Editeur : Pocket Jeunesse (PKJ)
Nombre de pages : 406
Résumé : Coyote, douze ans, vit avec Rodeo, son père, dans un bus scolaire. Ensemble, ils sillonnent les États-Unis au gré de leurs envies, embarquant parfois quelques autostoppeurs à l’âme en peine. Quand Coyote apprend que le parc de son enfance va être détruit, elle décide de tenter l’impossible : traverser le pays en moins de quatre jours pour arriver avant les bulldozers. Un défi de taille, puisque Rodeo a juré de ne jamais retourner sur les lieux qui abritent leurs plus précieux souvenirs.
- Un petit extrait -- Mon avis sur le livre -« Je suis peut-être un peu brisée. Peut-être un peu fragile. Mais je pense à Val, à Salvador, à Lester, et je me dis que ça va. Peut-être qu'on est tous un peu brisés ? Et un peu fragiles ? C'est peut-être pour ça qu'on a tellement besoin les uns des autres ? »
Durant toute mon enfance, puis mon adolescence, je me suis demandée ce que cela faisait, d’avoir des amis. Cela me semblait absolument merveilleux, fabuleux, mais à quel point ? A quoi ressemblait la vie avec un ami ? Moi qui ne connaissais, au mieux, que la solitude et, la plupart du temps, le rejet pur et simple de la part de mes « petits camarades de classe », je peinais à imaginer ce que ça pouvait être, d’être non seulement acceptée mais aussi appréciée. Je rêvais de cette Amitié, sans vraiment savoir ce que je cherchais véritablement, sans vraiment oser espérer la trouver un jour : j’ai appris à me méfier des espoirs et des rêves, car plus on les nourrit, plus on est déçu lorsqu’ils sont brisés. Et puis, alors que je pensais avoir fait le deuil de cette Amitié qui m’apparaissait de plus en plus illusoire, la vie a placé sur mon chemin de vraies amies. De ces amitiés discrètes mais solides, sans aucun doute moins « fusionnelles » que celles dont on rêve enfant, mais autrement plus profondes et indispensables. Désormais, je peux répondre à la question qui m’a si longtemps taraudée : avoir des amis, c’est encore plus merveilleux, fabuleux, que je ne l’imaginais. Il y a quelque chose de magique dans le fait de recevoir, un beau matin, un petit colis de livres car une amie a senti qu’on n’avait pas le moral, même si on ne lui a pas dit clairement … Et il y a quelque chose d’encore plus magique quand cette amie a su trouver exactement les livres dont on avait besoin pour aller mieux. Alors mille mercis, Aurélia, d’être une si bonne amie, merci, merci, merci !
En l’espace de cinq ans, Coyote, treize ans, a fréquenté plus de stations-services, aires de repos, portions d’autoroute ou parkings que tous les autres adolescents de son âge n’en verront de toute leur existence : depuis cinq ans maintenant, Coyote et son père – pardon, son Rodeo – sillonnent les routes à bord de leur bus scolaire réaménagé en maison ambulante. Cinq ans à rouler d’un bout à l’autre des Etats-Unis au gré de leurs envies, sans jamais jeter un seul coup d’œil en arrière : l’important, c’est ce qu’il y a devant, pas question de ressasser sans cesse le passé, celui-ci est bien et bien terminé et n’apporte rien de bon. Cinq ans de petites habitudes bien rodées, de petits rituels bien exécutés. Jusqu’au jour où tout a commencé à déraillé. Tout d’abord, il y a eu Ivan : le plus adorable petit chaton que le monde ait jamais porté, et que Coyote a adopté sur un coup de tête sur le parking d’une station-service, sans demander la permission à Rodeo, qui aurait à coup sûr désapprouvé la présence de ce petit animal dans son bus, et plus encore le besoin de Coyote de se lier à un autre être vivant que lui. Et puis, il y a eu l’annonce fracassante de sa grand-mère, au téléphone : le parc de sa ville natale va être détruit, pulvérisé par des bulldozers implacables, qui n’ont absolument aucune idée du trésor qui se cache au creux des racines d’un des arbres. Et il est absolument hors de question pour Coyote de les laisser faire cela … Mais comment convaincre Rodeo de retourner là-bas, là où tout a basculé, lui qui refuse catégoriquement de laisser le moindre souvenir refaire surface ?
