ? Autrement, continuer. Écarter les jambes, concéder les va-et-vient brutaux dans le creux des reins, recevoir les gouttes de sueur sur le visage, la poitrine, compter les secondes, supporter les halètements, ne rien ressentir, serrer les lèvres, fermer les yeux, encaisser le jet liquide dans le vagin rétif, afficher un sourire comblé et hocher la tête à « c’était bon ? »…