Chevalier Errant - John Jackson Miller

Chevalier Errant - John Jackson MillerChevalier errant, John Jackson Miller

 Editeur : Pocket

Nombre de pages : 461

Résumé : La République est en crise. Les Sith rôdent et se disputent la domination de la galaxie. Mais une Jedi solitaire, Kerra Holt, s’est donné pour mission d’éliminer les Seigneurs Noirs. Ses ennemis sont nombreux : le Seigneur Daiman, qui s’imagine être le créateur de l’univers ; le Seigneur Odion, qui a pour but d’en être le destructeur ; les curieux jumeaux Quillan et Dromika, ou encore l’énigmatique Arkadia. Tant de Sith rivaux formant un patchwork de brutalité avec, pour unique obstacle, Kerra Holt. Sa seule chance de survie : forger des alliances avec ceux qui servent ses ennemis, sans savoir s'ils l'assisteront jusqu'au bout... ou causeront sa perte.

- Un petit extrait -

« Rusher leva les yeux au ciel. C'était surréaliste.

-Un chevalier errant qui parcourt seul l'Espace Sith, c'est ça ? Pour sauver le corps étudiant par monts et par vaux ?

-Non, ça c'est une première, dit Kerra sans humour. D'habitude, je sauve plutôt des planètes entières. »

- Mon avis sur le livre -

 L’univers étendu de Star Wars porte merveilleusement bien son nom : à travers les récits des divers auteurs qui se prêtent au jeu, nous nous aventurons bien plus loin, à la fois dans le temps et dans l’espace, que ce pouvaient bien nous laisser imaginer les seuls films. N’allons pas nous mentir : il y a amplement de quoi s’y perdre, et il faut parfois s’accrocher pour tenter de reconstituer une chronologie à peu près cohérente, et bien souvent accepter de lâcher prise au lieu de chercher à savoir nous sommes précisément … Au moment de me lancer dans cette audacieuse et ambitieuse entreprise, moi qui ne suis finalement qu’une petite téléspectatrice du dimanche, moi qui ne joue aux jeux vidéo ni ne lis les comics, j’avais légèrement peur d’être totalement et absolument larguée, perdue, dépassée. En réalité, je ne connaissais quasiment rien à cet univers, j’aimais juste les films … Mais la très bonne surprise, c’est qu’il n’est finalement pas nécessaire d’être un grand connaisseur pour profiter de ces romans : le plus important, c’est finalement de savoir ce qu’est la Force, de savoir que les Sith du Côté Obscur sont les méchants et les Jedis du Côté Lumineux les gentils et de savoir qu’il y a des tas d’espèces extraterrestres sur des tas de planètes aux noms bizarres. Pour la suite, il suffit de se laisser guider …

« Dans l’espace Sith, il n’y a que des esclaves ». Tout en guerroyant allégrement les uns contre les autres pour agrandir toujours plus leur territoire galactique respectif et assouvir toujours plus leur soif de puissance et de gloriole, les Seigneurs Sith asservissent tout aussi allégrement les populations qui ont le malheur d’habiter sur les planètes qu’ils dominent. Bien décidée à mettre fin à ces cruelles tyrannies et à libérer les peuples des chaines qui les oppriment depuis des décennies, une jeune Jedi solitaire et insaisissable parcourt inlassablement ce tortueux espace Sith. Mais lorsque Kerra débarque dans l’ère d’influence du Seigneur Daiman, psychosé aux yeux vairons persuadé d’être le créateur du monde, elle est bien loin d’imaginer qu’elle vient de mettre le pied dans une fourmilière qui dépasse tout ce qu’elle pouvait imaginer. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle se retrouve au beau milieu d’une guerre fratricide et assiste à l’alliance contre-nature de ces deux frères ennemis contre leur « allié » commun … Et surtout, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle devient la responsable d’une véritable armée de gosses innocents, utilisés comme appâts vivants par ces deux cinglés. A bord d’un vaisseau rempli de mercenaires, la jeune femme doit à tout prix trouver un refuge pour ces centaines de gamins. Et rapidement. Car le danger Sith rode toujours, même là où on s’y attend le moins …

Quand on dit « Star Wars », on s’imagine forcément des ribambelles de batailles spatiales parsemés d’explosions grandiloquentes ou des myriades de combats au sabre laser saupoudrés de sauts périlleux en arrière et autres acrobaties … Si c’est ce que vous appréciez le plus dans cet univers, vous risquez d’être un tantinet frustrés par ce roman : bien sûr, on y trouve quelques faces à faces dans l’espace, et bien sûr, notre Jedi tranche quelques cous à l’aide de son arme lumineuse … mais sans plus. Car Kerra ne peut pas se permettre d’attirer l’attention : elle ne peut compter que sur elle-même, et mise donc plus sur la discrétion. Voyageant de région galactique en région galactique, la jeune Jedi solitaire passe de tyrannie Sith en tyrannie Sith, bien décidée à libérer tous ces pauvres gens ployant sous la domination de Seigneurs aussi cruels qu’ingénieux. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que tous ces Seigneurs noirs mégalomanes ont de la suite dans les idées quand il s’agit d’asservir leurs sujets et d’assouvir leur soif de grandeur, de puissance et de pouvoir. Il y a quelque chose de glaçant dans l’obsession de ces êtres à convaincre et se convaincre qu’ils sont les plus grands, les plus forts, les plus importants … et dans les moyens qu’ils utilisent pour s’assurer de l’obéissance et de la servitude de ces êtres qui leur sont soumis. Pour eux, il n’existe absolument rien d’autre que cet objectif : dominer l’univers.