Attachez bien vos ceintures : ouvrir ce livre, c’est plonger dans un road-trip des plus mouvementés en compagnie d’une « joyeuse » équipée haute en couleur. Il y a tout d’abord le « noyau dur » : Coyote et Rodeo. Ils sont tout l’un pour l’autre … sauf peut-être ce qu’ils devraient être : un père et sa fille. Terrassés par le drame qui les a jeté sur les routes il y a cinq ans, ils refusent (ou plutôt, Rodeo refuse, Coyote brave parfois cet interdit) d’évoquer ou même de penser à leur passé. De se souvenir de ce qu’ils ont perdus. De ce qu’ils étaient avant que la vie ne les transforme en quelqu’un d’autres : ils étaient un père, un mari, une fille, une sœur, et ils ne sont plus qu’un homme veuf et sa fille orpheline de mère. Amputés d’une partie de leur identité. Mais tâchant de se convaincre qu’ils s’autosuffisent, qu’ils sont très bien tous les deux, qu’il leur suffit de veiller l’un sur l’autre et de veiller à ne jamais laisser le passé les rattraper. Et pour cela, la meilleure solution, c’est de fuir. De rouler. Sans jamais s’arrêter plus de quelques heures. De se laisser porter par leurs envies du moment, pour ne pas s’attarder trop longuement sur ce dont ils ont envie plus profondément. Mais voilà qu’un caillou se glisse dans l’engrenage : un caillou gros comme des bulldozers, gros comme un projet immobilier. Un caillou gros comme une promesse à tenir coûte que coûte. Gros comme une petite boite à souvenirs enfouis bien profondément dans la terre, et que Coyote se doit d’aller déterrer. Même si c’est interdit. Surtout si c’est interdit. Car Coyote a beau aimé son Rodeo, elle aurait parfois besoin de son Papa …
Mais Coyote et Rodeo ne vont pas rester seuls bien longtemps : nomades au grand cœur, ils n’hésitent pas à ouvrir grande la porte du bus aux voyageurs embarrassés, aux âmes en peine. Et c’est ainsi qu’Ivan, le premier, se fait sa petite place sur le tableau de bord. Ivan le chat, personnage à part entière de ce roman : il représente la première « infraction » de Coyote aux règles bien tranchées de Rodeo. Ne pas s’attacher. Surtout pas à une petite boule de poils qui va crotter partout dans le bus. Mais Ivan est un chat « incroyablement raisonnable et propre pour son âge », alors il a eu le droit de rester. Et non, sa petite bouille adorable n’a absolument pas contribué à faire craquer Rodeo … pas du tout. Et puis, Lester est arrivé. Musicien tourmenté par une histoire d’amour compliqué, il doit absolument se rendre chez sa Tammy pour tâcher d’arranger les choses. Coup de chance pour Coyote, la destination de Lester rapprochera le bus de sa destination à elle en toute discrétion, et en plus, il a le permis (et on avale plus de kilomètres à la journée avec deux conducteurs qu’un seul). Quelques questions plus tard, Lester est accepté à bord. Et s’entend comme larron en foire avec Rodeo. Et puis, voici que Salvador et sa mère rejoignent la petite troupe, fuyant un homme violent et courant après un nouveau travail : Coyote se fait la réflexion que même s’ils sont est de plus en plus à l’étroit dans le bus, ils commencent à ressembler à une drôle de famille, et ce n’est pas si désagréable que cela. D’autant plus que Salvador a tout du meilleur ami idéal : lui aussi a des regrets plein le cœur, et déteste être pris en pitié. Et il ne laisse jamais tomber ceux qu’il aime. Bon point, très bon point. Il ne manque plus que Val, jeune fille chassée de chez elle, et Gladys, dont je ne dirai rien de plus, pour compléter cette improbable compagnie aux quêtes diverses et variées, mais finalement si similaires.
