L’année suspendue, de Mélanie Fazi, Dystopia, 2021, 297 pages.
L’histoire
Comme dans le livre précédent, il est question ici d’une expérience personnelle et subjective. Le texte parle du vertige de se découvrir autiste à plus de quarante ans, du chemin compliqué, intérieur et extérieur, qui mène au diagnostic et à l’acceptation de soi, du soulagement de découvrir enfin son propre mode d’emploi.
Mon humble avis
Ce livre était dans ma wishlist depuis un petit moment, vous imaginez donc ma joie quand j’ai pu le recevoir dans le cadre d’une Masse critique – je remercie Babelio et les éditions Dystopia pour l’envoi de ce livre en échange d’une chronique.
Je ne sais plus comment j’ai découvert l’autrice, mais c’était par contre à travers ses écrits de non-fiction – elle est par ailleurs autrice de nouvelles et romans en SFFF, contributrice du podcast Procrastination, entre mille autres choses ! Dans son premier livre de non-fiction, auquel il est fait référence dans la quatrième de L’année suspendue mais aussi tout au long du livre, Nous qui n’existons pas relate son non-désir de couple et la découverte de son aromantisme. Je ne manquerai pas de le lire dans le futur ! De même pour ses fictions d’ailleurs.
L’autrice documente ici son questionnement par rapport à un éventuel trouble du spectre autistique (le fameux « TSA ») la concernant, toutes ses interrogations, puis toutes les démarches qu’elle entreprend pour obtenir un diagnostic. Comme j’ai plusieurs ami⋅es neuro-atypiques – diagnostiquées ou non – et que le sujet m’intéresse, j’étais déjà au courant d’un certain nombre de choses, notamment la difficulté pour les femmes adultes d’obtenir un diagnostic et le nombre d’entre elles qui se retrouvent diagnostiquées assez tard. De même pour les délais assez hallucinant dans le public pour avoir des rendez-vous, ce qui fait que les personnes qui peuvent se le permettre se tournent souvent vers le privé où le diagnostic n’est pas pris en charge mais peut être obtenu plus rapidement (et par cela j’entends, en une année environ au lieu de trois…). Cela n’empêchait pas du tout l’intérêt que j’avais pour la lecture de ce livre.
Ce que j’ai le plus apprécié, c’est la démarche d’introspection que l’autrice entreprend. Avec cette possibilité de diagnostic, l’autrice passe en revue certains de ses souvenirs, de ses intérêts, de ses interactions sociales réussies ou non pour voir si un TSA permet une nouvelle lecture de tout cela. L’exercice me semble assez complexe à faire, déjà sans avoir à le documenter, mais Mélanie Fazi ne rechigne pas à se remettre en question et à partager ses doutes. J’ai trouvé le tout très courageux de sa part et cela soulève aussi l’importance de connaître ses propres comportements et besoins – qu’on soit neuro-atypiques ou pas – pour éviter les frustrations et mieux appréhender le quotidien.
Parfois, il semble que je fasse trop d’efforts, qui créent une sorte de malaise, et parfois, pas assez. J’ai compris récemment qu’il m’est souvent difficile d’estimer mon degré exact de proximité avec quelqu’un. À quel moment sait-on qu’on devient proches, qu’une connaissance devient un ami, que l’on peut commencer à partager certaines choses, et lesquelles exactement ?
p. 40
Je recommande chaudement ce livre, d’autant plus si vous vous demandez si un diagnostic TSA pourrait vous correspondre, mais même si ce n’est pas le cas, L’année suspendue est une fenêtre dans le fonctionnement, les doutes et les atouts de Mélanie Fazi et vaut la lecture pour cela. Enfin, ce livre rappelle l’importance d’un diagnostic, le soulagement et la possibilité ensuite de communiquer plus facilement à son entourage (même si, évidemment, on devrait pas avoir besoin d’une « validation » médicale pour pouvoir se livrer à son entourage, dans les faits c’est souvent plus facile et mieux reçu…).
Être dans sa bulle, je le comprends désormais, ce n’est pas ignorer la présence des autres ou ne pas s’en rendre compte. C’est au contraire en avoir une conscience aiguë, percevoir chaque chose avec une telle acuité qu’elle en devient douloureuse. La plupart du temps, je ne ressens tout ça que sous la forme d’un stress trop vague pour que je lui aie donné un nom jusqu’à récemment. Mais parfois, j’ai besoin que les gens s’écartent, qu’ils me laissent respirer, recharger mes batteries, pour mieux les retrouver ensuite. Je cherche le calme et ne le trouve nulle part.
p. 96