Tout commence donc par la quête, que l’on ne peut s’empêcher de qualifier de « désespérée », de Kerra pour libérer un à un tous ces peuples opprimés par l’égocentrisme démesuré de ces Seigneurs Sith … qui semblent tous prêts à basculer, voire déjà totalement enfoncés, dans la folie la plus absolue. Au point qu’on ne sait plus vraiment s’ils sont encore blâmables ou non : il ne fait aucun doute que Daiman est viscéralement convaincu d’être le Créateur tout puissant de l’univers, viscéralement convaincu qu’il contrôle absolument tout, viscéralement convaincu que rien n’existe véritablement en dehors de lui. On ne sait pas s’il a fini par succomber à sa propre propagande ou s’il a toujours été persuadé de cet état de fait, mais le résultat est le même : Daiman est esclave de cette pensée délirante qui le pousse à asservir les autres comme de vulgaires créatures. Au même titre que les jumeaux Quillan et Dromika, les « enfants-rois » élevés par des droïdes nourrices, sont prisonniers de leur chambre tout en étant les oppresseurs de leur peuple. On se rend finalement compte que les choses sont loin d’être aussi manichéennes que les apparences ne peuvent le laisser croire, et que quelque chose de bien plus vaste est à l’œuvre. Quelque chose de plus dangereux encore.

A vrai dire, je suis un peu abasourdie : alors que le roman ne fait « que » 460 pages, j’ai le sentiment d’avoir lu une trilogie entière tant le récit est foisonnant … mais sans pour autant ressentir la moindre précipitation, hormis peut-être dans les trente dernières pages ! Le rythme est vraiment trépidant, il n’y a absolument aucun temps morts, et l’auteur a su distiller progressivement des petits détails suffisamment intrigants pour qu’on sente qu’il y a définitivement quelque chose qui ne tourne pas rond du tout dans toute cette affaire. Il nous laisse croire qu’on en sait plus que l’héroïne, qu’on a compris avant elle le piège dans lequel elle est en train de se jeter la tête la première. Et … on tombe complétement dans le panneau, et quand la révélation arrive, on s’attendait absolument à tout, sauf à ça. C’est tout bonnement inattendu, à la limite de l’impensable, de l’inconcevable. Ils sont vraiment tordus, chez les Sith, voilà la certitude qui nous habite une bonne fois pour toutes une fois que nous avons tourné la dernière page de ce roman. Et c’est justement pour cela qu’on aimerait, finalement, en savoir plus : maintenant qu’on sait ce qui se cache derrière ces incessantes guerres de territoires, ces dernières deviennent à la fois plus terribles et plus intéressantes. Tout est chamboulé : ce n’est plus « seulement » la folie des grandeurs, mais quelque chose de bien plus sombre encore, et ça promet assurément des machinations complexes à souhait ! Malheureusement, ce sera sans le lecteur : la fin nous laisse sur notre faim.

En bref, vous l’aurez bien compris, c’est un roman qui n’a cessé de me surprendre ! Il faut dire que l’auteur a fait preuve d’une certaine audace : il est le premier (peut-être même le seul) à avoir exploré cette « période » de la vaste chronologie Star Wars. Il a donc pu faire absolument tout ce qu’il souhaitait : il ne s’est donc pas contenter d’emprunter furtivement l’univers pour y implanter son histoire, bridé par le contexte et les événements déjà fixés par d’autres, il s’est véritablement approprié toute une ère inexplorée pour la modeler à sa guise, pour y insuffler sa propre vision des choses … C’est vraiment dommage qu’il n’ait pas eu la possibilité d’exploiter plus longuement ces fabuleuses idées, car j’ai vraiment trouvé tout ce qu’il a mis en place absolument fascinant. Tordu, malsain, mais fascinant, car très différent de tout ce à quoi l’univers Star Wars nous avait habitué : on est dans du Game of Throne galactique, ça complote de partout, ça contre-complote de partout, ça se manipule les uns les autres et ça se fait manipuler par les uns et les autres, c’est grandiose … Mais ça se termine en queue de poisson. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce n’est « que » une bonne lecture, et pas une excellente : ça se dénoue trop rapidement, trop facilement, et c’est une fin ouverte absolument inadmissible après un récit d’une telle ampleur. C’est comme si l’auteur, ne sachant pas comment terminer « en beauté », n’avait plus rien d’autre à nous propose qu’une fin digne des Disney les plus niais ! Et ça, ça c’est dommage … Mais bon, nul n’est parfait !