Car ils sont tous un peu cabossés par la vie, chacun à leur manière. Ils cherchent tous à recoller les morceaux de leur existence, sans trop savoir comment. Ils étaient seuls avec leurs peines et leurs doutes, et les voici tous embarqués dans la même galère. Une galère de luxe, avec des plans de tomates à la fenêtre et un chat-thérapeute des plus efficaces (et même une terrasse de toit pour hurler au vent ses secrets les plus intimes, lorsqu’ils deviennent trop lourd à porter pour un petit cœur brisé). Mais une galère tout de même : la vie est parfois une sacrée galère. On avance, ou du moins on essaye, tandis que des vents contraires (les petites et grosses tragédies, les petits et gros problèmes, les petites et grosses peines) vous rejettent sans cesse en arrière. Et on lutte, inlassablement, persuadés que le seul moyen de venir à bout de ces tempêtes est de foncer dans le tas, de foncer dans le brouillard, alors que, peut-être, on devrait accepter d’être rejeté sur le rivage, là d’où on vient, pour rafistoler un peu notre bateau avant de reprendre la mer. De reprendre la route. De reprendre le cours de son existence, regonflé à bloc après avoir fait la paix avec notre passé. Avec nos racines. Qui s’entremêlent aux racines des autres, car c’est ainsi dans les forêts : les arbres sont tous reliés les uns aux autres, dans une immense toile d’entraide et de soutien. Un arbre isolé ne pousse pas. Un arbre entouré se dresse vers le ciel, soutenu par les dons de sève de ses voisins. On a tous un peu des autres en nous, même si on aimerait parfois s’autosuffire, ne pas dépendre de quelqu’un qui pourrait à tout instant nous être arraché. Mais Coyote et ses compagnons de route vont vite comprendre qu’ensemble, on est plus forts …
En bref, je pense que vous l’aurez bien compris : il ne m’a fallu que quelques chapitres pour pouvoir affirmer que ce roman serait un fabuleux, un merveilleux, un absolu coup de cœur. Comment pouvait-il en être autrement ? J’aime les personnages un peu fantasques et cabossés à la fois, j’aime les récits doux-amers, durs et doux à la fois, les romans qui font rire et pleurer tout en même temps. Les histoires qui prennent aux tripes, qui chamboulent, qui bouleversent. Les histoires qui transforment, qui métamorphosent : celles qui nous aident à cheminer dans la vie, parce qu’elles font échos à nos propres doutes, nos propres peurs, nos propres peines. Celles qui redonnent le sourire, qui redonnent des forces, qui redonnent courage. Celles qui tissent un petit cocon de douceurs et de douleurs entremêlées, les premières adoucissant les secondes, les secondes affermissant les premières. Celles qui nous rappellent que même si la vie, parfois, semble prendre un malin plaisir à nous piétiner, à nous cabosser, c’est aussi la vie qui place sur notre chemin ceux qui sauront panser nos blessures et nous aider à aller de l’avant. Celles qui nous rappellent que « le voyage est parfois plus important que la destination », que les imprévus font partie intégrantes de l’existence, mais qu’il ne faut pas les laisser nous arrêter, que les détours sont parfois plus beaux qu’une route bien droite. Et que les amis, c’est un des cadeaux les plus précieux que la vie nous fait : ça, je m’en étais bien rendu compte, justement parce que c’est une amie qui me l’a fourré entre les mains, ce roman sublime ! Alors qu’attendez-vous pour vous l’offrir, et l’offrir à vos amis ?