Thérèse Desqueyroux • François Mauriac

Thérèse Desqueyroux François Mauriac

Thérèse Desqueyroux • François Mauriac

Éditions Le livre de poche, 2002 (148 pages)

Ma note : 17/20

Quatrième de couverture …

Pour éviter le scandale et protéger les intérêts de leur fille, Bernard Desqueyroux, que sa femme a tenté d’empoisonner, dépose de telle sorte qu’elle bénéficie d’un non-lieu. Enfermée dans sa chambre, Thérèse tombe dans une prostration si complète que son mari, effrayé, ne sait plus quelle décision prendre. Doit-il lui rendre sa liberté ? Dans ce livre envoûtant, François Mauriac a réussi un fascinant portrait de criminelle. 

La première phrase

« L’avocat ouvrit une porte. Thérèse Desqueyroux, dans ce couloir dérobé du Palais de justice, sentit sur sa face la brume et, profondément, l’aspira. »

Mon avis …

Quel curieux roman ! Cela fait déjà quelques jours que j’ai refermé Thérèse Desqueyroux, et je peine à trouver les mots justes pour en parler. Reste que je vous invite à découvrir (si ce n’est déjà fait) ce classique de la littérature.

Bordeaux. Une femme sort discrètement du palais de justice. Thérèse Desqueyroux vient de bénéficier d’un non-lieu pour tentative de meurtre. L’honneur de la famille est sauf, surtout pour son père, un homme politique de la commune dont tous nos personnages sont originaires.

Le hic : si Thérèse ne croupira pas en prison, tous la savent coupable. Son père. Son avocat. Mais aussi son mari, qui a failli mourir empoisonné. Thérèse Desqueyroux appréhende d’autant plus le retour sur ses terres, dans la propriété d’Argelouse, qu’elle ignore tout à fait comment son époux va la réaccueillir. Sur le chemin qui la ramène vers les siens, Thérèse s’interroge, cherche à expliquer ce pourquoi elle a tenté de commettre l’irréparable : tuer son mari.

Pour écrire ce roman publié en 1927, François Mauriac s’est inspiré d’une affaire célèbre. En 1905, un médecin porte plainte contre Henriette Canaby, accusée d’avoir falsifié une ordonnance pour se procurer des produits toxiques. Emile Canaby, courtier en vin, témoignera en faveur de son épouse, surtout dans l’idée de sauver les apparences.

Thérèse Desqueyroux signe avant tout ma rencontre avec François Mauriac. Rencontre réussie puisque j’ai eu un énorme coup de cœur pour la plume de cet écrivain français. J’ai aimé l’importance accordée au choix des mots, j’ai adoré ce style métaphorique si particulier. Je me suis retrouvée à humer l’odeur des pins après la pluie, à écouter le vent dans les branches des arbres, à ressentir la solitude vécue par Thérèse. Sans compter que cette plume possède un parfum suranné, que j’ai beaucoup aimé. L’écriture de François Mauriac me restera longtemps en tête.

Cette lecture aurait pu être un coup de cœur absolu, si ce n’est que je n’ai ressenti absolument aucune empathie pour nos personnages. Thérèse Desqueyroux nous raconte avant tout la rencontre entre une femme peu commune, Thérèse, et un homme très commun, Bernard. Si j’ai réussi à comprendre le ressenti de solitude et la détresse de Thérèse, je n’ai pas été touchée par son malheur. Celui d’un mariage arrangé, comme cela se pratiquait beaucoup autrefois.

Nous suivons le fil des pensées de Thérèse qui reste très centrée sur elle-même, car malheureuse et sans doute au bord de la dépression. Personne ne semble s’intéresser à elle, encore moins lorsqu’il s’agit de lui témoigner de l’affection. J’aurais pu éprouver un brin de sympathie à son égard, et ce malgré l’acte qu’elle a pu commettre. Il n’en a pas été ainsi. J’ai cherché à la comprendre, mais j’ai surtout détesté son absence de culpabilité et tout ce qu’elle a pu mettre en place (par pure jalousie) envers le personnage d’Anne de La Trave, la sœur de son mari. Thérèse est pour moi un personnage complexe, mais peu sympathique.

Reste que la plume magistrale de François Mauriac vaut à elle seule le détour. Je pense que Thérèse Desqueyroux fera partie de mes lectures les plus marquantes pour cette année 2022.

Extraits …

« Ils traversèrent la place : des feuilles de platane étaient collées aux bancs trempés de pluie. Heureusement, les jours avaient bien diminué. D’ailleurs, pour rejoindre la route de Budos, on peut suivre les rues les plus désertes de la sous-préfecture. Thérèse marchait entre les deux hommes qu’elle dominait du front et qui de nouveau discutaient comme si elle n’eût pas été présente ; mais gênés par ce corps de femme qui les séparait, ils le poussaient du coude. Alors elle demeura un peu en arrière, déganta sa main gauche pour arracher de la mousse aux vieilles pierres qu’elle longeait. Parfois un ouvrier à bicyclette la dépassait, ou une carriole ; la boue jaillie l’obligeait à se tapir contre le mur. »