Tu garderas le secret
Editeur : Rageot
Nombre de pages : 354Résumé : Katell, 15 ans, et ses frères emménagent brutalement avec leur mère en Bretagne, une région qu’elle a désertée vingt ans auparavant. Ils s’installent au Menez Hom, sur les terres de leur grand-mère Maria, morte dans de mystérieuses conditions. Là, Katell est initiée aux croyances druidiques. Elle tombe sous le charme de Tristan, un jeune surfeur, et se lie avec Nolwenn au lycée. Bientôt des hommes armés, à la recherche de « la pierre de la destinée », menacent sa famille. Katell maîtrisera-t-elle les forces de l’esprit pour les repousser ?
- Un petit extrait -- Mon avis sur le livre -« Jusqu'à ce jour, je n'avais eu que des parents et des frères, pas d'autre famille, pas d'autre histoire. Nous étions les premiers de notre race. Tout à coup apparaissait une lignée inconnue, une grand-mère dont j'ignorais jusqu'au nom. J'avais toujours pensé que mes parents, du moins ma mère, étaient fâchés avec leur propre famille, voire avec l'Armorique tout entière. Pour quelle raison ? »
Parmi les préjugés plutôt tenaces sur les catholiques, l’idée selon laquelle ils n’ont pas le droit de lire (ou de regarder) des romans (ou des films et séries) dans lesquels on parle de magie, de sorcellerie. Alors oui, certains catholiques extrémismes (je ne me fais pas d’illusion, ça existe chez nous aussi) vont jeter au bucher tout livre dans lequel est ne serait-ce évoqué qu’une fois la magie, le surnaturel, le paranormal, les lutins ou les dragons … Mais en réalité, tant qu’on a parfaitement conscience que ce n’est qu’un roman, qu’un film, bref, que de la fiction, qu’on ne se dit pas que toutes ses pratiques sont réelles et qu’on aimerait volontiers les pratiquer, rien ne nous interdit d’en lire, d’en regarder, et même d’apprécier. C’est une question de bon sens, en réalité, mais à mes yeux, ça ne concerne pas seulement les catholiques : il serait très mauvais pour tout à chacun de s’imaginer qu’Harry Potter va réellement débouler sur un balai ou que Peter Pan va véritablement embarquer des enfants au Pays Imaginaire … Donc voilà, au mépris des préjugés, me voici une nouvelle fois plongée dans une saga de fantastique, avec des druides, de la magie et autres réjouissances ! Et sans le moindre scrupule !
Katell et ses trois frères ainés sont de purs citadins : pour rien au monde ils ne quitteraient Paris ! Et pourtant … A la mort de la grand-mère (première nouvelle : ils avaient une grand-mère ?), les voici obligés de déménager immédiatement (et pourquoi donc ?) au beau milieu de nulle part, autrement dit en Bretagne. Et comme s’il n’était pas assez difficile pour eux de quitter leur lycée au beau milieu de l’année scolaire pour aller s’installer dans un village où il n’y a ni réseau ni internet, voici qu’ils apprennent que leur fameuse et mystérieuse grand-mère était une des plus grandes druidesses du monde celtique, qu’elle a été assassinée par un Lord anglais bien décidé à récupérer certains artefacts sacrés des druides, et qu’ils sont tous potentiellement en danger. Pire encore : tout le monde est absolument persuadé que Katell est une future druidesse, pour ne pas dire une future grande druidesse, voire plus encore. Mais Katell n’a absolument aucune envie de devenir une druidesse : tout ce qu’elle veut, c’est se faire de nouveaux amis dans son nouveau lycée, et peut-être se rapprocher du beau Tristan qui fait battre son cœur beaucoup trop vite à chaque fois qu’elle le croise ! Mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut : pour protéger les siens, Katell va devoir accepter son héritage. Et vite.
