Terra Nullius – Victor Guilbert

De plaisantes retrouvailles avec l'inspecteur Hugo Boloren, croisé l'an passé dans Douve. Alors qu'il accompagne sa mère dans une clinique lilloise pour un rendez-vous avec un spécialiste de la maladie d'Alzheimer, il apprend la violente agression dont a été victime un enfant d'une douzaine d'année dans une immense décharge publique située à la frontière franco-belge. Intrigué par cette zone de non-droit, appelée Terra Nullius et par le sort réservé aux laissés-pour-compte du camp voisin, Hugo rencontre l'équipe lilloise qui mène l'enquête et se retrouve plongé dans une sordide affaire.

La Terra Nullius a une place importante dans cette enquête, un no man's land fascinant et effrayant : une décharge à ciel ouvert aux portes de Lille, où vivent les exclus dans le dénuement le plus complet, au milieu des immondices... J'ai cru au début du roman entrer dans une dystopie: cette zone de non-droit dont la France et la Belgique se rejettent la responsabilité n'existe pas mais à l'allure où vont les choses pourquoi ne pas l'imaginer dans un futur proche. On pense au camp de migrants de Calais, aux bidonvilles que l'on voit fleurir aux portes des grandes métropoles... C'est étrange à dire mais l'univers sombre et désabusé que nous présente Victor Guilbert a quelque chose de surréaliste tout en restant très proche de la réalité: cela interpelle. De même que l'histoire émouvante et choquante de Jimcaale, ce petit somalien, super-héros de la décharge, qui se fait violemment agressé et se retrouve à l'hôpital dans le coma. Il est sur le point d'être " débranché " dans les six jours s'il ne refait pas surface... Un contexte donc assez surréaliste, tout comme le personnage central, cet inspecteur " lunaire " qui ne respecte pas les règles et se retrouve à élucider une enquête qui n'est pas la sienne.

Hugo Boloren est un personnage qui me plait énormément. J'aime son flegme, son côté perché, contemplatif, rêveur et pourtant si perspicace. Il résout ses enquêtes à l'instinct, ou plutôt il suit " sa bille ", son intuition qui lorsqu'elle arrive éclate tout sur son passage comme dans un jeu de quille. Le problème est que cette bille irremplaçable, sans laquelle il n'est rien, croit-il, semble l'avoir laissé tombé, depuis Douve, village emblématique et mystérieux où il a appris de lourds secrets sur son propre passé. Il est assez nombriliste, il pense (je ne sais pourquoi) qu'une paléontologue serait capable de résoudre ses problèmes personnels!!! Sans sa bille, voilà son cerveau réduit à " un coup de krick sur une moto en panne " , à moins qu'elle ne reprenne du service avant la fin du roman ? Alors dépourvu de bille, l'inspecteur Boloren se rabat sur le chocolat et sur la bière lilloise dont il raffole depuis qu'il a mis les pieds dans la capitale du Nord... Entouré d'une équipe accueillante (les fameux gens du Nord), il évolue comme sur un nuage dans cette sombre enquête qui le mènera sur plusieurs fausses pistes avant de découvrir le fin mot de l'histoire et de nous réserver un final à la Hercule Poirot en convoquant tous les protagonistes de l'affaire pour un dénouement totalement inattendu.

La plume de Victor Guilbert est subtile, tout est réuni pour donner envie de suivre le personnage d'Hugo Boloren, même si au centre du roman j'avais envie que l'enquête avance un peu plus vite, mais l'originalité du personnage l'emporte ! Je remercie les Editions Hugo Thrillers et Babelio pour ce roman obtenu dans le cadre d'une opération Masse critique Privilégiée