Je pense que j’aurai nettement plus apprécié ce roman si j’avais encore 11 ou 12 ans … là, je l’ai trouvé plutôt sympathique, mais sans plus. Déjà, ça fait bien longtemps que je ne suis plus une grande adepte des récits à la première personne, en particulier quand la narratrice et héroïne est encore une adolescente bourrée d’hormones : inévitablement, j’ai envie de baffer ladite narratrice et héroïne toutes les deux pages car son cerveau disjoncte dès qu’elle rencontre un « beau gosse » ou qu’elle est prise d’en envie subite de faire de l’humour (absolument pas drôle) au beau milieu d’une situation sérieuse, voire parfois dramatique. Et Katell n’a pas fait exception à la règle : plus de la moitié du temps, elle me désespérait, m’agaçait, m’énervait presque. Que fait-elle lorsque sa mère est enlevée par un dingue et qu’elle est la seule à pouvoir la sauver ? Elle s’en va batifoler sur la plage avec un illustre inconnu, certes très mignon, mais tout de même ! Elle est supposée avoir quinze ans, pas dix ! Et comme si cela ne suffisait pas, elle passe son temps à geindre, à chouiner, à bouder. Elle se plaint de ses frères ainés, qui sont certes des adolescents bien balourds et pas très futés, mais elle ne vaut pas mieux qu’eux, en réalité ! C’est vraiment dommage que Katell soit aussi insupportable, car l’histoire avait tout de même un certain potentiel, qu’elle piétine allégrement en se comportant comme la pire des cruches …
Car l’histoire, quant à elle, si elle est par moment assez « clichée » et prévisible, n’en reste pas moins assez captivante. Nous découvrons rapidement que la fameuse grand-mère n’est pas morte de mort naturelle : gardienne d’un artefact précieux pour la communauté druidique, la vieille dame a refusé de céder à l’odieux chantage qui lui était fait, préférant donner sa vie que de laisser la coupe tomber entre de mauvaises mains. Mais l’homme sans scrupule est loin d’avoir dit son dernier mot : il tient coute que coute à récupérer ces objets de pouvoir, et ne recule devant rien pour parvenir à ses fins … Tandis que le compte à rebours s’égrène, tandis que l’ultimatum approche, la tension monte crescendo. Car même si on sent bien que tout sera bien qui finira bien – c’est obligé, vu le ton très jeunesse du récit –, on est suffisamment happé par l’histoire pour se sentir quelque peu fébrile, anxieux, par moment. L’intrigue n’est certes pas des plus originales, la plupart des « révélations » supposées être « fracassantes » sont en réalité très prévisibles, sans parler de certains coups de théâtre qui tombent quelque peu à plat car vus et revus, mais le lecteur se laisse tout de même entrainer : parfois, savoir où on va, c’est bien aussi. C’est une histoire sans prise de tête, qui ne nous fait pas de nœud au cerveau pour comprendre les enjeux : un vilain méchant veut à tout prix obtenir ces artefacts, il faut à tout prix les protéger, c’est simple et efficace, pas besoin d’en faire plus pour être palpitant, parfois !
Mais ce qui manque le plus à cette intrigue, finalement, c’est un peu de magie. A quoi bon insister si lourdement sur les soi-disant dons que sont supposés avoir les druides, si c’est pour ne jamais les montrer ? A quoi bon nous préciser si longuement que le solstice va être une cérémonie grandiose, si c’est pour finalement se contenter d’allumer un grand feu et de faire s’évanouir l’héroïne, notre seule et unique narratrice, au bout de quelques minutes ? A quoi bon, d’ailleurs, nous annoncer sans cesse que Katell doit « absolument » être initiée, s’il s’agit seulement de la faire regarder bêtement, jour après jour, une misérable mare d’eau ? Je trouve ça vraiment dommage, car dès le début, on nous fait miroiter quelque chose de vraiment grandiose, spectaculaire, et finalement, c’est comme si l’autrice avait eu peur d’aller au bout des choses, comme si elle avait préféré contourner précautionneusement toute plongée dans le fantastique … alors qu’on nous le vend comme un récit fantastique. Au bout d’un moment, il faut être cohérent : si les druides ont des dons, si Katell est aussi forte qu’elle est supposée l’être, et bien il faut l’assumer, il faut s’en servir dans l’histoire, et non pas seulement faire des promesses au lecteur pour ensuite le laisser sur sa faim. Sinon, on ne parle pas de magie, tout simplement : ça déçoit inutilement le lecteur, et c’est pas très respectueux, surtout quand on écrit pour des jeunes.
En bref, vous l’aurez bien compris, je suis relativement mitigée face à ce premier tome : d’un côté, j’ai apprécié cette plongée au cœur des traditions druidiques, au cœur de la culture celtique … mais de l’autre, je suis un peu déçue car l’histoire ne tient pas toutes ses promesses et que l’héroïne est absolument insupportable. D’un côté, j’ai envie de lire le second et dernier tome car j’ai envie de savoir comment tout ceci va évoluer et se finir, mais de l’autre, j’ai d’ores et déjà le sentiment que je serai déçue, que l’autrice va encore nous faire miroiter des trucs dingues pour ensuite tout régler par un tour de passe-passe. En fait, j’ai comme le sentiment que l’autrice elle-même s’est perdue, qu’elle ne savait pas trop où elle voulait nous emmener, alors elle a ajouté mystère sur mystère, sans se rendre compte qu’aucun de ces mystères n’en était véritablement un tant ils étaient faciles à percer, et surtout, elle a dû se dire qu’il suffisait de distraire Katell (et le lecteur par la même occasion) par un garçon pour ne pas avoir besoin de creuser plus profondément l’intrigue principale … Ça marchera peut-être pour les petites pré-adolescentes encore en quête du prince charmant mystérieux, mais ça ne peut assurément pas marcher pour un lecteur un peu plus mature, un peu plus coutumier du genre, qui au mieux s’ennuiera, au pire laissera tomber tant il sera agacé qu’on lui fasse ainsi de fausses promesses …